Chapitre 8

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Les jours filaient inlassablement, se ressemblant tous désespérément. Ecole, pitié, rééducation, sermon, dormir. Toujours et encore cet insupportable enchainement d'évènement. Ma vie ne m'apportait plus aucune saveur. Là où avant je me serais réjoui d'un moindre petit truc, désormais plus rien ne m'atteignait. Me renfermant de plus en plus, vivant tel un fantôme dans ma propre maison, j'ignorais mon frère et mon père. Mon frère parce qu'il m'avait bien fait comprendre qu'il n'avait plus besoin de moi, d'ailleurs c'est à peine s'il me regardait encore. Mon père parce que je ne supportais plus d'entendre ces phrases d'encouragement débiles ou ses remarques déguisées.

Je préférai rester seul avec ma douleur plutôt que de devoir supporter leur regard de pitié perdu. Même avec mes amis je prenais mes distances à leur plus grand désespoir mais faut dire qu'ils ne faisaient rien pour que je ne m'isole pas. Dès qu'ils parlaient de sujet un peu drôle, de meuf, de sport ils se débrouillaient pour que je ne sois pas dans les parages ou ils se taisaient quand j'arrivais. M'arrachant de faible soupir que personne d'autre que moi entendait. Que pouvais-je faire ? J'étais devenu aux yeux de tous un verre brisé qu'on se devait de recoller avec le plus de prudence et de pitié possible.

Enfin tous... Non pas exactement. Il y avait Lucy. Mon seul rayon de soleil dans ce monde noir et douloureux. Après ce qu'il s'était passé la dernière fois, elle avait toujours un mot, une petite attention pour moi quand elle venait s'occuper de Roméo. Ce n'était pas grand-chose car en général elle restait juste le temps de faire cours à mon frère, étant la plupart du temps attendu chez elle le soir, mais j'appréciais ses gestes.

Je m'amusais aussi de voir Grey lui tournait toujours autour quand il était là, c'est-à-dire quasiment tous les soirs maintenant. Je me demandais si son approche de la dernière fois avait fonctionné. Malheureusement il ne semblait pas décider à m'en parler. Quand je pensais qu'avant il m'aurait tout raconté immédiatement, ça me désespérait. Ca ne m'attristait même plus à la longue, j'étais juste blasé. Je me faisais à ma vie de robot et je rechignais de plus en plus à faire mes séances de rééducation.

Je voulais juste qu'on me foute la paix. Je voulais rester tranquille avec ma douleur et qu'on cesse de me dire H24 faut travailler, forcer, faire avec, va nager. Mais merde ! Laisser moi gérer mon handicape comme je l'entendais. C'était si compliqué que cela de comprendre que je ne supportais pas la vision de mes jambes meurtris ? Que j'en avais marre de devoir pousser mon corps au-delà de ses limites tous les jours un peu plus alors que je désirais juste un peu de repos. Je savais parfaitement que je ne remarcherai surement jamais comme avant et courir je n'en parlais même pas. Alors pourquoi est-ce qu'ils me mettaient autant la pression pour que je fasse des exercices ne m'apportant rien d'autre que souffrance ?

Ce soir encore Jura me faisait forcer, me demandant de pousser encore plus sur mes jambes alors que je désirais seulement aller prendre une douche et dormir. Et une fois encore, il m'engueulait sur mon manque d'investissement, de motivation, me disant à quel point je n'y arriverais jamais comme cela. Alors quand mes jambes lâchaient une énième fois et qu'il me grondait me disant à quel point j'étais minable, un dépressif qui avait besoin du suivi d'un psy, je pétais un plomb. Je lui sautais à la gorge depuis le sol, rampant lamentablement, lui foutant mon poing dans la face qu'il esquivait de justesse. Mon père fou d'inquiétude, entrepris de me maitriser, m'ordonnant de me calmer mais je le repoussais brutalement lui disant de me lâcher. Lui disant à quel point je le détestais de m'obliger à subir cela. Hurlant ma rage contre Jura, lui disant que j'en avais marre de ses sermons, de ses « va te faire soigner le dépressif » sous les yeux apeurés de mon frère et ceux tristes de Lucy qui stoppait sa leçon à cause de moi.

Furieux, mort de honte de m'être affiché de la sorte mais au bout du rouleau, je me tirais tant bien que mal en direction de ma chambre, leur ordonnant de me laisser tranquille, les menaçants de leur balancer tout ce que j'aurais à porté de main, s'ils venaient me chercher. M'agrippant du mieux que je pouvais au mur, je crus entendre une voix féminine lançait un « idiot » mais je ne pris pas la peine de me retourner pour le vérifier. Je ne voulais pas savoir si mes oreilles me faisaient défaut ou non et surtout à qui était destiné le idiot.

Tu m'as redonné espoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant