*Chapitre 22*

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En effet, la nuit porte conseil. Aimée avait longuement réfléchi à sa discussion avec Tyki, et en était arrivée à cette conclusion : elle avait bel et bien l'intention de mettre un terme à leur projet, mais elle était d'accord pour dire qu'Irène était un bien trop gros poisson pour elle. La solution était donc celle-ci : elle avait besoin d'aide, et elle savait que ses amis de Saint Gabriel la lui procureraient.
Lorsqu'elle se réveilla, elle remarqua que Tyki était déjà levé depuis un moment : il était tout habillé et tenait un petit sachet cartonné dans la main. Il s'approcha et s'assied à côté d'elle.
- Tu as faim ? Je t'ai acheté des croissants.
Elle se saisit du paquet et en sortit une viennoiserie fumante.
- Ils sont tout chauds. Tu en veux un ?
Ils les partagèrent et mangèrent de bon cœur. Aimée se sentait légèrement mal à l'aise vis à vis de leur discussion de la veille, et n'osait par conséquent même pas le regarder dans les yeux. Au moment où elle ouvrit la bouche pour s'expliquer, un téléphone sonna. Tyki tira l'objet de sa poche, grommela puis décrocha.
- Quoi ?! Hein ? Maintenant ? Il jura. C'est bon, j'arrive.
Il raccrocha.
- Fait chier !
- Il y a un problème ? Questionna la jeune fille.
Il se frotta nerveusement le visage, puis vint lui caresser la joue tendrement.
- Je vais devoir m'absenter un moment. Irène a besoin de moi pour une sorte de réunion stratégique, j'en sais pas plus. Je vais essayer de faire vite, promis.
Il l'embrassa puis créa une ouverture dans laquelle il s'engouffra. Aimée soupira. Il disparaissait encore, et c'était pour aller voir cette femme qui la mettait hors d'elle. Elle était jalouse, incroyablement jalouse, car en plus d'avoir un physique moins avantageux que le sien, Tyki préférait obéir aux ordres de cette vipère plutôt qu'écouter ses conseils. Son regard se posa sur la seule porte de la chambre qui donnait, d'après son amant, sur la salle de bain. Après mûre réflexion, elle en conclut qu'une douche bien chaude ne pourrait pas lui faire de mal. Elle se leva alors et s'y enferma.

Le portail déboucha sur un long couloir sombre. Tyki s'y élança avec assurance, sans prêter la moindre attention à l'aura sinistre qui y régnait. Il marcha longtemps, à allure constante, puis finit par arriver devant une grande porte noire, qu'il n'était pas franchement pressé de franchir. Il avait vraiment hâte d'en finir avec ce travail qui lui apportait plus d'ennuis que prévu : les sales manigances d'Irène, la gêne occasionnée par les hunters de Saint Gabriel et les inquiétudes d'Aimée. Il y avait bien réfléchi ; avec les économies qu'il avait fait au fur et à mesure des années, il comptait raccrocher définitivement, et profiter du temps qu'il lui resterait pour le passer avec Aimée.
- Bon, quand faut y aller...
Il plaça ses deux mains sur le marbre froid, et poussa avec une force insoupçonnée. Devant lui s'étendit alors une grande salle, dans les mêmes tons que le précédent corridor. Debout face à une sorte d'aquarium géant, Irène semblait l'attendre.
- Tu en as mis du temps. Lui reprocha la grande rousse.
- Tu n'es pas le nombril du monde, Irène.
Elle rigola.
- Si tu le dis...
Il vint se placer à côté d'elle, et posa son regard sir l'aquarium, qui n'en était en fait pas un : loin d'être des poissons, les choses qui y nageaient étaient bien plus abstraites, dénuées d'un quelconque attribut animal ou même humain : il ne s'agissait là que de simples boules blanches.
- C'est d'assez mauvais goût. Lui fit remarquer Tyki.
- Tu trouves ? Elles n'ont pourtant pas l'air trop à l'étroit, mes petites âmes.
Il soupira. Était-il véritablement venu pour ça ? Il avait l'impression de perdre son temps.
- J'ai d'autres choses à faire Irène, alors vas droit au but.
- Tu es toujours aussi pressé, Tyki.
L'intéressé se retourna, soudain envahit d'une colère incommensurable. La personne qui venait de parler était un homme, adossé au mur du fond. Il était plutôt grand, et ses cheveux ébouriffés et son sourire provocateur lui donnaient un air rebelle, quoiqu'assez hautain.
- Tss, tu es revenu, Alex. Cracha Tyki.
- Et toi tu es malheureusement toujours en vie.
- Allons bon, ne vous disputez pas. Les calma Irène. Je sais que vous ne vous appréciez pas beaucoup, mais faites un effort : c'est notre dernière réunion avant le grand jour, profitons-en.
Tyki fut troublé par cette révélation, mais tenta de le cacher au maximum.
- La dernière réunion ? Je croyais qu'il nous restait encore au moins deux mois avant le grand final ? L'interrogea-t-il.
- C'est vrai, lui avoua-t-elle, mais les choses ont depuis évoluées : Alex a récolté les trois âmes manquantes.
- Tu oublies un détail : il nous manque l'âme d'une âme-sœur pour créer la pierre. Lui rappela-t-il.
Alex étouffa un rire.
- Voyons Tyki, continua Irène, nous en avons deux sous la main : bien évidemment je n'ai pas l'intention de te sacrifier, mais il reste toujours cette gamine.
- Aimée ?! Il se crispa. Tu n'es pas sérieuse ?! J'ai pourtant été clair, il ne doit absolument rien lui arriver ! On devait chercher une autre âme-sœur, c'est ce qui était convenu !
La grande rousse soupira.
- Tu sais quel pourcentage vous représentez par rapport à la population mondiale ? Vous n'êtes à peine qu'une dizaine par siècles, ça nous prendrait une éternité ! Allez Tyki, ne me dis pas que tu t'es attaché à cette fille ?
Il ne répondit pas. Elle s'avança, un air de défi sur le visage.
- Tu ne vas tout de même pas nous trahir pour elle, n'est-ce pas ?
Il était coincé. Alex se préparait déjà à l'attaquer, et Irène en ferait de même si sa réponse ne lui plaisait pas. Et seul, il ne pourrait pas les contenir.
- Qu'est-ce qui te fait croire ça ? Lança-t-il, avec son arrogance habituelle. Je te l'amènerais demain matin. Ça te va ?
Elle sourit.
- C'est parfait !
Il tourna immédiatement les talons et se dirigea vers la sortie.
- Maintenant si vous voulez bien m'excuser...
Il ouvrit un portail et y disparut, sous les regards amusés de ses partenaires.

Aimée était postée devant le grand miroir de la salle de bain, et s'observait avec attention : ses cheveux étaient secs et abîmés, ses cernes creusées, ses vergetures la dégoûtaient et sa poitrine lui paraissait encore plus minuscule qu'avant. Elle se démoralisait.
- J'ai vraiment rien pour moi...
- Aimée !
Tyki déboula dans la salle de bain, et la trouva entièrement nue entrain de se regarder dans la glace. Il n'y fit même pas attention.
- Rhabilles-toi en vitesse, on fout le camp. Lui ordonna-t-il.
- Hein ? Mais pourquoi ?
- Parce que la donne a radicalement changée.
Il lui passa ses vêtements qu'elle enfila en toute hâte.
- Mais expliques-moi ! Lui cria-t-elle. Je comprends vraiment rien !
Tyki lui semblait paniqué, ce qui l'inquiétait énormément. Lui qui paraissait tout le temps contrôler la situation, il était cette fois-ci complètement dépassé. Il s'arrêta et tenta de se calmer, pour pouvoir faire le point.
- Pour créer la pierre philosophale, il est nécessaire, en plus des cent dont je t'ai déjà parlé, de récolter l'âme d'une âme-sœur telle que la tienne ou la mienne. Et Irène a l'intention de te sacrifier toi pour arriver à ses fins.
L'adolescente se figea. Elle allait être sacrifiée ? Non, ça ne pouvait pas être possible...
- Mais...
- Ça n'arrivera pas si tu fais ce que je te dis. Et pour le moment, on doit partir d'ici.
- C'est pourtant l'une de tes réalités, on devrait être en sécurité ici !
- Loin de là. Quand Irène aura compris que je l'ai trahie, elle viendra ici et ça sera fini. Tu es prête ?
- O-oui.
Une ouverture se créa.
- Alors on y va.
- Et on va où ?
Il se répugnait à le dire.
- Là où on pourra trouver des gens pour te protéger : à Saint Gabriel.

Last Stardust || Inspiration D.Gray ManOù les histoires vivent. Découvrez maintenant