Eloïse se réveilla étrangement calme et lucide.
Elle avait une impression de légèreté, comme si elle flottait au dessus de son matelas alors même que son corps était lourdement allongé dessus. Son oreiller, peu moelleux, lui semblait pourtant être la chose la plus confortable sur laquelle elle ne s'était jamais endormie.
Elle battit des paupières, prête à découvrir le plafond blanc de sa chambre. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle s'aperçut qu'il s'agissait de celui de son CDI.
Eloïse, soudain alerte, remit aussitôt ses pensées en ordre. Sans bouger, elle détailla ce qui l'entourait et s'affaira à chasser le brouillard de son esprit.
Elle était allongée sur le canapé du CDI et non sur son matelas. Sa tête reposait, si elle s'en référait à ses sensations, sur un vêtement roulé en boule. Une cape à l'odeur diffuse de lavande la recouvrait : celle de Victorien.
Eloïse ferma les yeux de nouveau. Il lui semblait que son cerveau était entouré par des couches successives de coton. Toutes ses sensations étaient engourdies.
Malgré cela, elle se rappela bien vite comment elle en était arrivée là. Et, aussitôt, la conversation qui se déroulait à trois mètres d'elle lui sauta aux yeux – enfin, aux oreilles.
Eloïse ne savait pas combien de temps elle était restée inconsciente, mais était animée par un besoin impérieux de se lever. Comme si elle avait déjà beaucoup trop dormi et qu'une montagne de choses lui avaient échappé.
Elle roula sur le côté et poussa sur ses bras pour se redresser. Elle ne s'attendit pas à trouver son corps aussi raide alors même qu'elle avait toujours l'impression de flotter. C'était particulièrement déstabilisant.
Les conversations cessèrent alors qu'Eloïse se dressait sur ses pieds, la cape enroulée autour d'elle.
Une vingtaine de paires d'yeux étaient braquées sur elle.
Ilyann se leva de sa chaise – tout le monde était assis autour de plusieurs tables assemblées entre elles – et courut pratiquement dans sa direction. Il posa ses mains sur ses épaules avec un surplus de délicatesse tandis qu'Eloïse détaillait le pli profond qui lui barrait le front.
- Je désespérais de te voir te réveiller. Comment tu te sens ? lui demanda le Madrigan, sa voix teinté d'une inquiétude non dissimulée.
Eloïse hésita sur la réponse à apporter. Elle-même ne savait pas exactement. Mais tout le monde semblait pendu à ses lèvres en attente d'une réponse et ce constat la mettait mal à l'aise.
- Bizarre, admit-elle.
- Comment ça ? répliqua vivement Ilyann. Tu as mal quelque part ? Des vertiges ? Des hallucinations ?
- Quoi ? s'exclama Eloïse, confuse. Non. J'ai juste l'impression d'être complètement engourdie. Et raide. Rien de grave.
Ilyann se détendit quelque peu, mais ne put s'empêcher de la détailler avec attention. Quand son analyse fut terminée, il lui adressa un sourire avant de l'entraîner en direction de la grande table. Eloïse détailla les visage qui se trouvaient assis autour.
Pour la plupart, il s'agissait des mêmes personnes qui étaient présentes au CDI avant qu'elle ne se fasse emporter par Hayden Rivière. Simplement, une bonne partie du personnel de l'établissement avait disparue. Eloïse reconnut M. Manent, le directeur et trois autres professeurs, mais c'était tout. Eugénie, Mila et Lysandre étaient maintenant entourés de leurs parents respectifs, qui semblaient refuser de les lâcher d'une semelle.