Chapitre 4

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Étrangement, je n'eus droit à aucune remontrance pour mon comportement d'hier soir, envers ma mère. Peut-être était-ce à cause de mon état, pire que d'habitude. Aujourd'hui plus que jamais, je souffrais le martyre à chaque pas que je faisais, à croire que mes jambes voulaient me punir pour l'effort causé hier soir. À vrai dire, je devais me retenir d'esquisser une grimace à chacun de mes pas. Hors de question que je leur donne ma souffrance et mon malheur en pâture à ces abrutis du lycée. Pourtant, j'aurais pu l'éviter si j'avais pu. Mon père m'avait proposé de rester ici aujourd'hui, mais pour quoi faire ? Pour me lamenter encore plus sur mon pauvre sort ? À quoi bon ! Autant aller au lycée et se divertir un minimum, la présence de mes amis m'aidait à tenir le coup. Même s'ils ne se comportaient plus comme avant avec moi, à mon plus grand désespoir, je pouvais toujours compter sur eux et rien que ça, c'était important pour moi. Dans l'état actuel des choses, ils étaient bien les rares personnes sur lesquelles je pouvais me reposer.

Ce qui ne m'empêcha pas de soupirer en les voyant se précipiter vers moi en remarquant mon malaise. Je leur expliquais alors vaguement qu'il m'arriverait d'avoir plus mal certains jours. J'omis intentionnellement les événements d'hier soir. Je refusais de voir leur regard rempli de pitié s'aggraver. J'avais déjà bien assez à supporter. D'autant plus que depuis hier, ils m'avaient officiellement reconnu comme dépressif eux aussi. Je vous jure, ils ne savent pas de quoi ils parlent. Ils ne savent pas ce que ça fait de tout perdre et d'être spectateur, de ce que vous avez été, de ce que vous aurez pu être. Vos amis, vous renvoyant votre ancien vous, comme le ferait le reflet dans le miroir. Un miroir du temps qui s'amuse à vous torturer pendant que vous, vous êtes spectateur de tout ce cirque sans rien pouvoir faire, si ce n'est encaisser. Écouter ceux qui vous disent que tout va s'arranger, alors que vous êtes persuadé du contraire. Se demandant si votre vie vaut encore la peine d'être vécue, quand personne n'est là pour vous comprendre. Pour comprendre que vous avez changé, mais que la seule chose que vous souhaitez, c'est que les gens fassent comme si de rien n'était ; qu'ils restent les mêmes et ceux malgré tout.

Malheureusement, personne ne semble vouloir le comprendre, ou alors en prendre conscience. Je dois donc comme chaque jour depuis cet accident, faire comme si de rien n'était, comme si plus rien ne m'atteignait, alors que c'est faux. Qu'en réalité je suis à vif, telle une brûlure. Que la seule chose que je souhaite, c'est en vouloir à la terre entière, crier ma haine à en mourir. Mais je ne le peux pas. Car malgré toute cette merde, ils sont encore là, toujours et encore. Même si leur présence n'est plus comme avant, même si leur pitié me rend dingue, je ne peux leur en vouloir. Alors, je prends sur moi, espérant qu'un jour ils comprennent, car moi je ne peux leur faire comprendre. J'essaie en leur envoyant des signaux de détresse à travers ma lassitude, mon comportement, à l'opposé de ce que je suis, de ce que j'étais, mais ils ne voient rien, si ce n'est un dépressif qui a besoin d'un psychologue. Même ma famille me voit comme cela, mais je l'ai dit, j'ai beau le souhaiter de toutes mes forces, je ne peux pas leur en vouloir. Parce que tout simplement ce n'étaient pas eux au volant de cette voiture et qu'ils sont tout ce qui me reste dans ce bas monde. C'est peut-être même la seule chose pour laquelle je tiens encore un minimum le coup.

C'est pourquoi je ne fis pas cas de leurs remarques et me renfermais sur moi comme à mon habitude, essayant d'oublier que tout était fichu. Mais le destin semblait s'acharner contre moi, je vis au loin mon professeur de sport et entraîneur, ou devrais-je dire ancien professeur, vu que je suis dispensé de sport à vie. Quoi de plus normal, quand vos jambes ont toute la peine du monde à vous porter. Esquissant un sourire, face à quelques souvenirs joyeux d'une époque révolue, je ne réalisais pas qu'il s'avançait vers moi. Jusqu'à ce qu'il m'interpelle, le sourire aux lèvres.

- Oye Natsu ! Comment ça va ? Je grimaçais face à cette question stupide, qu'ils s'entêtaient à poser en boucle.
- Bonjour Gildarts. Je vais bien, merci. Mensonge ! À vrai dire, mon mensonge était tellement gros que même mon professeur n'y crut pas, m'examinant comme une bête curieuse, cherchant à savoir ce qui clochait chez moi. Mauvaise nouvelle... tout !
- Hum... Écoute Natsu, je sais bien que ce n'est pas facile pour toi, les autres professeurs m'ayant mis au courant de ton état mental... Mon état mental ? Qu'est-ce qu'il entendait par là, que j'étais devenu cinglé ? Bah, après tout, pourquoi pas, ils n'avaient peut-être pas tort. Mais je voulais te demander de venir à l'entraînement ce soir, j'aurais vraiment besoin que tu transmettes à Luxus tout ton savoir sur l'équipe.

C'est une blague ? Il voulait que je remette les pieds sur un terrain de handball, que je regarde mes amis et anciens coéquipiers jouer et tout ça, pour quoi ? Pour donner des instructions à Luxus qui ne connaît pas aussi bien l'équipe que moi. Se foutait-il de ma gueule ? Apparemment non, il semblait tout ce qu'il y a de plus sérieux. La vache, soit ils me prenaient avec des pincettes, soit ils étaient totalement indélicats. Me redemander de mettre les pieds sur ce terrain et encore plus pour expliquer à un blond égocentrique comment fonctionne l'équipe était d'un ridicule et d'une maladresse sans nom. Luxus n'en avait très certainement rien à faire de mon avis, même quand j'étais capitaine, il n'en faisait qu'à sa tête, alors ce n'est pas aujourd'hui qu'il va m'écouter, désormais que je suis un handicapé, comme il semblait aimer m'appeler. Et retourner là-bas, c'était affronter pour de bon tout ce que j'avais perdu et ça, je le refusais. Ce serait me perdre dans le miroir du temps, qui se rira de mon malheur. Pourtant, je m'entendis lui répondre.

- D'accord, pas de soucis.

Avant de m'en aller, le cœur en miette, le visage déformé par la douleur et la peine. Si je m'écoutais, je pleurerais, mais hors de question de leur donner ce privilège. Je laisserais mes larmes coulées, quand je serai seul.

D'une humeur de chien, tout le reste de la journée, je priais pour que Gildarts m'oublie et surtout pour que la dernière heure de cours ne sonne pas. Comportement très étrange, mais quand on sait ce qui vous attend après, il vaut mieux rester en cours de mathématiques, à réaliser des fonctions. Puis les fonctions, ce n'était pas si horrible que ça. Reconnaissons au moins un avantage à mon accident, je n'avais jamais aussi bien travaillé de toute ma vie. Mais en même temps que pouvais-je faire d'autre ? Même mon frère n'avait plus besoin de moi. Grey me l'ayant rappelé tout à l'heure en me disant qu'il passerait ce soir après leur entraînement. Sauf que surprise, j'allais venir assister à leur entraînement. Je me souviens encore de la voix de mon père au téléphone quand je lui avais annoncé ça. J'étais prêt à parier qu'il avait frôlé la syncope, rien qu'à l'idée. Il savait plus que quiconque à quel point c'était devenu un sujet sensible, après mes quelques crises de folie à la maison.

Et il avait raison de s'inquiéter ! Car quand je vis Gildarts me donner une accolade, m'entraînant à leur suite, je grimaçais. Retenant mon cri de douleur. Bon dieu, il était toujours aussi brutal. Ne se rendait-il pas compte que je tenais à peine debout ? Heureusement, Loki m'aida à rester en équilibre. Notre professeur s'excusa alors, et je dus prendre sur moi pour ne pas hurler en voyant son regard rempli de tristesse et de cette foutue pitié qui habitait les prunelles des autres. Bordel, pourquoi les gens ne font-ils pas la différence entre être prévenant, délicat et la pitié ? Ce n'était pas la même chose. Soufflant pour la énième fois, je pris sur moi, ne prenant même pas la peine de répondre, quand mes amis me demandaient pourquoi je venais avec eux. Je laissais le privilège à Gildarts de leur expliquer la situation. Au fur et à mesure qu'il expliquait, je vis mes amis me fixer avec peine, se doutant bien de la réaction de Luxus. Comment notre professeur pouvait-il être aussi crédule ?

On arrivait très vite au terrain. Trop vite ! Le chemin parcouru ne m'ayant pas laissé le loisir de me préparer à ce qui allait suivre. Et je crois que rien n'aurait pu m'y préparer. Quand mes pieds se posaient sur le sol de ce terrain que j'avais si longtemps foulé. Ce fut comme un coup de poignard en plein cœur. Des centaines de souvenirs remontés à la surface. Je me revoyais lancer la balle à mes coéquipiers, passer des heures à mettre en place une nouvelle tactique, à lever la coupe en signe de victoire, le bruit de la foule en délire... Puis soudain plus rien, le noir, le néant absolu, juste un terrible crissement de pneu sur le bitume. Je fermais les yeux, essayant d'oublier ce souvenir qui me hantait et qui attendait patiemment le moment où je serais le plus faible pour ressurgir. Le simple fait de ruiner mes nuits ne lui suffisait pas ? Il fallait en plus qu'il me pourrisse mes journées quand j'étais le plus faible psychologiquement ? Quand chaque pas que je faisais dans ce bas monde me rappelait sans cesse la misérable vie que j'empruntais, suivant un chemin déjà tout tracé par cet abominable destin. Destin qui devait se rire de moi en ce moment même, comme devait le faire ce stupide miroir du temps.

Jamais voir mes amis jouer ne fut aussi douloureux pour moi. Je n'arrivais même pas à être heureux pour eux, quand ils réalisaient une bonne passe ou une bonne action. J'en étais incapable et ça me dégoûtait. Je ne voulais vraiment pas admettre ce que j'avais perdu, reconnaître que tout était fini et ceux, à jamais. Si seulement il existait un sort nous permettant de remonter le temps, de revenir en arrière ne serait-ce qu'une seule fois. Je changerai tout. Jamais je n'aurai eu à sauver la vie de Lisanna. Non pas parce que je l'aurais laissé se faire renverser, ça aurait été au-dessus de mes forces, mais parce que j'aurais refusé son rendez-vous. Surtout que je connais sa véritable personnalité maintenant.

Alors quand je la vis débarquer avec ses amies, pour encourager les garçons, je ne pus retenir un rictus méprisant. J'attendais toujours ses excuses. Mais je sus que je ne les aurais pas aujourd'hui encore, en la voyant se figer, pour ensuite faire comme si elle ne m'avait pas vu. Je vous jure cette fille. Ça n'allait pas lui arracher la langue de me dire, merci ! Si ? Rah, qu'est-ce que j'en ai à foutre de toute façon. Ma vie est fichue d'une manière ou d'une autre, avec ou sans son merci. Mais bon, c'est une question de principe selon moi. Et alors que je me perdais dans mes pensées les plus noires, j'en fus tiré par le violent sifflement du coach. Ce son si familier à mes oreilles retentit comme une noce funèbre à mes oreilles, me rappelant une fois de plus de ce que j'avais perdu. J'espère que cet abruti de destin ce marre bien, parce que moi, non.

Soudain, alors que Gildarts engueulait Luxus sur le fait qu'il jouait beaucoup trop personnellement, en même temps c'était son plus gros défaut, je l'entendis m'appeler, me priant de les rejoindre au centre du terrain. Je me levais alors de mon banc, affrontant leur regard inquisiteur et moqueur pour certains. Mais je m'en fichais, pour le moment, le plus difficile pour moi, ce fut de passer cette ligne blanche. Tremblant de peur, déglutissant violemment dans l'espoir de faire passer mon stress. Je fermais une fois de plus les yeux, essayant de faire face de tout ce que ça représente pour moi, souhaitant oublier les perles de sueur due à ma trop grande anxiété perlant au coin de mes tempes, signe de gros efforts mentaux. Qui aurait pu croire qu'un jour rentré sur un terrain de sport me causerait autant de stress et de souffrance, certainement pas moi. Soufflant un grand coup, comme pour oublier tout ce que j'avais vécu jusque-là, je rentrais sur le terrain, sous le regard moqueur de Luxus qui ne put s'empêcher de sourire en me voyant boiter comme une pauvre âme en peine.

- Ah ! Natsu explique à cette andouille comment on est censé gérer une équipe ! La franchise légendaire de Gildarts me fit sourire, pendant que j'inspectais mes anciens coéquipiers du regard.

Loki, Grey, Jellal, Gadjeel, Bixrow, Elfman et enfin Luxus. Je connaissais tout par cœur, sachant exactement comment ils jouaient, sauf Elfman qui les avait rejoints suite à mon accident. Je savais comment les rendre performants, alors je pris sur moi et ouvris la bouche dans le but de distiller tout mon savoir à cette brute épaisse qu'était Luxus. Affrontant mon rôle de capitaine pour la dernière fois.

- Déjà...
- Vous voulez que l'handicapé me donne des conseils ? Laissez-moi rire, coach ! Je n'ai pas besoin de l'aide de cet éclopé miteux et totalement...

Luxus ne put jamais finir sa phrase. Je venais de lui asséner mon poing dans la figure le faisant chuter. Choqué par la violence du choc, il me fixait ahuri, ne s'attendant sûrement pas à ce que je possède encore autant de force. Et bien que je chancelle quelque peu à cause de l'impulsion que j'avais dû prendre pour le frapper, je ne le regrettais pas. Comment pouvait-il me parler de la sorte ? J'aimerais l'y voir moi à vivre comme je vis. J'étais tellement en colère que je devais serrer les poings et faire grincer ma mâchoire pour éviter de me jeter sur lui et de le rendre infirme comme moi. Colère qui grandit quand je vis sa gentille petite amie lui sauter au cou, vérifiant qu'il va bien. La situation était tellement comique, que je ne pus retenir un rire sordide, qui les firent frissonner d'effroi. À vrai dire, je crois que même Gildarts commençait à prendre conscience de ce qu'il m'avait demandé et de ce qu'il avait créé.

- Vous voulez savoir le problème de l'équipe ? Le problème c'est Luxus ! Ce n'est qu'un égocentrique, narcissique qui j'espère pour lui ne connaîtra jamais la douleur que je connais à l'heure actuelle, surtout quant à la base cette douleur ne vous êtes pas destiné, mais que la personne sauvée s'en fiche royalement.

Terminais-je plantant mes iris noirs de haine, dans les yeux bleus océan de Lisanna. Lui montrant à quel point son attitude me répugnait, mais surtout que je n'en avais strictement rien à faire d'elle. Qu'elle n'espère pas le moins du monde que je lui coure après. Elle pouvait très bien rester avec son Luxus d'amour, moi je n'en avais plus rien à faire. Tout ce que je voulais, c'était sortir de ce maudit terrain, bien trop chargé en souvenirs. Des souvenirs amers, que je ne pourrai même plus effleurer du bout des doigts. Prenant une fois de plus pleinement conscience de ce que j'étais devenu et de ce que j'avais perdu, je sentis comme un arrière-goût de bille me remonter dans la gorge. Je fuyais le plus loin possible, allant aussi vite que mes jambes d'éclopés, comme l'avait si bien fait remarquer Luxus, me le permettaient.

J'entendis au loin Grey m'appeler. Je devinais très vite qu'il se mit à ma poursuite le bruit de ses pas se rapprochant à grande vitesse, en même temps ce n'était pas très compliqué, je suis sûr qu'un escargot pourrait me rattraper. Il me rejoignit au parking, attendant mon père avec moi. Quand il m'interpella, je tournais la tête dans sa direction, attendant qu'il me parle. Mais quand il croisa mon regard, il fut dans l'incapacité d'ouvrir la bouche. Encore et toujours cette même pitié, cette sensation qu'il ne pouvait plus me parler comme avant. La fatalité s'ajoutant à ma colère, je ne pus retenir une larme de passer la barrière de mes yeux. Larme que j'essuyais rageusement. Quand je vis la voiture de mon père arriver, je me précipitais dessus, enfin autant que je le pouvais bien sûr. M'engouffrant dans l'habitacle. Je croisais le regard anxieux de mon père, qui se décomposa en trouvant le mien. À la simple vue de mes pupilles ternes, il comprit que ça s'était mal passé. Ne souhaitant pas remuer le couteau dans la plaie, il entama une conversation futile avec Grey, me laissant dans mon silence. Me laissant me perdre dans cet abîme de souffrance qu'était devenue ma vie. Bordel, parle-moi papa !

En arrivant à la maison, Roméo sauta sur Grey, trop heureux de voir son nouvel entraîneur. Blessé par son geste, je baissais la tête, me retenant de ne pas pleurer, de ne pas hurler, face à leur complicité grandissante. Merde, c'est moi qui devrais être à la place de Grey, c'est moi son frère. Bien évidemment, Roméo ne remarqua pas mon changement d'humeur et se contenta de me remercier chaleureusement de participer à son remplacement. Seuls, Grey et mon père le remarquaient, mais je leur fis signe de ne pas intervenir, tout ce que je voulais, c'est être seul. Je montais alors m'enfermer dans ma chambre, sans prêter plus attention que ça à ce que mon père me disait. L'étudiant chargeait de s'occuper de Roméo arrivé ce soir. Tant mieux pour lui, moi ça me faisait une belle jambe. Je ris, bonjour le jeu de mots. Sérieusement mon pauvre, qu'est-ce que tu fous encore sur cette foutue planète ?

Quand l'heure de ma séance de rééducation approchait, je me décidais à rejoindre la cuisine. Jetant un dernier regard à mon reflet dans le miroir. Je faisais vraiment peine à voir, les cheveux en pétard plus que d'habitude, totalement débraillé, mais au moins, je n'avais plus les yeux rouges de larmes versées plus tôt. C'était déjà ça et puis Jura m'avait vu en bien plus mauvais état. Je rejoignais alors mon pote et mon frère qui étaient en grande conversation. Quand Roméo me vit, il se lança dans le récit de ses exploits que je n'écoutais que d'une oreille distraire, hochant la tête par moments pour lui faire comprendre que je suivais. Faisant face à mon cœur qui se lacerait à chacun de ces mots, tombant un peu plus en lambeau si possible. Heureusement, pour moi la sonnette d'entrée retentit et mon père se précipita pour ouvrir. Sûrement l'étudiant.

Et alors que Grey en profitait pour se rapprocher de moi, posant une main sur mon épaule en signe de camaraderie, je vis qu'il comprenait ce que je ressentais en le voyant avec mon frère. Mais il ne dit rien. Encore. J'entendis au loin mon père, expliquer brièvement la situation à cet étudiant, n'omettant pas de préciser bien sûr que j'avais été victime d'un accident de voiture et que j'étais quelque peu affecté par cela. Quelque peu affecté ? La bonne blague, j'étais plus qu'affecté, j'étais brisé papa nuance. Mais bon, merci de ne pas en rajouter une couche, un nouveau regard rempli de pitié venait se rajouter à la liste. Quelle plaie cet étudiant pour le coup. Ou devrais-je dire étudiante ?

En effet, une jeune femme de mon âge très certainement venait de faire son entrée dans ma maison. En l'observant à la dérober, je dus avouer qu'elle était très belle, elle avait tout ce qu'il faut, là où il faut. Puis ses longs cheveux d'orées et ses yeux chocolat envoûtants venaient s'ajouter à ce tableau déjà idyllique. Si je devais la décrire en un seul mot, ce serait un ange. En effet, on aurait dit que cette fille était un ange tombé du ciel. Sa peau diaphane et pure, renforçant cette impression. Très vite, elle se retrouva avec nous dans la cuisine, où mon père fit les présentations.

- Lucy, je te présente mes fils Roméo et Natsu, et leur ami Grey. Chacun de nous leva la main à l'appel de notre prénom.
- Les garçons, je vous présente Lucy. Elle est scolarisée au lycée Sabertooth en terminal ES, c'est elle qui s'occupera de toi, Roméo. Elle esquissa un sourire timide, avant de rapidement faire connaissance avec mon frère.

En la voyant faire avec lui, je ne pus m'empêcher de sourire à mon tour. Elle semblait très douce et je sus de suite qu'ils s'entendraient bien. À vrai dire, Roméo semblait déjà beaucoup l'apprécier, tout comme mon père qui semblait assez fier de son choix. En se retournant vers nous, il émit un petit rire. Ne comprenant pas son soudain accès d'hilarité, je me tournais vers Grey et je compris. Malgré mon moral dans les chaussettes, je ne pus m'empêcher de sourire en voyant la tête de mon meilleur ami. Les yeux brillants, la bouche légèrement ouverte, il était en admiration devant la jeune professeure de mon frère. Heureusement qu'il n'y avait pas Juvia. À cette pensée, je ris un peu. J'allais d'ailleurs lui dire d'arrêter de baver, quand on m'interpella.

- Excuse-moi... Natsu, c'est ça ? Je me figeais en entendant sa voix cristalline.

Sa voix si douce sonna à mes oreilles comme une fabuleuse mélodie, mais j'appréhendais le moment où je croiserais des iris noisette. Je savais ce que j'allais y voir et je n'en avais pas envie. Pourtant, je devais le faire. Je plongeais alors mon regard dans le sien, manquant de me perdre dans cette immensité et je fus surpris. Surpris de n'y voir aucune étincelle de pitié, de tristesse, de désespoir... Rien de tout ce qui animait le regard des autres, même ceux de ma propre famille. Juste une profonde lueur de curiosité. Pourvu qu'elle ne soit pas malsaine et qu'elle ne me demande pas des détails sur mon accident.

- Oui ? Osais-je prononcer, craignant la suite.
- Est-ce que c'est ta couleur de cheveux naturelle ? Me demanda-t-elle, intriguée, pendant que moi je tombais des nus.
- Pardon ? Dis-je, incrédule face à sa question plus qu'inattendue. Ça faisait bien longtemps que l'on m'avait plus posé cette question.
- Tes cheveux, ils sont naturellement rose cerisier ou tu les teins ? Répéta-t-elle.
- C'est ma couleur naturelle ! Criais-je, ne supportant pas qu'on critique ma couleur de cheveux.
- Ah bon ? C'est bizarre quand même. Enfin bref, tu viens Roméo ?

Elle s'éloigna alors vers le salon, en compagnie de mon frère, qui la regardait éberluer, comme tous ceux présents dans cette pièce. J'étais un éclopé qui devait supporter toutes les remarques les plus désobligeantes et curieuses de ceux m'entourant et elle la première chose qu'elle veut savoir, c'est si ma couleur de cheveux est naturelle ? Non pas que ça ne me fasse pas plaisir, mais ce n'était vraiment pas habituel. À vrai dire, plus personne ne me posait la question sur mes cheveux depuis le collège. Tout le monde sachant que c'était un sujet sensible. J'ai les cheveux roses et alors ? En quoi ça pose un problème ? Je n'y peux rien moi ! Cependant, malgré cette question totalement stupide et qui avait le don de me mettre hors de moi, je remarquais qu'elle n'avait pas cherché à évoquer une seule fois l'accident. Et surtout qu'il n'y avait eu aucune pitié dans son regard.

Tu m'as redonné espoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant