Chapitre 37

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Les nuages sont toujours présents, bien que la longue pluie ait cessé il y a une semaine déjà, mais ils ont perdu leur aspect menaçant. Ils cachent toujours le bleu du ciel, mais leur couleur noire effrayante a été remplacé par un blanc plus lumineux.

Assise près de la fenêtre ouverte, un verre de thé entre les mains, j'observe l'extérieur. La rue en face de la maison de la vieille Ess, de ma maison, est rarement animée puisqu'elle se trouve légèrement à l'écart du reste du village. Aujourd'hui, il n'y a personne devant, pas même les enfants des voisins qui ont l'habitude de jouer dehors depuis qu'ils se sont remis du grand mal.

Mon sentiment de solitude est renforcé par le silence inquiétant et inhabituel de l'endroit, même les animaux de la forêt, dont la lisière ne se trouve qu'à une vingtaine de mètres de ma maison, ne font aucun bruit. Seul le discret son de la rivière qui s'écoule au loin me tient compagnie.

C'est le premier jour depuis la fin de la longue pluie où je ne me rends pas chez Tor pour aider Ash. Pas uniquement car elle n'a plus besoin de moi puisque ses patients sont soit assez rétabli pour rentrer auprès de leur famille, soit décédés, mais également car elle n'y est pas. Comme le reste de la tribu, elle se trouve sur la place du village.

Des chants emplissent soudain l'air. En raison de la distance qui me sépare du centre du village, ils sont aussi faibles que des murmures et couverts par le grondement pourtant faible de la rivière. Intriguée, je tends l'oreille. Impossible de discerner les paroles de la chanson, mais la mélodie est lente et triste.

Je reste un moment à écouter la musique en sirotant ma boisson. Lorsque la première chanson se termine, elle est aussitôt remplacée par une autre, tout aussi mélancolique. Je sens ma gorge se serrer et ma poitrine se comprimer sans savoir si c'est dû à la solitude ou à l'air triste que j'entends. Je finis par m'éloigner de la fenêtre, le cœur lourd.

Même si j'apprécie beaucoup Ash et Alex, leur présence est parfois épuisante et je suis heureuse de me retrouver seule. Malgré tout, j'éprouve un pincement au cœur à l'idée de me savoir chez moi tandis que la totalité de la tribu est réunie. En tant qu'invitée, et non membre à part entière de leur communauté, je n'ai pas été conviée aujourd'hui.

Je feuillette distraitement le livre posé sur la table à côté de l'assiette vide qui contenait mon repas de midi. J'ai de la peine à tenir en place, j'ai passé la journée assise et je n'ai qu'une envie : me dégourdir les jambes. À peine quelques secondes après m'être posée sur mon siège, je me relève et j'ouvre la porte d'entrée.

Sur le pas de la maison, alors que le vent s'engouffre à l'intérieur et fait voleter les pans de ma tunique contre mes cuisses, je me mets à hésiter. Rien ne m'empêche d'aller me promener, mais pourtant j'ai l'impression de briser leur loi. N'ayant pas envie de retourner à l'intérieur, je rassemble mon courage avant de poser le pied sur le sol encore meuble suite aux précipitations.

Tout en m'attendant à ce qu'un chasseur surgisse de l'ombre et m'accuse de vouloir les épier ou m'enfuir, j'avance de quelques pas. Depuis mon arrivée chez les Sauvages, je n'ai plus effectué de marche quotidienne comme j'en avais l'habitude dans la Ville. C'est en partie par manque de temps, mais surtout parce que la tribu n'aurait jamais accepté de me laisser errer dans les rues par peur que je ne les espionne.

Je n'ai pas envie de prendre le risque de me diriger vers le centre du village, les Sauvages pourraient penser que j'essaie d'observer leur cérémonie. Partir dans la forêt pour une promenade d'une demi-heure serait également dangereux, je risquerais de me perdre ou de tomber sur un prédateur. De plus, je ne suis pas sûre d'être autorisée à me rendre dans les bois. Je décide donc de le périmètre du village pour en faire le tour.

Sans émotions Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant