AYLIN / N.O.S (PNL)

CHAPITRE HUITANTE-DEUX

10 DÉCEMBRE 2022, 13H — AYLIN

Ma mère m'inspecte du regard pendant qu'elle boit son café et elle finit par sourire. Ça faisait longtemps que je n'avais pas vu de sourire sur son visage qui commence à être marqué par le temps.

- Tu as pris du poids au visage, t'as enfin l'air d'une femme mariée en bonne santé. Je peux voir que ton mariage est heureux et sain.

Je suis étonnée par sa remarque, je ne sais pas vraiment quoi dire.

- Tu sais Aylin, je sais que j'ai pas toujours été aimante et douce mais il faut me comprendre. J'ai été rongée par la haine. On m'a enlevé l'amour de ma vie, on m'a enlevé mon allié! Je me suis retrouvée seule à devoir t'élever sans un rond.
- Je comprends, maman. Ça fait longtemps que j'ai compris.
- Je sais, ma puce. Je sais que tu me comprends, dit-elle en prenant mes mains dans les siennes. J'avais peur que tu devienne comme moi, aussi aigrie que moi. C'est assez ironique parce que c'est moi qui te poussais à devenir comme moi... Mais je suis vraiment heureuse que t'aies rencontré Nabil et que tu sois tombée amoureuse de lui. Il a apaisé ton cœur et tu t'es adoucie depuis que tu l'aimes. En tant que mère, rien ne me rend plus heureuse.

Nous sommes toutes les deux au bord des larmes. C'est la première fois depuis la mort de mon père qu'elle se comporte ainsi avec moi... comme une mère.

- Aylin, j'ai besoin que tu me pardonnes. Je te demande pardon pour tout ce que je t'ai fait. On n'a pas mérité ce qui nous est arrivé mais j'aurais dû choisir un autre chemin. J'aurais dû chercher réconfort auprès de toi! J'aurais dû t'aimer encore plus qu'avant au lieu de tenter de créer un monstre! Dieu merci je n'y suis pas arrivée. Alors je suis désolée, tellement désolée!

Je me lève et je la prends dans mes bras. Elle m'avait tellement manqué, ma mère. Je sens un poids tomber de mes épaules! Je l'ai enfin retrouvée.

19H

Je rentre à la maison, toute souriante. J'ai passé un bon après-midi chez ma mère, on a récupéré le temps perdu. On a prévu d'aller sur la tombe de mon père, un de ces jours. C'est difficile pour moi d'y aller mais si elle est là, j'y arriverai peut-être.

Je vais m'assoir dans le canapé et je regarde la télé. Nabil a dit qu'il nous achèterait de quoi manger alors je ne vais pas faire de dîner. J'aurais bien aimé manger des sushis mais Monsieur est persuadé que je suis enceinte alors c'est hors de question pour lui.

Il est avec Kemil, ce dernier l'a appelé ce matin pour lui proposer de se voir et discuter alors Nabil a finalement accepté. Je crois qu'il va bien finir par accepter la situation... Il voit que sa sœur est heureuse, Kemil a pris les choses en main et a rencontré leurs parents : il ne peut qu'approuver. Il y a l'histoire des tromperies mais lui-même n'est pas irréprochable à ce sujet et il peut voir que Kemil est sincère avec Camélia.

Je regarde une série turque et je suis en larmes parce que mon personnage préféré vient de mourir.

J'entends la porte d'entrée s'ouvrir alors je tente d'essuyer mes larmes mais mon grand brun entre dans la pièce et remarque immédiatement mes yeux rouges. Il se précipite vers moi et pose le sac de nourriture sur la table.

- Qu'est-ce que t'as? dit-il en s'asseyant à côté de moi, sa main sur ma cuisse.
- Rien, c'est ma série, dis-je en riant.

Il regarde l'écran et se met à rire lui aussi.

- C'est les hormones plutôt... dit-il en faisant un clin d'œil.

Je soupire d'énervement et l'attire contre moi en attrapant le col de son t-shirt.

- Arrête de me saouler avec ça maintenant, c'est compris? Continue et je te castre, comme ça y aura plus de doute.

Son sourire s'agrandit et il se penche sur moi, m'obligeant à m'allonger sur le canapé.

- Si t'es pas déjà enceinte tu le seras ce soir, grr quelle tigresse.

Je rigole et il m'embrasse, caressant ma cuisse et faisant remonter ma robe sur le haut de mes cuisses au passage.

On se fait interrompre par la sonnerie de l'entrée alors on se redresse et il regarde l'heure.

- Putain, déjà! marmonne-t'il.
- Quoi « déjà »?
- Kemil vient avec Camélia.

Je souris et remets ma robe en place pendant qu'il va ouvrir la porte à nos invités. Ça veut donc dire que ça s'est bien passé aujourd'hui mais je n'ai pas eu le temps de lui poser de question...

2H

Je caresse les cheveux de Nabil qui sort de la douche et je sens qu'il va s'endormir donc j'arrête. Il grogne et place à nouveau ma main dans sa chevelure.

- Ok, mais pendant que je continue tu me racontes ce qu'il s'est passé avec Kemil aujourd'hui.
- Ok.

Je continue donc mes papouilles et il me raconte maladroitement leur réconciliation.

- Y avait rien à dire de plus que ce qu'il m'a dit l'autre fois. Il m'a dit que Cam lui a pardonné, lui il a décidé d'être sérieux et il prévoit de se marier avec elle. Il a eu l'accord de mon père mais il veut aussi le mien et celui de Tarik, parce qu'on était ses potes et que ça compte pour lui. Tarik a déjà accepté. Je pouvais pas dire non et j'avais pas envie de dire non. Je vois qu'il est sérieux, c'est un type bien dans le fond et puis il rend ma sœur heureuse alors pourquoi je refuserais son bonheur?

Je souris, je suis vraiment fière de lui!

- Et toi avec ta mère?
- Aussi une réconciliation. Elle s'est excusée d'avoir agi comme elle l'a fait et puis elle m'a dit qu'elle était heureuse que je t'ai trouvé. Que tu me rendes heureuse. Elle t'aime bien.
- Je sais que ça comptait pour toi, je suis content.

Je souris à nouveau et il me prend dans ses bras.

- Tu sais, je te taquine quand j'te parle de grossesse. C'est juste que j'ai un pressentiment et je suis sûr que t'es enceinte.
- T'en as vraiment envie?
- Oui, si toi aussi. Ça reste ton corps après tout. Y a encore des risques à cause de ta fausse couche alors j'ai pas envie que ça soit dangereux pour toi.
- J'ai juste peur de vivre la même chose encore une fois.
- T'inquiète pas, ça ira. Tout va bien se passer InshAllah.

Je ferme les yeux et je le serre fort contre moi.

- Tu te rappelles du soir où je t'ai dit que je m'étais pas sentie vivre depuis la mort de mon père? Aujourd'hui je me sens vivante, grâce à toi.