2. How you looked at her she would be scared.

1.3K 47 0
                                    

Je dépose enfin le dernier carton dans mon nouvel appartement. C'était un simple studio: un grand espace qui servait à la fois de chambre et de cuisine, auquel j'avais ajouté un bureau pour travailler et quelques meubles de rangement, notamment ma bibliothèque de livres anciens, et une petite pièce où était entassé les toilettes, une petite baignoire et un meuble de salle de bain vitré sans oublier le lavabo.

Rien de bien grand -ni de bien cher- mais c'était largement suffisant pour une femme seule. La majeure partie de la pièce principale était jonchée de cartons et de meubles emballés dans du papier film. Du haut de mes 20 ans, j'allais mettre toute la journée au moins à tout ranger. La porte s'ouvre un ange s'adosse à l'encadrement en bois, une tasse de thé fumant dans la main.

"- Encore désolée pour tout à l'heure.

- Ce n'est pas grande chose, mes livres ne t'en veulent pas."

Lov ricane. Rien de hautain ou de désagréable. Juste de la légèreté et de la franchise. Entourée d'un plaid gris et les cheveux détachés. Elle ressemble à ces belles femmes dans les séries télé des années 70. Ce genre de femme, une voisine, gentille mais sexy. Elle séduit l'adolescent de la famille sans faire exprès. Rien n'est superficiel chez cette femme. Rien de faux dans son apparence ou dans sa façon d'être.

Aucun malaise, aucune ambiguïté. Je soupire et dépose le dernier carton sur mon lit encore défait et blanc de drap sur lequel je pourrais me coucher ce soir.

Elle pose délicatement sa tasse sur le comptoir de ma cuisine et ferme la porte derrière elle. Aucune invitation ? Elle entre comme si tout lui était dû. C'est son territoire, elle le sait pertinemment. A ma façon de lui parler ? De la regarder ? De lui pardonner d'avoir fait tomber un carton de livre d'une centaine d'euros chacun ? Peut-être un peu de tout. L'amour rend idiot. Particulièrement la femme que je suis mais, bordel, c'est la femme de ma vie qui se tient devant moi. Ses jolis yeux verts se sont posés sur ma bibliothèque, je suis fière de toi ma belle, sois la jeune femme intéressante et studieuse. Elle n'a pas prêtée attention à mon carton de vaisselle ou décoration, seule la bibliothèque l'a interpellée.

"- Tu as une version originale de Lie ! C'est mon livre préféré ! Je ne pensais pas qu'il était connu."

Il ne l'est pas. J'ai peut-être fait des recherches sur tes préférences pour attirer ton regard. Lie, un roman racontant une femme aimant passionnément son mari. Celui-ci commence à la tromper, chose qu'elle pardonne de nombreuses fois avant de rentrer dans une profonde dépression puis en sortir grâce à son thérapeute sexy. Classique mais, la vision de la dépression dans ce roman est digne d'un Freud ou d'un Primo Levi pour les passages les plus sombres. Faites que ce ne soit pas le thérapeute sexy qui lui ait fait aimer ce livre, pitié.

"- C'est très profond comme histoire, j'aime beaucoup la remise en question en tant que femme dans ce livre.

- Je suis d'accord.

- Le thérapeute m'a un peu déçue, je trouve le dénouement un peu bâclée. Le thérapeute aux veines pulpeuses ? Sérieusement !"

Elle se met à rire, ce n'est pas de la moquerie profonde, elle est trop pure pour se rabaisser à critiquer la description approximative d'un homme dans un livre. Je souris à mon tour pour montrer mon accord sur la question. Peu importe la question, à vrai dire, je suis à 100% d'accord avec elle.

The 13th StreetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant