CHAPITRE DIX

848 44 2
                                    

TW: drogue

4 OCTOBRE 2021, 8H — AYLIN

Je baille, je n'ai pas bien dormi du tout cette nuit. Je n'ai pas arrêté de faire des cauchemars. Les souvenirs de l'accident tournent en boucle dans ma tête depuis hier soir. J'ai tout essayé mais rien ne m'aide, même pas la beuh.

Mon patron passe à côté de moi et me regarde mal. Il fait une tête toute crispée.

- Madame, évitez de bailler dans mon magasin s'il vous plaît. Vous pensez que c'est une bonne image pour les clients ça? Et essayez de vous rendre présentable, vous avez vu les cernes sous vos yeux? Vous auriez pu essayer de les maquiller quand même.

Je me pince les lèvres. J'ai envie de lui insulter ses morts mais je sais que si je lui réponds mal, je serai virée. Et je ne peux pas me faire virer. On survit à peine avec nos deux boulots alors je ne peux pas me permettre de faire ça.

- OK.

Je n'ai pas essayé d'être polie non plus. Je me suis vraiment retenue de lui crier dessus mais nos problèmes d'argent me planent constamment au-dessus de la tête. Je ne peux pas faire n'importe quoi.

Il repart donc je continue mon travail. Je suis ici depuis 6h et j'ai l'impression que je vais m'endormir dans un des rayons mais je me rassure en me disant que j'aurai terminé à 13h.

13H

Je suis à deux doigts de hurler de joie quand je vois que j'ai terminé mon service. Je salue Bahar qui n'a commencé qu'à midi donc elle a encore pas mal d'heures devant elle. Je vais ensuite me changer dans le vestiaire. Je remets les vêtements que je portais ce matin: je n'ai pas fait un grand effort mais j'étais vraiment crevée ce matin.

Je prends mes affaires et je quitte le magasin

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Je prends mes affaires et je quitte le magasin. Ensuite, je marche jusqu'à l'arrêt de bus qui est assez loin du magasin. Je mets donc mes écouteurs et cette fois j'écoute du rap français. J'écoute du Booba et du Guizmo la plupart du temps.

Pendant que j'attends le bus, un père et sa fille qui ne doit pas avoir plus de 5 ans s'assoient à côté de moi. Je mets ma musique sur pause et je les observe. Le père fait le clown, ce qui fait rire l'enfant. Elle éclate de rire. Son rire fait une sensation bizarre, ça me fait une douleur au coeur. C'est sans doute le manque. Ça fait des années que je n'ai pas ri comme cette gamine. Ça fait depuis la mort de mon père que je n'ai pas ri de bon cœur, que je n'ai pas ri sincèrement, que je ne me suis pas sentie heureuse.

La petite fille remarque que je les observe alors elle me sourit et me dit "coucou". Je souris et lui fais un signe de la main. Elle ne le sait pas mais elle a refait ma journée.

Mon bus arrive donc je monte dedans et je vais m'assoir au fond. Je pose ma tête contre la vitre et je ferme les yeux en me concentrant sur la voix brisée de Guizmo.

Une quinzaine de minutes plus tard, j'arrive enfin à mon arrêt et comme d'habitude, je manque de le louper. Je sors rapidement et puis je marche jusqu'à chez moi. Je suis épuisée par ce trajet qui est inutilement long. En voiture, il ne me fallait pas plus de 10 minutes pour arriver chez moi. Là, il me faut au moins 30 minutes!

Je rentre chez moi, ma mère n'est pas là. Elle travaille elle aussi. Je crois qu'elle fait 11h-20h aujourd'hui.

Je pose mes affaires dans le couloir et puis je file dans ma chambre. J'enlève toutes mes couches d'habits, enfile mon pyjama et au lit! Je vais rattraper quelques heures de sommeil.

18H

Quelqu'un n'arrête pas de sonner à la porte, ce qui me réveille. Je grogne mais je me lève parce que je sens que la personne concernée ne va pas lâcher prise. Ça fait au moins 5 minutes qu'il/elle appuie sur la sonnette. Je suis étonnée qu'elle ne se soit pas cassée, elle est très ancienne et de mauvaise qualité.

Je ne prends même pas la peine de regarder dans le judas et j'ouvre la porte, je suis énervée. Je m'arrête quand je vois Nabil. Je ne m'attendais pas du tout à ça.

- Mais qu'est-ce que tu fous? T'es con ou quoi putain?
- Tu dormais?
- Bah ouais ça se voit pas?

Il me regarde de haut en bas et sourit légèrement. Je dois être toute décoiffée et puis je suis en pyjama mais c'est un mini short et un débardeur alors ça ne doit pas lui déplaire.

- Bref, tu veux quoi?
- Je peux entrer? Je dois te parler.
- Vas-y entre.

Je me pousse pour le laisser entrer.  Je n'ai pas peur qu'il vienne chez moi et qu'il voit la misère dans laquelle je vis. Ce n'est jamais quelque chose dont j'ai eu honte et ce n'est pas maintenant que ça va le devenir.

Il ferme la porte et il regarde autour de lui, les mains dans les poches. Il enlève ses basket puis il me suit jusqu'au salon.

- Tu veux boire quelque chose?
- Du coca, si y en a.
- D'acc.

Je vais donc lui chercher à boire. Je reviens ensuite avec 2 verres de coca et je le trouve en train de regarder les photos sur la commode. Des photos de mes parents et moi, pendant mon enfance. Ma mère et moi n'avons aucune photo ensemble datant d'après la mort de mon père, c'est comme si on a arrêté de vivre après lui.

Nabil me voit donc il vient s'assoir sur le canapé, à côté de moi. Son regard parcoure mes jambes et il se racle la gorge avant de reposer son regard sur mon visage. Je me frotte les yeux de fatigue. Je suis vraiment contrariée qu'il m'ait réveillée alors il a intérêt à avoir une bonne raison.

- Et tu veux me parler de quoi au juste?
- De ce qu'il s'est passé.
- J'en parlerai à personne, je t'ai déjà dit.
- Rends pas fou Aylin.

Il hausse légèrement le ton. Je me fous totalement de sa gueule. Ça m'est égal tout ça. Mais je ne peux pas nier que la manière dont il dit mon prénom me retourne le ventre. Je le regarde dans les yeux et je soupire.

- C'est sérieux là. Il faut que tu me promettes que t'en parleras à personne. J'ai pas envie de tout gâcher avec elle.

Mon sang ne fait qu'un tour.

- Tu te fous de ma gueule? T'as fait tout ce chemin pour ça? Tu m'as vraiment réveillée pour ça? Mais je rêve! J'en ai rien à foutre de ton couple moi, je t'ai déjà dit que j'allais rien dire. Maintenant fais-moi pas chier avec ça.

Il me regarde sans rien dire, comme si j'étais une putain de folle.

- Vas-y dégage de chez moi maintenant.

Je me lève et je lui montre la sortie avec le bras. Il me regarde avec un air dégoûté et il part, n'oubliant pas de claquer la porte d'entrée au passage. Je hurle de rage. Pour qui il se prend lui, à venir chez moi pour me faire taire? S'il croit que je ne vais pas en parler, il peut rêver. Sa chère Melek finira par l'apprendre un jour.

AYLIN / N.O.S (PNL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant