48 | LUCIFER

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Elle avait le regard de ces gens qui se sont perdus en chemin, de ceux qui ont cru que la cruauté était un moyen d'échapper à la douleur. Elle avait le regard de ceux qui se pensaient libres alors qu'ils n'étaient que l'esclave de leurs démons.

J'avais eu ce regard, moi aussi, puis je l'avais perdu quand mes yeux avaient rencontré les siens.

- Tu es magnifique, ne pus-je m'empêcher de chuchoter en avisant ses cheveux courts et ses yeux d'un vert transcendant.

Elle cilla et se recula quand ma main tenta une approche vers son visage. En plongeant dans ces prunelles qui hantaient chacune de mes foutues nuits, j'eus l'impression de trouver cette même blessure qui m'entaillait le cœur. Nous étions trop semblables pour nous aimer sans s'être détruits avant. Je devinai les stries de ses larmes qui avaient séchées sur ses joues laiteuses et l'ombre fugitive de cette rage qui avait traversé ses lèvres quand elle m'avait découvert.

Au moment où je l'avais revu, je m'étais de nouveau senti entier et j'avais enfin pris conscience de la véritable signification d'âme-soeur. Ce n'était pas juste une histoire de destin ou d'amour. Sans elle, je n'étais rien de plus qu'une coquille errante mais face à elle, j'étais incapable de garder contenance.

Elle me possédait corps et âme.

- Je suis devenue celle que tu ne pouvais plus regarder, siffla-t-elle en réponse à mon admiration.

Je ne pus retenir mon sourire face à cette voix mordante qui m'avait tant manqué. Dans sa robe noire, elle ressemblait à une déesse du chaos, venue allumer les flammes de mon cœur encore et encore. Elle était trop loin de moi et trop proche à la fois pour que mes pensées aient le moindre sens. Je me serais damné une nouvelle fois rien que pour pouvoir la tenir de nouveau entre mes bras.

_ Et pourtant, je te regarde, mon ange. Je te vois.

Elle ne trouva rien à répondre et je profitai de son silence pour m'approcher d'un pas. Elle ne bougea pas d'un millimètre et se contenta de me fixer tandis que je faisais de mon mieux pour ne pas me jeter sur elle. Elle m'en voulait tellement, plus encore que je ne lui en voulais moi-même, mais j'étais prêt à la supplier à genoux de me donner son pardon.

J'aurais tout fait pour qu'elle me laisse embrasser ses lèvres rougies par la chaleur, pour qu'elle me laisse toucher ses épaules défigurées par les entailles, pour qu'elle me laisse la comprendre de la même manière que nous nous étions compris depuis le premier jour. J'avais été bête de croire que je pouvais fuir, que j'avais le pouvoir de la faire fuir, alors que dès le premier regard, elle avait obtenu de moi les quelques restes poussiéreux de mon cœur.

Aujourd'hui pourtant, c'était mon cœur entier qui s'enflammait pour elle. Mon être était à elle, ma vie était à elle et j'étais prêt à passer le temps qu'il me restait à lui prouver que je ne partirais plus jamais. Maintenant que je l'avais quitté une fois, je n'étais plus capable de recommencer.

Loin d'elle, la liberté n'était qu'un poison de plus.

Elle pointa un doigt accusateur vers moi et mon sourire redoubla en réponse. J'allais la rendre folle pour qu'elle comprenne enfin l'effet qu'elle me faisait.

- Non, tu vois celle que tu as laissée ce soir-là, cracha-t-elle. Tu ne devines pas celle que je suis devenue en espérant que tu rentrerais.

Je restai interdit face à sa riposte. J'avais espéré lui manquer autant que je m'étais langui d'elle mais je ne m'étais pas attendu à la réaction de mon corps face à sa rage qui masquait sa souffrance. Elle s'en voulait d'avoir admis que je lui avais manqué. Je n'avais même pas idée de tout ce qu'elle avait fait en pensant que c'était la seule façon de me ramener auprès d'elle.

LE PÉCHÉ INFERNAL | RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant