- Redland !
Le magicien clouait son adversaire au sol, mais avait des difficultés à le maîtriser. Victorien l'appela une nouvelle fois pour l'inciter à se réveiller. Eloïse venait de passer la Porte des Mondes et il était hors de question qu'elle reste seule trop longtemps.
- Je fais de mon mieux ! répliqua Haven.
Il savait largement se défendre en conditions ordinaires, mais ne s'était jamais retrouvé confronté à un chasseur de prime d'élite. Ils étaient coriaces, il fallait bien le reconnaître.
Haven se retrouva déséquilibré et ne dut son salut qu'à l'apparition soudaine de Miranda, qui planta une barre de fer dans le dos de son assaillant. Le sang gicla dans les yeux de Haven, qui repoussa le cadavre et se releva en s'essuyant le visage.
- Frichta tarje aelastra, pesta-t-il.
Miranda ricana
- C'est marrant, il n'y a que les natifs lysiriens qui n'injurient pas en français.
- Les habitudes ont la vie dure, répliqua sobrement Haven.
- Je sais. Le français n'est pas ma langue natale non plus.
Ils retournèrent tous les deux dans la bataille, Haven avec son fil de fer et Miranda en usant de ses poings. Elle était couverte de sang de son dernier affrontement, mais la plupart n'était pas le sien. Comment elle s'était débarrassée de neuf chasseurs de prime, en revanche, restait un mystère, surtout qu'ils étaient dotés de lames en matériaux synthétiques, donc inefficaces face à son essence magique. Du coin de l'œil, Haven vit qu'elle avait l'air épuisée, même si elle tentait de le camoufler.
Victorien avait déjà éliminé six ennemis, ce qui signifiait qu'il en restait quatre sur les onze originels.
Ils devaient faire vite.
Victorien se rapprocha de Miranda et Haven. Il avait abandonné l'utilisation des ombres, puisque les chasseurs de prime avaient compris comment les éviter et les détruire.
- Redland, passe la porte, ordonna-t-il.
- Compte tenu de la situation, je te demanderai la politesse plus tard.
Haven, couvert par ses camarades, s'élança vers la Porte des Mondes. Les ennemis, plutôt que de s'attaquer à eux directement comme ils faisaient depuis le début, changèrent de tactique. Ils se reculèrent et bloquèrent le passage vers la porte à trois pendant que le quatrième en touchait la poignée.
- Ils n'essaient quand même pas de savoir où Eloïse est partie ? s'insurgea Haven.
Victorien fronça les sourcils. Le chasseur devant la porte usait de magie rouge, il en sentait la moindre fluctuation.
Non, ils ne cherchaient pas l'emplacement d'Eloïse. Ils faisaient pire.
- Il faut l'arrêter par n'importe quel moyen, déclara-t-il.
- Quoi ? répliqua Haven.
Miranda, elle, ne posa aucune question. Elle accéléra l'allure et forma des poignards entre ses mains. On lui barra immédiatement la route, ce qui fut loin de l'arrêter. D'un geste habile, elle esquiva les chasseurs, entailla la hanche de l'un et le bras du deuxième, qui s'approcha dangereusement d'elle.
Sans qu'elle ne comprenne comment – l'épuisement était à blâmer – Miranda fut projetée au sol. Elle se retourna sur le dos et leva brusquement sa jambe pour se défendre quand l'ennemi blessé au bras tenta de la poignarder en pleine poitrine. Victorien surgit derrière lui pour l'étrangler tandis que Haven lançait son fil de fer vers les jambes du chasseur devant la porte. Il fut aussitôt bloqué par un couteau qui dévia sa trajectoire.