Sans émotions Tome 1

Chapitre 57

Je m'arrête au pied de la falaise, émerveillée en découvrant le paysage. Devant nous, en bas d'une longue pente abrupte, se trouve une ville. Ou plus exactement les ruines d'une ville de l'ancien temps. Le soleil bas à l'horizon, la rareté des gratte-ciels ainsi que l'absence du champ de force donnent un aspect étrange à la cité qui couvre plus de terrain horizontalement que verticalement.

— Je ne savais pas qu'il restait des villes de l'ancien temps...

À peine ai-je prononcé cette phrase que je me rends compte de ma bêtise. Évidemment qu'il en reste, personne n'était là pour les détruire ou les remplacer. Mais la vie dans le village est si différente de celle des Anciens qu'il m'est difficile d'intégrer la possibilité qu'il reste des vestiges de ceux-ci alors que la tribu est si dépourvue de technologie.

— C'est la plus proche de la tribu, mais il y en a encore pleins, explique Alex. Par contre, la plupart des villes sont totalement détruites, je sais pas pourquoi celle-là est en bon état par rapport aux autres.

Ayant du mal à contenir l'excitation qui s'est emparée de moi, je dois me retenir pour ne pas courir en direction de la ville afin de l'explorer. Alex, un sourire aux lèvres, m'emboîte le pas lorsque je commence à descendre la pente. Je ressens de la frustration lorsque nous ne sommes plus assez en hauteur pour apercevoir les bâtiments désormais masqués par les arbres.

Après ce qui me semble être une éternité, la ville réapparait. Un immense panneau tordu posé à l'entrée de la cité porte une inscription délavée rendue illisible par le temps. Je m'arrête au pied de celui-ci pour observer avec fascination la rue en face de moi qui n'a plus rien d'une rue tant la nature a repris ses droits. Le goudron d'autrefois est invisible, recouvert par une épaisse couche de terre et d'herbe. Des arbres massifs ont poussé là où des routes bien entretenues permettaient aux voitures de circuler, bien que les carcasses rouillées de celles-ci soient encore présentes. Quant aux façades des bâtiments, la plupart ont été tellement malmenées par le temps et les intempéries qu'elles présentent de nombreux trous.

Alors que je m'avance pour explorer plus en détail ce paysage urbain, Alex m'attrape par le bras.

— Doucement, je comprends ton excitation Ellie, mais il commence à faire sombre et tu risques de te blesser bêtement. On ferait mieux de trouver un endroit pour dormir, on pourra explorer demain, quand il fera jour.

Il a raison, mais cela ne m'empêche pas d'éprouver une immense frustration à l'idée de ne pas pouvoir combler ma curiosité tout de suite. Moi qui ai passé tant de temps au musée à étudier les Anciens, me voilà dans les vestiges d'une authentique ville de l'ancien temps ! Je me contente donc de lui lancer un regard noir avant de le suivre. Il est évident qu'Alex connaît bien l'endroit, il se dirige sans hésiter vers un bâtiment qui a mieux supporté les ravages du temps que ses voisins.

J'observe l'édifice, essayant de comprendre sa fonction. Comme la plupart des immeubles de cette rue, il est plus large que haut, cependant son architecture est différente. C'est le seul édifice qui ne comporte aucune fenêtre et le seul à posséder un auvent soutenu par de lourds piliers au-dessus duquel se trouve un panneau blanc ne comportant aucune inscription. Sous l'avant-toit se trouve les restes d'anciens campements, cet endroit a dû souvent être utilisé comme abri ces dernières années.

Je me laisse tomber sur le sol pendant qu'Alex allume un feu et j'observe avec intérêt l'entrée du bâtiment. Une minuscule cabine se trouve à côté des portes et plusieurs cadres vides qui comportaient probablement des tableaux sont accrochés au mur. Était-ce un musée ? Si oui, pourquoi prendre le risque de laisser des œuvres d'art à l'extérieur ?

Pendant que le repas cuit, je ne peux m'empêcher d'observer tout ce qui nous entoure, ce qui amuse Alex.

— Je t'ai jamais vu dans cet état. Je pensais bien que ça te plairait, mais pas à ce point.