AYLIN / N.O.S (PNL)

CHAPITRE TREIZE

1 novembre 2021, 3H — AYLIN

L'air frais me frappe au visage et me fait énormément de bien. J'étais en train de faire une crise de panique à cause de mes cauchemars alors j'ai décidé de sortir prendre l'air. Ce n'est pas forcément une très bonne idée sachant toutes les choses louches qu'il se passe dans ce quartier mais je ne pouvais pas rester chez moi. J'allais étouffer. Je ne comprends pas, ces cauchemars sont de pire en pire depuis ~ 1 mois. Je n'ai pourtant pas vécu de moment déclencheur qui m'a rappelé l'accident.

Je marche, mains dans les poches de mon sweat à capuche et je regarde partout autour de moi. Je dois avouer que j'ai un peu peur. Je fais 1m67 et pèse une soixantaine de kilos alors je ne ferais pas le poids face à un grand baraqué de 1m90 et 90kg.

Je reste dans des endroits éclairés parce que je ne veux pas risquer ma vie. Je ne suis pas d'humeur aventurière ce soir.

Mon visage se décompose quand je vois Nabil assis sur les escaliers devant un bâtiment en train de fumer. Il lève la tête et quand il m'aperçoit, il fronce les sourcils. Il me fait un signe de tête et je soupire avant d'aller vers lui. On ne s'est pas croisé depuis 1 mois, depuis que je l'ai viré de chez moi.

Je m'assois sur les escaliers et croise les bras sur ma poitrine. Je tourne la tête vers lui et je l'observe. Il a attaché ses longs cheveux dans un chignon décoiffé mais ça lui va très bien.

- Qu'est-ce que tu fous dehors à cette heure-ci? dit-il sans relever la tête de sa cigarette.
- Je me balade. Et toi?
- C'est pas sûr pour une femme de sortir pendant la nuit, dit-il en ignorant ma question.

Je hausse les épaules et je regarde les bâtiments devant moi. Jamais dans mon enfance je n'aurais pensé vivre dans un quartier aussi pauvre.

- Et toi tu fous quoi au quartier?
- J'ai grandi dans le coin.
- Je savais pas.
- Maintenant tu sais, dit-il avec un clin d'œil.

Je grimace. Je déteste qu'on me dise ça. Surtout qu'il a l'air fier de lui.

Il me regarde et approche sa main de mon visage. Je recule par réflexe et il rit légèrement avant de toucher mes cheveux. Je fronce les sourcils et je vois qu'il tient une sorte de fil bleu dans les mains, ça devait être dans mes cheveux et il l'a simplement enlevé.

Son sourire provoque des plis vers le coin de ses yeux et son nez est légèrement retroussé. Il me regarde alors je détourne le regard. Il fait exprès de me recracher sa fumée dessus, je lui fais un doigt.

Ce moment est très étrange. Ou bien il est bien trop normal comparé aux deux dernières fois qu'on s'est vus.

- On vivait à 7 dans un appart comme le tien, finit-il par dire.

Je ne savais pas qu'il était pauvre.

- T'as fait un bon bout d'chemin pour en arriver là alors.
- Ouais. Mon père a fait plein de sacrifices pour qu'on puisse faire des études. Et ça a payé.

Je hoche la tête et souris. J'ai envie de lui parler de mon père mais pour quoi faire? Pourquoi me livrerais-je à lui?

- Et toi, t'as pas voulu faire d'études?
- Pas les moyens. Ma mère et moi avons à peine l'argent nécessaire pour payer notre loyer et nous nourrir.
- Mais t'aurais aimé en faire? dit-il en me regardant avec intérêt.
- Ouais, des études de commerce ou un truc du genre.
- T'as quel âge déjà?
- 23.
- C'est pas trop tard.
- Parfois, ça l'est.

Il soupire et je baisse les yeux pour éviter son regard. Je n'aurais pas dû lui parler de ça. C'est inutile.

Il passe sa main sur son visage et se lève. Il écrase son mégot par terre. Son training gris est bien trop moulant. Je déglutis et regarde ailleurs.

- Je vais y aller. Tu veux que je te raccompagne?
- Je suis sortie seule, je peux rentrer seule.
- Fais pas chier, dit-il avec un demi-sourire.

Je rigole et je me lève. On marche en silence et puis on arrive à mon bâtiment en moins de 5 minutes. Je m'adosse au mur et je le regarde.

- Bon bah merci. Salut.