Les magiciens suspects n'avaient pas refait surface. Pourtant, les rondes étaient devenues plus strictes. Talin, qui ne rêvait que de se reposer, parcourait la Cité du matin au soir et devait reporter immédiatement le moindre comportement suspect.
Apparemment, ce qui se tramait dans l'ombre ne plaisait pas du tout aux Effacés. Talin aurait aimé qu'on lui en apprenne plus, mais c'était trop en demander à ses supérieurs.
- Toujours en train de ruminer ? l'interrogea Jia.
- Tu ne veux pas en savoir plus, toi ?
- Bien sûr que si. Mais chaque chose en son temps.
- Jia, on est en train de surveiller la Cité sans même savoir pourquoi.
- Et des fois tu es commandité pour tuer des gens sans raison valable. C'est marcher qui te pose le plus de problèmes ?
Ce que Talin aimait chez Jia, c'était son répondant.
- J'ai mal aux jambes, se justifia-t-il.
- Pauvre poussin. Tu voudras un massage ?
- Ce n'est pas de refus.
- D'accord, en revanche, je demande une contrepartie.
Talin haussa un sourcil. Un passant manqua de lui rentrer dedans, mais il l'évita d'un geste souple. Le quartier Miroir était toujours bondé après dix heures du matin.
- Contrepartie, du type ?
- Moi aussi j'ai mal aux jambes. Tu n'es pas le seul à marcher depuis des heures.
- D'accord, ça me semble juste.
- Et si tu es gentil, je peux même te faire un massage un peu plus haut.
- Ben voyons, se moqua Talin.
Ils continuèrent à avancer et contournèrent l'arche du quartier, soigneusement gardée par sa passeuse. Ce n'était pas la première fois que Jia lui sortait de pareilles insinuations, mais Talin s'en amusait plus qu'autre chose.
- Toujours aussi désintéressé par ce genre de propositions ? demanda Jia.
- D'ordre sexuel, tu veux dire ?
- À ton avis ?
Talin haussa les épaules.
- En règle générale, oui. Pourquoi ?
- Je me renseigne.
- Tu es déçue, peut-être ?
Jia lui renvoya un sourire. Ses cheveux blonds s'illuminèrent sous la lumière des soleils, qui ne réchauffaient pas l'atmosphère pour autant. Tous les miroirs du sol et des façades créaient des reflets argentés sur son visage harmonieux.
- Sans doute un peu, admit-elle.
- Désolé. Si tu veux, on fera une partie de carte pour te remonter le moral.
- Je ne suis pas désespérée. De toute manière, j'ai l'embarras du choix ailleurs. Juste que tu me plaisais bien.
- Vraiment ? Quel honneur. Mon charme a encore frappé.
Ils se jetèrent un regard à la dérobée. Talin lui adressa un sourire en coin et Jia lui renvoya un coup de coude. Il fit mine d'avoir mal en se frottant les côtes.
- Quelle violence, siffla-t-il.
- Dis-moi, tu te rappelles qu'on est assassins de guilde ?
- Sans blague ?