23.

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Thalia est assise face à moi dans la cafétéria, et pour la énième fois de la semaine elle refuse de manger. Ma jauge de patience est en train d'atteindre son maximum et j'essaie tant bien que mal de contenir ma colère. Quelque chose ne va pas, et je n'ai plus envie d'être spectateur de ses mal-être, c'est trop dur à vivre. Je n'arrive pas à la regarder sans que sa tristesse me frappe au visage. J'ai atteint le point de non-retour, je l'ai laissé me faire croire pendant presque toute une semaine que tout allait bien, en sachant pertinemment que ce n'était pas le cas.

Je me relève subitement, mon plateau n'est pas terminé mais qu'importe, je n'ai plus faim. J'ai besoin d'avoir une discussion sérieuse avec Thalia, encore une fois.
Elle se lève à son tour et par un simple regard me demande ce qu'il m'arrive. Je ne réponds rien et je quitte la cafétéria, elle fait de même, inquiète.

Une fois arrivée dehors, elle se précipite à mes côtés et passe son bras autour du mien, pour marcher à mes côtés comme un petit couple.

- Arrête d'accélérer, tu vas ou comme ça ? elle demande doucement
- J'en sais rien.
- T'es énervé ?
- Oui, je suis énervé.
- À cause de moi ?

Je sens sa voix vaciller et son regard cherche le mien, comme si mes yeux lui suffisaient à comprendre ce qui me passait par la tête.

- Un peu.
- Ah...

Elle s'arrête au beau milieu de la cours, m'obligeant à faire de même.

- Dit moi ce que j'ai fait de mal.

Je souffle bruyamment et me plonge dans un silence profond, cherchant les mots adéquats.
Naturellement, elle part s'asseoir sur une table dans la cours et je fais de même.

- Pourquoi tu veux pas me dire ce qui va pas ? Je suis pas bête Thalia et je te connais, je vois bien que t'es malheureuse.
- Si tu me connaissais vraiment tu saurais que c'est pas nouveau et qu'il ne faut pas s'inquiéter pour des choses aussi futiles.
- Ce que tu ressens c'est pas futile arrête tes conneries. Et arrête de détourner le sujet.

Elle souffle et baisse la tête sur ses mains qu'elle triture, comme chaque fois qu'elle est mal à l'aise ou stressé.

- J'ai pas envie de t'en parler Achille...
- Promets moi que tu vas en parler à quelqu'un d'autre alors.

Elle ne répond rien et j'en déduis qu'elle ne le fera pas alors je repars à la charge.

- Alors tu m'en parles à moi. Et c'est pas une demande, c'est une obligation Thalia je rigole pas, je vais pas te laisser dépérir dans ton coin. Je suis ton ami, je vais pas te juger ou quoi que ce soit.

Mon ton est dur, mais c'est pour la bonne cause.

- Je sais que tu vas pas me juger je te fais confiance.
- Alors c'est quoi le problème ?

J'essaye de prendre le ton le plus doux possible et d'être bienveillant avec elle, mais cette situation m'énerve vraiment et je lutte contre moi-même.

- C'est par rapport à Charlie...

Je sens mon cœur se serrer, mais j'essaie de garder la tête froide.

- Raconte moi.

Elle baisse la tête une nouvelle fois et je comprends que ce qu'elle a à me dire ne va pas me ravir.
Elle souffle un grand coup et prend la parole.

- Quand j'étais chez lui vendredi, il a voulu qu'on couche ensemble.

Mon poing se serre sous la table, je n'apprécie pas l'image qui me vient en tête et égoïstement j'ai envie de partir, mais mon regard croise enfin le sien, et je me rends compte qu'elle n'essaye pas de me dire qu'elle a prit son pied, alors rapidement, je me sens mal.

- Et toi, tu voulais pas ? je lui demande inquiet
- Non ...

Mon sang ne fait qu'un tour et je m'imagine déjà en train de le frapper.

- Il t'a forcé Thalia ?
- Non, il m'a pas forcé, pas vraiment.
- Explique moi. Il t'a demandé si t'en avais envie ?

Je commence à ronger mes ongles, chose que je fais très rarement, seulement lorsque je me retrouve dans un état de stress extrême.

- Non il m'a pas demandé, mais je lui ai pas dit. Je lui ai pas dit d'arrêter. C'est ma faute j'aurai dû le dire.
- Dit pas ça, c'est pas de ta faute Thalia je te promets te blâme pas. Raconte-moi, s'il te plaît...

J'ai envie de faire un meurtre, mais j'essaie de garder mon sang-froid face à Thalia.

- L'ambiance était bizarre et quand il m'a dit que ses parents seraient pas là c'était encore pire.
On a mangé, puis il a commencé à se rapprocher, tenter d'établir de plus en plus de contacts. Au final j'ai même pas vu le truc venir, j'ai pas eu le temps de dire non qu'on était déjà en sous-vêtement, lui au dessus de moi. Il a embrassé mon corps un peu partout, et il a passé ses mains partout aussi.

Elle tire sur son sweat pour laisser apparaître des marques de suçon sur le cou, je sens que mon cerveau est en train de vriller.

- Puis j'ai fait une crise de panique et il a tout stopper, et je suis parti sans un mot. On s'est pas parlé depuis. Il m'a envoyé plusieurs messages mais j'ai pas répondu.
- Je vais le tuer Thalia.
- Non, tu vas rien faire, s'il te plaît t'énerve pas.
- C'est trop tard, je suis déjà énervé, je suis désolé.

Elle souffle et baisse la tête, sans trop réfléchir je me lève et m'assois à côté d'elle pour la prendre dans mes bras.
Elle ne se fait pas prier et sa tête vient s'écraser contre mon torse. Sa main agrippe mon sweat et son odeur fruitée vient titiller mes narines. Je resserre l'étreinte autour d'elle, comprenant qu'elle en a encore plus besoin que moi. Mon menton se retrouve posé sur le haut de son crâne et je ferme les yeux quelques instants, faisant abstraction des gens autour, du bruit, et de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Elle m'apaise sur le moment, mais je sais pertinemment que cet effet ne durera pas éternellement.

Quelques minutes plus tard, je décide de reprendre la parole, sans pour autant changer de position ou la lâcher.

- Tu vas bien ? Je veux dire, réellement comment tu te sens.
- Comme d'habitude, j'ai connu mieux, mais j'ai aussi connu pire, je vais pas me plaindre.

J'attrape son visage à l'aide de mes deux mains, posées sur chacune de ses joues. Je plonge mon regard dans ses yeux profond et elle fait de même.

- Je veux plus que tu connaisses pire. Ni même quelques choses de semblable à cela, je veux que tu sois heureuse tout le temps. Je te promets que je vais tout faire pour que ce soit le cas, pour que t'ai toujours un sourire sur tes lèvres, que t'apprécie la vie tout simplement.
- Je suis bien quand je suis avec toi.

Elle dépose ses mains sur les miennes, qui reposent toujours sur ses joues. Ses yeux ne lâchent pas les miens et mon cœur me hurle que c'est le moment idéal pour l'embrasser. Mais je ne l'écoute pas et préfère suivre les conseils de ma tête.

- T'es importante pour moi, je laisserai plus personne te rendre malheureuse je te promets, je t'aime Thalia.

Elle me sourit de toutes ses dents, cette image vient réchauffer mon cœur et je lâche son visage pour la reprendre dans mes bras et la serrer le plus fort possible. Et contre mon torse, elle me répond d'une petite voix douce.

- T'es la personne qui compte le plus pour moi juste derrière mon père.

Ses quelques mots valent à mon sens beaucoup plus qu'un je t'aime et viennent me remplir d'amour. Je sens cette boule dans le bas de mon ventre prête à exploser et un sourire digne d'un adolescent amoureux vient orner mon visage. Sur le moment, je suis apaisé, mais je n'oublie pas ce que Thalia m'a dit, et surtout, je n'oublie pas Charlie.

tout recommencerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant