Chapitre 49

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Cela fait trois jours que le procès a eu lieu, trois jours que je suis désormais un membre à part entière de la tribu. Rien n'a réellement changé si ce n'est que je ne me suis jamais sentie aussi mal. Je passe mes journées à repenser à Max et à la façon dont je l'ai arraché à Mag, la culpabilité me serrant la gorge avec autant de force que Mat lors de son attaque. Quant à mes nuits, elles sont loin d'être reposantes. Je passe de longues heures à me tourner et retourner dans mon lit dans l'espoir de profiter de l'oubli offert par le sommeil, uniquement pour être réveillée par des cauchemars dans lesquels William m'entraîne loin d'Ash et d'Alex qui m'observent à travers le champ de force de la Ville.

Assise à table, je fais tourner une tasse de thé tiède entre mes mains tout en ignorant l'assiette qui contient mon petit-déjeuner à peine entamé. Je ne sais pas pourquoi je continue à cuisiner, de toute façon je n'ai aucun appétit ces derniers temps.

J'observe le ciel gris qui reflète à merveille mon humeur, je suppose que je peux le remercier puisque la pluie a entrainé l'annulation du rassemblement autour du feu de la veille. Je n'avais vraiment pas envie de raconter une histoire, je ne me sentais pas la force de mimer les sentiments des personnages quand ma propre morosité prend tant de place dans ma tête en ce moment.

Tout en poussant un long soupir, je finis ma tasse de thé et me lève pour effectuer ma promenade matinale. Je soupire énormément ces derniers temps, je me demande pourquoi. J'aurais dû me renseigner un peu plus sur ce sujet avant de quitter la Ville, je doute que l'explication de ce phénomène se trouve dans les livres des Anciens.

Je force mon corps à avancer, un pas après l'autre, suivant le même itinéraire que la veille et que le jour d'avant. Je marche à la périphérie du village en faisant bien attention à ne pas quitter les limites de celui-ci. Le souvenir, et surtout la peur, de mon attaque dans la forêt est encore bien trop présent. La seule idée de me retrouver à nouveau sous le couvert des arbres me déclenche des frissons incontrôlables, par conséquent je ne suis plus retournée au bord de la rivière, mon coin de lecture préféré.

Lorsque j'arrive dans la partie du village où se trouve la maison d'Alex, je ne peux m'empêcher de relever la tête et de regarder autour de moi dans l'espoir de le croiser. Je n'ai plus revu le chasseur depuis le procès, il n'a jamais tenté de me rendre visite, contrairement à Ash qui vient frapper à ma porte tous les soirs. Et chaque soir je prétends être trop fatiguée pour discuter afin qu'elle s'en aille. Je n'ai pas envie de d'être réconfortée, je ne mérite pas d'être réconfortée. Malheureusement, ou heureusement, je ne sais pas vraiment ce que je préfère, je ne le vois nulle part et je continus mon chemin malgré le trou béant que son absence creuse dans ma poitrine.

La plupart des gens que je croise durant ma promenade se contentent de m'ignorer, certains murmurent entre eux lorsqu'ils m'aperçoivent et quelques rares Sauvages ont la gentillesse de me saluer. Malgré mon statut de membre de la tribu, j'ai toujours autant l'impression d'être une étrangère qu'à mon arrivée.

C'est avec soulagement que je vois ma maison apparaître au loin et je presse le pas pour rentrer au plus vite. Je referme la porte derrière moi et m'appuie contre celle-ci, les yeux fermés. Les promenades matinales sont devenues de vraies corvées et j'ai de plus en plus de mal à me convaincre de les effectuer.

J'attrape le livre que je suis en train de lire, toujours sur l'agriculture, mais qui se concentre moins sur les machines de l'ancien temps et plus sur les méthodes d'irrigation, puis je m'assieds sur une chaise pour commencer ma lecture. En vain.

Mes pensées n'arrêtent pas de dériver vers Max et la culpabilité de l'avoir arraché à sa mère, ou pire encore, vers le regard de dégoût qu'Alex m'a lancé le jour du procès. Savoir que je l'ai blessé, qu'il ne m'estime plus autant qu'avant, m'est insupportable. Je me rends désormais compte à quel point je m'appuyais sur son amitié. À quel point savoir qu'il m'aiderait quoiqu'il arrive me remontait le moral. Maintenant que je ne peux plus compter sur sa présence, ma vie me semble étrangement vide.

Sans émotions Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant