Ils avaient quitté le palais à une vitesse folle. Eloïse, sur Terre, en plein assaut des laboratoires ? Voilà qui ne sentait pas bon. Heureusement qu'elle avait eu le réflexe de trouver un autre magicien. Et heureusement que Victorien avait décroché lorsque Michaël l'avait appelé.
Lui, Miranda et Haven faisaient ainsi le trajet inverse pour retourner à la Porte des Mondes la plus proche. Il leur fallait environ trente minutes pour atteindre une arche depuis le palais, puis quinze pour aller de la Porte des Mondes jusqu'au lycée d'Eloïse. Ils décidèrent de courir pour mettre moins de temps.
Alors qu'ils franchissaient la limite avec le quartier Doré – il avait été établi que pour plus de sécurité, ils ne prendraient pas le même itinéraire qu'à l'aller –, Haven se tourna vers Victorien, qui ne lui avait pas adressé un mot depuis qu'ils étaient arrivés à la Cité.
- Écoute, Aprehensen, je suis désolé de ce qu'il s'est passé, mais comprend que je ne pouvais pas faire autrement. Je ne l'aurais jamais laissée seule si j'avais eu le choix.
- Je l'entends bien, Redland, répondit Victorien.
- Mais tu m'en veux quand même.
- Je t'en veux autant que je m'en veux à moi.
- Ou à moi, ajouta Miranda.
Victorien arqua un sourcil.
- En l'occurrence, non. Surveiller Eloïse n'était pas ton rôle et tu t'es bien battue. Comme d'habitude.
- Je vois qu'il y a du favoritisme, ironisa Haven.
- Bien sûr qu'il y en a.
- Désolée, Haven, lui dit Miranda, pas désolée du tout.
Haven secoua la tête. Même s'il ne le montrait pas, il était persuadé que Victorien s'habituait à sa présence. Il n'était pas aussi virulent que quelques semaines plus tôt. Cela ne voulait pas non plus dire qu'il l'appréciait particulièrement. Tout venait en nuances.
- Je sais que le fait d'être parent doit être nouveau pour toi et que tu dois beaucoup t'inquiéter, dit Haven. Mais Eloïse est loin d'être stupide, elle saura se tenir hors de danger.
- Ce n'est pas nouveau, c'est la troisième fois. Quand bien même, je ne t'ai pas demandé ton avis. Et concernant Eloïse, je suis au courant, merci bien.
- Je tentais d'être compréhensif, Victorien.
- Personne ne t'a demandé de l'être.
Haven abandonna définitivement toute tentative de conversation. À ce niveau là, parler à un mur désagréable faisait le même effet.
Ils atteignirent l'arche du quartier Doré, qui les mena jusqu'au quartier Eau, où ils empruntèrent la Porte des Mondes pour arriver sur Terre.
Eux qui s'attendaient à croiser d'emblée de la compagnie, ils ne furent pas déçus. Ils tombèrent en plein combat qui opposait des ifrayens à Zéro. Combat qu'ils n'eurent pas le temps de joindre, puisque Zéro en finit presque aussi vite. Il laissa retomber ses bras, où sa magie se dissipait en faibles volutes jaunes, et tourna la tête vers les nouveaux venus tandis qu'il reprenait son souffle.
- Qu'est-ce que vous faites là ?
- Quelle question, mon cœur. Mes anciens collègues nous posent problème, lui dit Haven.
- J'avais cru remarquer, répliqua froidement Zéro.
Il détestait toujours autant Haven. Ce dernier cessait de s'en offusquer, sachant que la moitié de l'Ombre devait déjà le haïr.