Les jours qui suivent le début de la longue pluie se ressemblent tous. Alex passe une grande partie de son temps libre à sculpter les bûches qui nous sont désormais inutiles, puisque nous avons dû condamner la cheminée. Quant à moi, je lis divers ouvrages à la recherche d'idées pour améliorer le village. En plus de cela, le jeune homme a pensé à prendre plusieurs jeux et m'en a enseigné les règles.
Nous passons donc la plupart de nos soirées à jouer aux dominos, aux dames ou encore aux échecs. Je me révèle être une bonne joueuse à ce dernier et, dès le cinquième soir, Alex refuse de faire d'autres parties contre moi. Selon lui, ce n'est pas « drôle » de perdre sans arrêt. Je continue également à lui faire la lecture et il m'aide à m'entrainer à transmettre les bonnes émotions, bien que je devienne de plus en plus douée pour cela.
La longue pluie n'a pas durée deux semaines comme prévu, cela fait maintenant vingt jours que les averses s'abattent avec force et sans interruption. Si, au début, nous ne ressentions aucuns symptômes, dès la fin de la première semaine, nous avons commencé à avoir la gorge qui gratte. Désormais, ma respiration est sifflante, difficile et ponctuée par une légère toux grasse.
Alex se gratte la mâchoire en observant la forêt à travers la fenêtre, perdu dans ses pensées. Sa barbe a poussée et les poils bruns contrastent fortement avec la pâleur de son visage fatigué. Une longue quinte de toux interrompt son silence, l'obligeant à se plier en deux pour reprendre son souffle, puis, trop fatigué pour rester debout, il vient s'asseoir en face de moi. Ses symptômes se sont péjorés depuis deux jours et je commence vraiment à m'inquiéter de son état.
— C'est de ma faute, dis-je après qu'Alex se soit laissé tomber lourdement sur la chaise.
— Hein ? Qu'est-ce qui est de ta faute ?
— Si je n'étais pas là, tu serais en sécurité chez toi au lieu de tomber malade. Il faut croire que le toit n'est pas aussi étanche que je le pensais.
Réussir à parler est difficile en raison de la boule que je ressens au fond de ma gorge, ainsi que de mon souffle court dû à la maladie. L'idée qu'Alex souffre et puisse mourir par ma faute m'est insupportable et je sens les larmes me monter aux yeux.
— Ellie, tu plaisantes j'espère ?
Je ne réponds rien, trop occupée à combattre mon envie de pleurer. Le jeune homme soupire et attrape ma main dans la sienne. Je sursaute à ce contact, Alex est normalement peu tactile, surtout en comparaison d'Ash.
— T'as même pas idée de l'état dans lequel j'aurais été si j'étais resté chez moi. Ton toit est mieux que les nôtres, normalement même rester assis aurait dû être trop dur en ce moment.
Dit-il cela pour me remonter le moral ? J'observe mon ami, sceptique, mais il semble sincère. Il ne m'a toujours pas lâchée et je me surprends à apprécier la chaleur qui irradie de ses doigts caleux. Après quelques instants, il tapote le dos de ma main et interrompt ce contact, pour mon plus grand malheur.
— Bref, je veux plus t'entendre, ni te voir, culpabiliser. On est en pleine forme comparé au reste de la tribu, crois-moi.
À ces mots, son visage devient anxieux et son inquiétude est contagieuse. J'ai déjà l'impression que nous sommes dans un état déplorable, je n'ose donc pas imaginer ce que doivent vivre les autres. Une bouffée de panique me submerge lorsque j'imagine Ash tousser du sang et s'étouffer à la recherche d'air.
Cela fait plusieurs jours que nous n'avons plus le cœur à jouer, sculpter ou lire, aussi nous nous contentons de rester assis en silence à observer la pluie à travers la fenêtre. Les gouttes tombent toujours avec force, comme si elles se moquaient de notre malheur.
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Sans émotions Tome 1
Fiksi IlmiahEleanor vit dans la Ville, une cité entourée d'un champ de force protégeant ses habitants de la pluie mortelle et des attaques extérieures. En échange, elle ne demande qu'une chose : abandonner ses émotions afin de vivre en harmonie avec les autres...