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Dix-sept heures. Je suis posé devant le lycée et je m'apprête à faire quelque chose de mal.
Thalia m'a dit qu'elle finissait à dix-sept heures, alors même si j'ai terminé les cours à seize heures, je suis resté au lycée. Je n'ai pas de souci à me faire, je sais que c'est son père qui vient la récupérer et tant mieux. Je suis à l'opposé de sa voiture, je n'ai pas envie qu'ils me voient.

Je fais mine de traîner sur mon téléphone, en réalité, je garde un œil sur les passants. Ma jambe gigote depuis une bonne dizaine de minute, je suis stressé mais l'adrénaline m'empêche de réfléchir correctement.
Je sais que je vais faire une connerie et il est trop tard pour m'en empêcher.

Violette a compris que quelque chose n'allait pas tout à l'heure et j'ai fait mine d'être préoccupé par le contrôle qu'on a passé dans la mâtiné. C'est totalement faux, je sais que je l'ai réussi et que j'aurai sûrement l'une des meilleures notes de la classe mais c'est la première excuse qui m'ai venu en tête.

Je ronge mes ongles, et si ça ne se passait pas comme je l'imaginais ? Et si Thalia m'en voulait ? Et si la situation se retournait contre moi ?
Mon cerveau est en train d'exploser au moment où Charlie passe devant moi, ses écouteurs vissés dans les oreilles. Il est trop tard pour faire marche arrière et sans plus y réfléchir je le suis, laissant une certaine distance entre nous deux pour ne pas éveiller les soupçons.

Je sens mon téléphone vibrer dans ma poche mais je n'y prête pas attention. Mon cœur accélère ses battements à tel point que respirer me fait un de chien, je mets ma capuche sur ma tête et lorsque l'on tourne dans une rue un peu moins fréquentée à cinq minutes du lycée je ne réfléchis plus et accélère le pas.

Avant même qu'il ne s'en rende compte mes mains sont posé sur le haut de ses épaules et je le pousse de toutes mes forces, il s'écrase contre le sol et son visage apeuré me fait face.

Rapidement, j'oublie tout ce qui me passait par la tête. Ce n'est pas mon genre de tabasser quelqu'un, la violence ce n'est pas quelque chose que j'affectionne, mais dans cette situation, quand mon regard croise le sien je laisse mes valeurs au placard. Je ne vais pas dire qu'il le mérite, mais je le pense fortement. Et quand j'imagine le doux visage innocent de Thalia je ne réfléchis plus et lui assène coup sur coup.

Au départ, il ne réagit pas vraiment et laisse mes poings rentrer en contact avec son visage mais il ne reste pas statique éternellement et il se met à me rendre mes coups. Mon nez me fait atrocement mal mais je mets de côté la douleur pour le moment.

Les quelques passants nous hurlent de nous arrêter, sans pour autant tenter de nous stopper. Ils assistent à la scène sans trop savoir quoi faire et je me contente de faire abstraction d'eux.

Je finis par m'arrêter une fois que la rage a quitté mon corps, j'assène un dernier coup de pied dans les côtes de Charlie avant de m'en aller, le laissant sur le sol, blessé.
Je pars sans me retourner, ne voulant pas voir l'ampleur des dégâts. Je regrette instantanément mes gestes, je sais pertinemment que la violence ne résout rien, ça ne changera rien, ni pour Thalia ni pour Charlie. Le frapper était un acte totalement égoïste et dépourvu de bon sens qui m'a valu un nez en sang et une lèvre fendue.

À mesure que je m'éloigne un sentiment de dégoût vient se loger dans le fond de ma gorge. Peut-être qu'il aurait été préférable que je ne fasse rien.

Je sors mon téléphone pour y voir un message provenant de Thalia.

Ça m'a fait du bien de parler
avec toi, t'es le meilleur

Je souris niaisement, comme chaque fois qu'il est question de cette fille.

Je suis content alors,
j'espère que ça va mieux.

Grâce à toi, oui


Je ne réponds rien, ne sachant pas vraiment quoi lui dire à part que je l'aime. Je range mon téléphone au moment où j'arrive devant chez moi. Je prends une grande inspiration, sachant pertinemment que mon visage ne va pas plaire à ma mère, puis j'ouvre la porte.

Je me déchausse en essayant de faire le moins de bruit possible puis je file directement dans la salle de bain pour tenter d'enlever ce sang. Malheureusement, je croise mon père. Il me fait face et son regard noir me balaye de la tête au pied.

- Qu'est-ce que t'as foutu ?
- Je me suis battu.
- Bah oui je le vois bien ça, c'est quoi ces conneries. T'es bientôt majeur Achille tu pense pas que t'as passé l'âge des querelles d'enfants ?
- C'est pas des querelles d'enfants, c'était mérité.
- J'espère au moins que l'autre est dans un moins bon état que le tien.

Je hoche la tête en guise de réponse, évidemment qu'il est dans un moins bon état que moi. Je trouve ça drôle quand mon père me sermonne pour ce genre de truc alors que c'est lui qui m'a appris à me battre dans un premier temps.

Je m'apprête à continuer mon chemin mais c'était sans compter sur l'arrivée de ma mère dans le couloir, le visage inquiet. Elle a sûrement dû entendre ma discussion avec mon père.

- Oh mon Dieu Achille ! Qu'est ce qui s'est passé ?

Elle s'approche et tourne mon visage dans tous les sens pour voir de plus prêt mes blessures. J'enlève ses mains et me recule.

- Je me suis battu avec un gars.
- Depuis quand tu te bats, tu sais très bien que la violence ça résous rien.
- Rien faire ne résout rien non plus, et je préfère agir que rester les bras ballants.
- Tu m'énerves ! T'es content de toi là ?
- Non, mais je me sens mieux.

Elle souffle de dégoût. Je n'ai pas envie de raconter les raisons de cette bagarre à mes parents puis ce que cela reviendrait à leur exposer quelque chose qui ne concerne que Thalia.

- T'as changé et je n'apprécie pas la personne que t'es en train de devenir mon garçon.

Ses mots me blessent un peu, je n'ai rien fait de mal et je ne pense pas avoir changé ces derniers mois, je suis juste amoureux.

- T'y va un peu fort Gaïa...
- Non pas du tout, ton fils rentre le visage en sang et toi tu réagis comme si tout allait bien ! Vous m'enervez tous les deux.
- Tu veux que je le sermonne pendant une heure ? J'ai fait bien pire je suis pas crédible dans ce rôle-là tu le sais très bien.
- C'est pas une raison pour laisser passer ce genre de chose !
- Je laisse rien passer, je le comprends, c'est tout.
- C'est déjà beaucoup trop Ken.
- Arrête de prendre ce ton avec moi, c'est un gentil garçon notre fils tu sais très bien qu'il ferait pas de mal à une mouche.
- C'est ce que je croyais, mais à l'évidence je me suis trompée !

Je souffle bruyamment ce qui ne fait qu'énerver un peu plus ma mère.

- Arrêtez de vous crier dessus putain. Je suis pas un assassin, je sais que j'aurai pas dû frapper ce gars et que ça me ressemble pas du tout, mais j'ai déraillé sur le coup. Il a fait du mal à Thalia et je supporte pas ça, je sais très bien que si papa avait été à ma place il aurait fait la même chose. Si il avait simplement été question de moi je l'aurai pas frappé, mais c'est au-dessus de ça, qu'on me fasse du mal je peux le tolérer et garder mon calme mais quand ça touche quelqu'un d'autre c'est pas pareil, et tu peux pas dire que j'ai changé j'ai toujours été comme ça, déjà a l'école je me battais avec tous les garçons qui embêtait Violette. C'est la même chose, sauf qu'on a grandi et on fait plus face au même problème. Si j'ai frappé ce mec c'est pas parce qu'il a embêté Thalia, c'est bien plus grave que ça.

Ma mère ne répond rien et je prends ce silence comme une fin de conversation. Je les quitte et rejoins directement la salle de bain pour prendre une douche et enlever ce sang qui a séché. Je me regarde rapidement dans le miroir et constate que les dégâts sont très minimes, il n'y a rien d'inquiétant ou de grave.

J'attrape mon téléphone et écris rapidement à Thalia.

Je lui dis que je l'aime, tout simplement, pour la deuxième fois de la journée.
Je ne sais pas comment elle perçoit ces mots-là, mais je sais quel sens ils ont pour moi.

Je suis amoureux de Thalia et je suis prêt à tout pour elle, même faire des erreurs ou des actes stupides.

tout recommencerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant