*Chapitre 12*

35 2 0
                                    

Le groupe de Morales avançait prudemment à travers les longs couloirs froids de l'école. Une ambiance pesante y régnait, ce qui ne rassurait pas le moins du monde les adolescents. Même leur professeur n'en menait pas large, mais tentait de garder bonne figure.
Soudain, un cri bestial retentit, et une grande femme blonde apparut au bout du couloir. Elle fut bientôt rejoint par une dizaine d'autres personnes. Tous avaient les yeux rouges, ce qui confirma leurs doutes : il s'agissait bien de chimères parlantes.
- Rappelez-vous, intervint Morales, on ne les tue pas.
- C'est facile à dire, grommela Dio, je vous ferais remarquer qu'Aimée et moi, on a des lames en guise d'armes : je vois mal comment les assommer.
Le professeur afficha un sourire moqueur.
- Et bah sers-toi de ta tête, ça ne t'arrive pas souvent mais tu devrais en être capable.
Dio lui tira la langue pour seule réponse. Les chimères poussèrent un nouveau cri et se jetèrent sauvagement sur eux. Aimée bloqua l'une d'entre elles avec le manche de sa faux, et la repoussa violemment. Il était clair que pour ce combat, elle n'était absolument pas avantagée : avec son fouet, Sakura en avait déjà abattue une, et s'apprêtait à en faire de même avec une seconde. Elle retourna sa faux pour épargner son adversaire de la partie tranchante, et balança le haut de son arme vers la tête de la femme qui lui faisait face. Avec l'élan qu'elle avait pris, elle lui cogna le crâne contre le mur avec une puissance qu'elle n'aurait pas soupçonné, et celle-ci s'effondra, inconsciente. Aimée fit volte-face, prête à en découdre, mais un étrange coup de sifflet retentit soudain, et les quelques chimères encore debout se rassemblèrent et battirent en retraite.
- Qu'est-ce qu'elles font ? S'étonna Sakura.
- On dirait que leur maître les a rappelées. Supposa Morales. Il les rassemble autour de lui : il ne doute pas de notre progression, et tient à se protéger. Ne nous posons pas trop de questions, et suivons-les !
- Compris.
Ils se mirent tous à courir, suivant les lourds bruits de pas des chimères devant eux. Plus ils se rapprochaient, plus le stress montait en eux. Ils finirent par déboucher dans une grande salle, qui devait autrefois être la cantine. Aujourd'hui, il s'agissait davantage d'une sorte de laboratoire. Et au centre se trouvait un homme d'assez petite taille, aux cheveux longs et grisonnants, qui les fixaient avec dégoût. Il n'approuvait pas la présence des hunters, et ne se gênait pas de le faire savoir.
- C'est vous l'homme derrière tout ça ? L'interrogea Morales en s'avançant.
- Vous n'avez rien à faire ici. Cracha l'inconnu.
- Je vais prendre ça pour un oui. Sachez, mon cher monsieur, que vos actions sont illégales, et que je vais par conséquent procéder à votre arrestation. Déclara le hunter.
L'homme claqua des doigts, et une chimère parlante se jeta sur le professeur. Celui-ci la balaya d'un féroce coup de lance, et elle partit s'écraser sur le mur à sa gauche dans un bruit sourd. Un humain ordinaire n'y aurait pas survécu.
- Ça, c'était pour la forme. Anna, Rin, Dio, Aimée, arrêtez moi ce malade et tous ceux qui se mettront sur votre chemin !
- Oui monsieur !
Les adolescents se précipitèrent vers leur cible, mais cinq chimères leurs barrèrent la route. Aimée réitéra le coup qui lui avait permis d'en mettre une K.O quelques minutes plus tôt, et ses coéquipiers en firent de même. L'inconnu sembla paniquer, puisqu'il se dirigea vers le fond de la pièce, où se trouvaient deux grandes cages, avec à l'intérieur une dizaine de prisonniers d'un côté, et le même nombre de chimères de l'autre. Il les ouvrit toutes deux et fusionna de nouveaux spécimens pendant que les hunters s'occupaient de ceux déjà existant. Quand il eu fini son affaire, il se glissa au travers d'une porte à l'arrière pendant qu'il criait à ses monstres de tuer les intrus.
- Monsieur, il s'enfuit ! S'exclama Rin.
- Aimée, Anna, poursuivez-le, on vous couvre !
Elles obtempérèrent et se faufilèrent à travers le chemin que leurs camarades leurs dégagèrent. Elles le suivirent longtemps, car il courait anormalement vite pour son gabarit. Ce ne fut que lorsqu'ils arrivèrent dehors, et qu'un grillage trop haut pour lui lui fit obstacle, qu'il se retrouva obligé de s'arrêter.
- C'est fini, rendez-vous ! Lui conseilla Anna en se rapprochant.
- Ne me touchez pas, laissez-moi ! Cria-t-il.
- Vous répondrez de vos actes devant la justice. Continua-t-elle.
Alors qu'elle allait se saisir de lui, une étrange boule de feu se forma entre eux, et la jeune femme eut tout juste le temps de reculer avant qu'elle n'explose.
- Anna !
Aimée courut dans sa direction, et fut rassurée de voir que l'apprentie hunter allait bien.
- Et l'homme ? Où est-il ? La questionna-t-elle.
Une épaisse fumée s'était soulevée à cause de l'explosion. Soudain, un effroyable cri de douleur creva le silence qui s'était installé, et quand la brume se dissipa, la première chose qu'elles discernèrent fut le cadavre ensanglanté de l'homme qu'elles étaient censées arrêter.

[Quelques jours plus tard]

- Je vous souhaite une bonne fin de journée, monsieur le directeur.
Morales referma la lourde porte derrière lui et soupira. Après s'être longuement frotté le visage, il se tourna vers l'homme qui se trouvait à ses côtés : Freud Heinrich l'observait avec un regard fatigué. Il lui tendit la main en souriant.
- Je tenais à vous remercier, monsieur Morales. Sans vous, je n'aurais jamais réussi à résoudre cette affaire, je dois bien l'avouer.
- C'est moi qui dois vous remercier, vous nous avez été d'une grande aide, dans cette histoire : grâce à vous, on peut enfin tourner la page...
Ils se serrèrent la main puis se mirent à marcher côte à côte.
- Tout de même, cette enquête nous aura donné bien du fil à retordre... Souffla le prêtre.
- Je ne vous le fais pas dire... Lui accorda le professeur. Bien que, je ne pense pas qu'elle soit totalement finie...
Freud se redressa.
- En effet. Cet homme, ce Gary Martz, n'est certainement pas mort tout seul. De plus, cette étrange explosion ne peut avoir d'origine purement scientifique...
- Donc un autre compatible serait intervenu... En conclut Morales.
- C'est l'explication la plus probable. Et puis, ça éclaircirait pas mal d'autres points de cette enquête, comme par exemple la façon dont il se procurait toutes ces chimères.
Morales se stoppa un instant, puis repris sa marche.
- Donc il aurait un complice ?
- Un, ou même plusieurs. Contrôler une chimère n'est pas une chose aisée, si tant est qu'elle soit réalisable. Alors un nombre si important, on ne peut décidément pas y parvenir seul.
- Donc il aurait eu un complice, je dirais même une sorte de mécène, qui se serait finalement retourné contre lui ?
- Gary était perdu, il allait se faire arrêter, et serait interroger. Vu comme il a fuit lorsqu'il a vu que la situation était en sa défaveur, il aurait été fort possible qu'il nous fasse des aveux pour alléger sa peine. S'il a été éliminé, c'était très certainement pour être sûr qu'il ne parle pas.
- Oui, c'est parfaitement plausible...
Freud passa la main dans l'intérieur de son manteau, et en sortit une petite feuille pliée en quatre. Il la passa à son collègue.
- En fait... ce n'est pas tout. Je suis censé garder ça confidentiel, mais je tiens personnellement à ce que vous soyez vous aussi au courant. Lisez donc.
Morales s'exécuta et, après une brève lecture, écarquilla les yeux.
- Comment... Comment est-ce que ça peut être possible ?!
Freud se mordit l'intérieur de la joue.
- Je n'en ai pas la moindre idée...
- Enfin... Le gène d'un compatible ne peut pas disparaître comme ça ! Si l'on croit ce rapport médical, Gary est un homme parfaitement normal ! Or, on l'a vu nous-même fusionner des êtres humains avec des chimères. C'est un compatible !
- Je suis tout à fait d'accord avec vous. J'y ai longuement réfléchi, et je n'ai trouvé qu'une seule explication qui puisse un tant soit peu tenir la route.
Le professeur le regardait sans comprendre où il voulait en venir. Tout ça le dépassait, mais par-dessus tout le terrifiait.
- Alors ? Dites-moi...
- Eh bien... Il s'agirait peut-être d'un « vol » de pouvoir.
Morales se figea.
- Un vol ? Vous voulez dire qu'on lui aurait pris sa faculté, ce qui l'a fait redevenir humain ?
- Oui...
- C'est invraisemblable...
Le professeur se passa une main sur le visage.
- Vous pensez... qu'on pourrait avoir une nouvelle vague de chimères parlantes ?
Il redoutait plus que tout cette réponse. Toutefois, il était prêt à l'entendre. Il devait l'entendre.
- Ce n'est pas impossible. Mais... je pense que celui qui se cache réellement derrière cette histoire, va se faire discret maintenant. Du moins, il n'utilisera pas ce pouvoir de sitôt, si vous voulez mon avis. Vous comme moi, partons du principe que cette enquête est bel et bien bouclée, et n'en parlons plus. Ça vaut mieux.
- Oui, vous avez bien raison...
Ils étaient arrivés à la porte principale de l'école. Ils se serrèrent une nouvelle fois la main.
- Faites bon voyage, monsieur Heinrich.
- Merci bien. Et surtout, si vous avez un quelconque problème, n'hésitez pas à m'appeler. J'ai de nombreux contacts au sein de l'Église, je pourrais sans aucun doute vous venir en aide.
- Je n'y manquerais pas.
Ils se saluèrent une dernière fois et le prêtre descendit les longues marches de pierres blanches qui précédaient Saint Gabriel, puis disparut dans la foule, marquant définitivement la fin de leur collaboration, ainsi que celle de l'affaire des chimères parlantes.

Last Stardust || Inspiration D.Gray ManOù les histoires vivent. Découvrez maintenant