Les regards inquiets dont Eloïse écopa furent une représentation fidèle de la confiance que l'on accordait à ses plans.
- Sur une échelle de un à dix, tu l'estimes dangereux à combien ? s'assura Eugénie.
- Huit ou neuf, répondit Eloïse.
- Sérieusement ?
- C'est hors de question que tu prennes tant de risques, dit M. Manent, qui prenait la place de l'adulte responsable. La situation est déjà à deux doigts d'échapper à tout le monde.
- Écoutez, soupira Eloïse, si on doit attendre que Caleb arrive, on dépasse l'échelle. De loin. C'est la seule solution que j'ai et c'est la moins dangereuse.
Cela eut le don de ne rassurer absolument personne. Eloïse soupira. Elle comprenait leurs réactions, mais ils ne savaient pas à quel point certaines situations pouvaient être désespérées. Niveau plan foireux, elle avait déjà fait pire. Enfin, presque.
- Tu comptes faire quoi ? s'inquiéta Mila.
Eloïse ne lui répondit pas, le regard rivé vers les laboratoires. Son entourage insista pour lui soutirer des informations, mais elle resta stoïque.
Bien, c'était maintenant qu'il fallait agir.
Tandis qu'Hayden finissait de déblatérer de nouvelles horreurs, Eloïse se décala de quelques pas pour être plus proche du centre de l'affrontement tout en restant derrière la division londonienne.
- Meo eda gli vayla lakzet manes ! lança-t-elle assez fort pour être entendue de tous les magiciens.
Les chasseurs se retournèrent, confus. Amy n'avait pas l'air amusée du tout.
- Qu'est-ce que tu dis ?
- Je l'insulte, répondit Eloïse. Vengeance personnelle.
Bien entendu, elle mentait ouvertement. Les laboratoires froncèrent les sourcils, pour le moins déroutés. Les magiciens de l'Ombre s'imaginèrent le pire.
Eloïse avait une offre à faire aux ennemis. Et elle faisait en sorte que les humains ne puissent pas savoir ce dont il s'agissait.
- Teiki neda jiu haylatti rida blidestreo tokhe, poursuivit-elle. Mao sihor zimaenstye fe mane.
- Mais qu'est-ce que tu leur raconte ? s'insurgea Amy.
- Karkryo sostrao mane, poursuivit Eloïse, aektah mane. Jiu insadyati neda esvacht yne teiki, hai ?
Amy sentit la situation lui échapper, puisqu'à partir de ce moment, l'intégralité des magiciens se mirent à échanger en lysirien. Elle ordonna aussi sec à ses chasseurs d'éloigner Eloïse de l'affrontement verbal et de l'équiper d'un bracelet coupe-magie, au cas où.
Peut-être Londres avaient-ils eu pitié de la jeune fille un court instant, peut-être la considéraient-ils désormais comme l'humaine qu'elle était, mais ils n'en restaient pas moins méfiants à son égard, elle qui avait été façonnée par une horde de magiciens.
- Bon sang, mais qu'est-ce que tu as fait ? cracha-t-elle.
- Vous me remerciez plus tard, répondit Eloïse.
Amy, confuse et en colère, secoua la tête et tenta de ramener un peu d'ordre là où Eloïse avait causé le chaos. Cela lui prendrait suffisamment d'énergie pour qu'elle oublie temporairement la magicienne.
Eloïse retourna contre le mur où se trouvaient ses amis et M. Manent. Elle se frotta le poignet dans un réflexe désagréable. La chaîne du bracelet était froide contre sa peau. Cela lui rappelait lorsqu'elle devait en porter un en permanence, quand Caleb avait encore la possibilité d'entrer dans son esprit.