Chapitre 20

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L'air commence à me manquer malgré ma respiration qui s'accélère et je sens ma poitrine se serrer douloureusement. Un mur de corps m'entoure. Partout où je pose les yeux, des regards hostiles me transpercent de toute part. Je me mets à chercher une échappatoire, mais la foule compacte ne laisse aucune possibilité de fuite. Le monde autour de moi se met à tourner à mesure que ma tête devient de plus en plus légère.

— Eh oui, notre cher Alex a réalisé un exploit que personne avant lui a réussi à accomplir !

La voix de Val semble provenir de très loin malgré le fait qu'elle se tienne juste en face de moi. Les nombreux murmures des Sauvages sont également distants. Mes oreilles ont-elles un problème ? Je n'ai pas le temps de m'occuper de cela, il me faut trouver un moyen de fuir. Mais cela m'est impossible. Le public suspendu aux lèvres de la blonde est bien trop dense, et quand bien même il y aurait eu un interstice dans cette barricade humaine, Alex me tient plus fermement que jamais.

Je remarque à peine que le jeune homme commence à m'entraîner avec lui une fois le discours de Val terminé. Les Sauvages devant nous se séparent en deux afin de nous laisser passer. Le fait de ne plus être encerclée me permet de me calmer et de reprendre une respiration à peu près normale. Je peux également enfin réfléchir posément, malgré la peur provoquée par la foule nous suit de près.

Stupide. J'ai été stupide. Totalement stupide.

Comment ai-je pu penser un seul instant que fuir la Ville pour rejoindre les Sauvages était une bonne idée ? Ils vont me tuer et je ne peux désormais qu'espérer une mort rapide, et surtout, que ce ne sera pas Val qui s'en chargera. La panique menace de me submerger à nouveau à la simple idée de me retrouver seule avec cette femme terrifiante.

Alex m'emmène en direction d'un bâtiment plus grand que les autres. Bien qu'il soit du même style architectural que le reste du village, c'est le seul édifice à être construit sur deux étages. Plus long que haut, sa façade composée de planches en bois comporte de nombreuses fenêtres, bien plus que les petites habitations qui l'entourent.

Les Sauvages me font franchir les lourdes portes qui s'ouvrent dans un grincement désagréable. Nous arrivons directement dans une grande salle avec un brasier en son centre. En face du feu, un imposant fauteuil recouvert de fourrure se tient sur une petite estrade, c'est le seul meuble dans cette grande pièce vide. Alex s'arrête en face de celui-ci.

La tribu entière semble nous avoir suivis et se presse autour de la salle pendant que nous attendons dans l'espace dégagé qui se situe entre le siège et le foyer. Je ne sais si c'est dû au fait que la pièce est convenablement éclairée, ou si c'est parce que les habitants du village se tiennent à une plus grande distance de moi, mais je n'ai plus la sensation d'étouffement que j'ai ressentie à l'extérieur. Les gens qui nous entourent parlent à voix basse entre eux pendant que je patiente en silence, Alex sur ma gauche imperturbable et Val sur ma droite, impatiente.

Un homme entre d'un pas déterminé dans la pièce par une porte qui donne directement sur l'estrade. Ses cheveux noirs, parsemés de filament gris, sont bouclés et tombent jusqu'à ses épaules, frôlant à chaque pas ses habits qui semblent de meilleures qualités que ceux des autres Sauvages. Plus colorés également. Il ne nous regarde pas, il se contente de fixer obstinément son siège sur lequel il s'assied avant de m'observer longuement. Lorsqu'il a enfin fini son examen minutieux, il lève sa main et les personnes présentes se taisent aussitôt.

— Expliquez-moi, dit-il simplement.

— Alex a réussi à capturer une Sang-Froid ! annonce Val en se frottant les mains.

— Ça, je le vois bien.

Je n'arrive pas à interpréter le ton de l'homme, mais il n'a pas l'air de plaire à Val. Celle-ci se tait et se redresse, immobile, les traits légèrement crispés. L'homme fait un signe de la main en direction d'Alex avant de se caler confortablement sur sa chaise en lissant sa barbe noire et blanche avec ses longs doigts couverts de bagues.

Sans émotions Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant