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Mathieu ne voulait pas d'enfant. Il n'était pas prêt à en avoir pour le moment et pour être honnête, lorsqu'Alia, sa copine du moment lui avait appris qu'elle était enceinte, il lui avait ordonné d'avorter.
Il ne voulait pas d'enfant.
Pour lui c'était clair, sa vie était déjà tracée dans sa tête, il aurait des enfants lorsqu'il serait marié.

Ce n'était pas le cas à ce moment et il n'était même pas sûr d'aimer réellement Alia. Lorsqu'on enchaîne les déceptions amoureuses, on perd goût en l'amour, on se demande si ce qu'on ressent au final ce n'est pas juste un manque ? Et s'il cherchait seulement de l'affection ? Qu'il voulait combler ce manque laissé par ses précédentes relations ?

Mathieu se posait beaucoup trop de questions, et quand Alia lui a tenu tête et a décidé de ne pas avorter, il a fui.

Il a fui plusieurs mois, de longs mois, durant lesquels ils se posaient des tas de questions. Puis un jour, il s'est rendu à l'évidence, cette petite fille était là sienne, et il s'en voudrait toute sa vie s'il la privait d'un père.

Il ne voulait pas d'enfant, mais Alia n'en voulait pas non plus lorsqu'elle était tombée enceinte. Son choix était égoïste, alors il revenu vers elle.

Il a passé le reste de sa grossesse à ses côtés, s'émerveillant chaque jour un peu plus du ventre rebondis qui grossissait.

Peu à peu, Mathieu se voyait vivre une vie de rêve. Oui, il allait marier Alia, parce qu'il en était sûr, il l'aimait de toute son âme. Puis ils allaient être des parents parfaits, aimant et proche de leur enfant. L'enfant serait une petite princesse, il la couvrirait de cadeaux et d'amour, et il en était sûr, ses amis la traiteraient comme une princesse. Il l'imaginait déjà, la parfaite copie de sa mère, le tempérament de son père. Il lui écrirait des chansons, et c'était sûr, elle en écrirait aussi.

Il était pressé que ce jour arrive. Pressé de la prendre dans ses bras. Pressé de regarder Alia dans les yeux après qu'elle ait mis au monde leur fille. Pressé de lui dire qu'il l'aimait de toute son âme et qu'ils feraient tout ce qu'il est en son pouvoir pour protéger les deux femmes de sa vie. Puis quelques années plus tard, ils auraient un garçon, et puis encore un autre, et même une deuxième fille.

Mathieu voulait une grande et belle famille. Il voulait les regarder tous les matins et se rendre compte de la chance qu'il avait. Il voulait éprouver cette fierté de dire que c'était sa famille. Rien qu'en y pensant Mathieu avait les yeux qui pétillaient.

Malheureusement, le destin en a décidé autrement et le rêve est vite devenu cauchemar.

Oui, la petite fille est née, et durant ces quelques instants, il était l'homme le plus heureux du monde.

Puis les machines ont commencé à biper. On lui a arraché sa fille des mains et on lui a ordonné de quitter la pièce. Il ne l'a pas fait. Mathieu est resté la, impuissant face à la scène qui se jouait devant lui et les larmes de joie sont vite devenu des larmes de tristesse.

Des nouveaux médecins sont entré et avant même qu'il ne se rende compte, le bruit des machines s'est arrêté et on lui a annoncé la mort de sa copine.

Sa copine qu'il souhaitait demander en mariage la semaine suivante.
Sa copine qu'il voulait voir porter ses autres enfants.
Sa copine qu'il souhaitait chérir jusqu'à ce que la mort l'emporte.
Sa copine à qui il n'avait jamais dit qu'il l'aimait.
Parce qu'il n'en était pas sûr, parce qu'il n'osait pas, parce qu'il trouvait ça trop intime, parce que c'était tabou et parce qu'il avait toujours eu du mal à faire confiance.

Ce jour-là, Mathieu avait pleuré toutes les larmes de son corps. Les parents d'Alia également, puis ils avaient fait un trait sur Mathieu et sa petite fille qui venait à peine de naître, jugeant pour eux que la situation serait trop délicate. La petite avait tué leur enfant, et ils ne pouvaient pas la voir grandir et prendre les traits de sa mère. Elle qui n'avait rien demandé à personne, même pas la vie, et qui se voyait privée de sa mère et de ses grands-parents maternels avant même de comprendre quoi que ce soit.

Alors que tout le monde pensait que Mathieu ferait de même et qu'il abandonnerait l'enfant également, après tout, il n'en voulait pas vraiment au départ. Ce jour-là, Mathieu a essuyé ses larmes.
Il a regardé ce minuscule bébé, puis il l'a prise dans ses bras, la serrant contre lui et se promettant qu'il ferait tout pour la protéger et la rendre heureuse. Puis il a décidé de nommer l'enfant Thalia, en hommage à sa mère qui venait de perdre la vie.

Il a donc élevé son enfant seul, aidé par sa grand-mère et ses parents parfois, mais c'était une décision de sa part, il ne remplacerait jamais Alia.

Il se l'était promis. Jamais plus aucune femme ne partagerait son lit, trop déçu par elles et par le destin. À partir de cet instant il avait dédié sa vie et son existence à sa fille et qu'importe si il fallait combler le vide d'une mère, il le ferait lui-même.

Il pensait naïvement qu'il réussirait seul, rejetant même parfois l'aide de sa famille. C'était sa fille, et c'était à lui de s'en occuper.

Malheureusement, Mathieu avait beau être devenu un tout autre homme au contact de sa fille, ce n'était jamais suffisant. Il était doux et aimant, la couvrant de gentillesse et d'amour.
Mais Thalia n'était pas une princesse, et grandissait dans un univers d'homme, elle voyait défiler les visages masculins autour d'elle, les insultes, les cigarettes, la drogue des amis de son père, le rap et ses phrases violentes...

Peu à peu, le caractère de Thalia avait changé et le harcèlement qu'elle recevait depuis les années collège n'avait pas aidé. Elle était toujours une petite fille douce et sensible, parfois même beaucoup trop. Mais elle était aussi virulente dans ses propos, blessante, vexante, distante.

Mathieu détestait hausser le ton, parce qu'il savait qu'après l'avoir vu baisser la tête et pleurer, elle la relèverait avec un regard remplis de haine et des propos blessant. Et c'était toujours pareil, lorsqu'une dispute éclatait, ils finissaient tous les deux blessé et meurtri.

Cette dispute n'avait pas échappé à la règle. Thalia pleurait à chaudes larmes contre son oreiller, pendant que Mathieu laissait silencieusement glisser des gouttes salées le long de ses joues.

Lui aussi, il aurait préféré mourir ce jour-là et s'il avait pu prendre la place d'Alia, il l'aurait fait sans hésiter.
Sa fille serait sûrement devenue une toute autre personne, beaucoup plus heureuse et épanouie qu'elle ne le serait jamais avec lui, il en était persuadé.

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