La première respiration lui fut étrangère. La seconde, moins hésitante, rappela son corps et le reste de son esprit à la conscience.
Alors seulement Eloïse ouvrit les paupières pour apercevoir des néons ténus au dessus de sa tête.
Elle ne sut combien de temps elle resta immobile, à remuer les doigts sous la couverture qui remontait jusqu'à ses épaules pour tester ses muscles raides et faibles. À se demander où elle se trouvait et ce qu'il s'était passé. Ses pensées se mirent en place une à une et ses derniers souvenirs en date emplirent son esprit.
Après dix longues minutes de tergiversions – du moins elle le supposait – Eloïse décréta que le plus simple pour obtenir des réponses était encore de poser des questions. Elle trouverait bien quelqu'un pour s'en occuper.
Eloïse roula sur le côté dans un grognement et voulut pousser sur ses bras pour se redresser. Son regard, d'abord posé vers une paire de pied – elle venait tout juste de remarquer qu'elle n'était pas seule dans la pièce – croisa celui, calme et rassurant, de Victorien.
Il y eut un flottement.
Eloïse voulut le saluer, lui poser des questions, mais elle ne réussit à articuler qu'un croassement incompréhensible qui la fit tousser. Victorien quitta la chaise qu'il occupait et posa son livre dessus pour la rejoindre. Il l'aida à se redresser, cala son oreiller dans son dos pour qu'elle soit à l'aise et s'assit au bord du lit.
- Visiblement, petit ours a fini son hibernation.
Elle lui renvoya un regard noir à l'entente du surnom et se racla la gorge.
- Bonjour à toi aussi, répondit-elle. On est où ?
- À l'hôpital du quartier Ivoire de la Cité.
- ... Oh.
Eloïse observa les alentours avec curiosité. Effectivement, elle avait des souvenirs qui correspondaient, à l'époque où elle y avait déjà été transférée.
- Comment tu te sens ? lui demanda Victorien.
- Fatiguée et raide. Autrement, ça va. Et toi ?
- Je vais très bien. C'est de ton état dont tu devrais t'inquiéter, pas du mien.
- Tu n'as pas été épargné par ce qu'il s'est passé toi non plus.
Victorien lui renvoya un regard qu'elle ne sut interpréter.
- Tu veux sans doute la mauvaise nouvelle tout de suite.
- La... Mauvaise nouvelle ? s'inquiéta Eloïse.
Le mage noir sortit son téléphone de sa poche et lui colla l'écran de verrouillage devant les yeux. Au départ, Eloïse ne comprit pas le but de la manœuvre – surtout qu'il avait le fond d'écran le plus basique que le monde ait pu créer –, jusqu'à ce qu'elle n'aperçoive la date du jour.
- Le cinq mars ? s'horrifia-t-elle.
Elle crut d'abord que Victorien lui faisait une blague, mais ce n'était pas son genre et il se le serait encore moins permis après les derniers événements.
- Mais ça veut dire que...
- Ça fait plus de trois semaines que tu dors, confirma Victorien.
Eloïse ferma les yeux, expira bruyamment et maudit son existence tandis qu'il rangeait son téléphone. Un rire nerveux lui échappa.
- Tu devrais changer ton fond d'écran, dit-elle après un long silence.
- C'est tout ce que tu trouves à répondre ?