Chapitre 4

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William me regarde, les yeux froncés, le visage rouge et les lèvres serrées. L'hostilité semble irradier de tout son corps. J'ai vu cette émotion sur un panneau du musée. La honte ? Non, ce n'est pas ça... La tristesse ? Non plus. Je n'arrive pas à me rappeler du nom, mais c'est le sentiment que l'on a quand quelque chose, ou quelqu'un, nous contrarie fortement.

— Criminelle ! me hurle-t-il, sa voix habituellement monotone tremble.

— Non, c'est faux... contesté-je.

— Menteuse !

Il s'approche et m'attrape par le bras. J'essaie de me libérer, mais il me retient sans effort grâce à sa poigne de fer. Autour de nous, aucun des Habitants ne relève les yeux de son assiette.

— Tu es défectueuse, tu dois être éliminée.

— Non ! Pas ça !

Sans perdre un instant de plus, il m'entraîne hors de la cafétéria. J'essaie de me débattre, mais il est trop fort et me traîne sans peine à travers les rues. Contrairement à ce que je pensais, nous ne nous dirigeons pas vers le centre de soin, mais en direction de la périphérie de la Ville.

Lorsque nous atteignons le champ de force, un groupe de gardes nous attend. Malgré la situation catastrophique dans laquelle je me trouve, je remarque que le paysage derrière eux semble inhabituellement net. Quand il ne reste plus qu'une dizaine de mètres entre eux et moi, je comprends que la barrière est désactivée.

Les gardes prennent le relais et me forcent à sortir de la Ville pour rejoindre un poteau situé sur la plaine qui entoure le champ de force. Ce n'est que lorsque j'aperçois la corde entre les mains de William que je comprends ce qu'ils ont l'intention de faire. Je me mets à me débattre avec encore plus de force, mais ils sont trop nombreux et remarquent à peine mes efforts pour me défendre.

Une fois attachée au poteau, je ne peux que regarder, impuissante, les gardes m'abandonner et rejoindre la Ville. William est le seul à s'attarder, son visage a repris son air imperturbable.

— Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même, explique-t-il. Tu savais ce qui allait arriver, tu aurais dû t'annoncer au centre de soin plus tôt.

— Je... je ne voulais pas perdre mes émotions... Ne t'en va pas !

Mais William continue à se diriger vers la Ville sans un regard dans ma direction. Un vrombissement commence à se faire entendre, je lève les yeux en direction du bruit. Au sommet du champ de force, le laser se met en position et je tente de me débarrasser des cordes qui me maintiennent plaquée contre le poteau, en vain. Une lumière rouge apparaît à l'extrémité du canon et se dirige à grande vitesse vers moi tandis que je me mets à hurler.

***

Je me réveille en hurlant, mon cœur bat si vite qu'il me semble sur le point d'exploser. Je m'assieds au bord du lit et enfouis mon visage dans mes mains. Mais qu'est-ce qui vient de m'arriver ? Selon mes recherches, les rêves sont censés être agréables et non ressembler à ça.

La sonnerie de mon bracelet me surprend et augmente de nouveau ma fréquence cardiaque qui commençait tout juste à se normaliser. Sur l'écran s'affiche désormais le message « rendez-vous au centre de soin ». Je ressens une soudaine envie de vomir et commence à trembler. Ils ont fini par remarquer que quelque chose sortait de l'ordinaire, évidemment. Je regarde ma montre, il est six heures pile. Au moins, je me suis réveillée à temps cette fois, même si c'est une maigre consolation.

Je me dirige en titubant vers le lavabo et m'observe dans le miroir. Je suis pâle, même un inconnu ne connaissant pas mon teint habituel le remarquerait. Je me passe de l'eau sur le visage, ce qui me fait du bien.

Sans émotions Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant