10 | LUCIFER

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Certaines occupations sur Terre étaient faites pour divertir les hommes abusés par le coup du sort. Des hommes tels que moi en somme. D'ordinaire, me rendre dans un bar mexicain pour semer la pagaille entre des chefs de cartels suffisait à m'éloigner de mes pensées ténébreuses. Mais ce soir, tout état différent et j'avais eu besoin de plus que de simples échanges de tirs entre petits abrutis d'un gang de merde.

J'avais marché droit vers cette porte sur le côté de cette maudite église, presque aussi imposante que l'entrée, et était descendu dans la crypte avec l'unique but de trouver sur Terre une manière de faire passer cette colère qui me dévorait de l'intérieur.

J'étais parti avant de faire quelque chose que j'aurais pu regretter.

J'avais choisi Las Vegas pour oublier, au moins le temps d'un instant, que cette femme pensait être en position de se jouer de moi. J'avais misé et misé encore, centaines après milliers, pensant stupidement que les cartes et les mines défaites des autres joueurs parviendraient à annihiler ce brasier en moi.

La mission avait été un échec cuisant. J'avais passé la soirée à gagner mais rien ne parvenait à effacer son regard froid quand elle m'avait menti après m'avoir regardé droit dans les yeux. Elle savait aussi bien que moi que je ne pouvais pas lui faire confiance. C'était un jeu dont au moins l'un de nous ne devait pas ressortir vivant. Et je comptais bien infliger à mon tendre Père la plus cuisante des défaites.

Je jetai mes cartes sur la table pour dévoiler mon jeu et empocher la mise mais même la mine contrariée de mon adversaire ne parvint à me réconforter. Rien ne le pouvait sûrement parce que ma colère dépassait la simple rancœur face au mensonge de Gabrielle ou mon stupide orgueil à voir mon pouvoir contrecarré par cette ange aux yeux magnétiques.

C'était une déclaration de guerre et j'étais connu pour être le plus belliqueux de tous les soldats.

— Félicitations, tenta l'homme que je venais de dépouiller en me tendant sa main que je serrai à contrecœur.

J'adressai un signe de tête au croupier puis me relevai et pris le temps de correctement boutonner ma veste de costume. Il ne me fallut que quelques minutes pour regagner l'entrée du casino et seulement deux de plus pour qu'un employé apparaisse avec ma voiture au pied des escaliers.

La nuit était déjà tombée et tout ce que je voyais avait le don de me rappeler ce qui m'attendait chez moi. De toute la soirée, je n'avais fait que croiser des brunes qui me ramenaient sans cesse dans mon propre appartement où Gabrielle avait éveillé une attirance criminelle en moi.

J'aimais qu'elle me déteste, encore plus qu'elle me tienne tête mais l'appel de la colère était plus fort que tout le reste. Elle était un pion, le savait à coup sûr, et venait pour me faire perdre une bataille qui était pourtant gagnée d'avance.

Elle pouvait mentir si cela l'amusait. Elle pouvait prétendre n'avoir aucun pouvoir si elle pensait que ça pourrait la sauver. À la fin, tous ses secrets ne seraient plus que le souvenir lointain d'une époque où elle pensait encore avoir le pouvoir de me tromper.

Je roulai sans me soucier des limitations de vitesse. Je laissai les kilomètres disparaître sous les crissements de ma Rolls-Royce, espérant secrètement qu'au bout de la route, un enfant allait traverser sans regarder et pousser le magnifique Créateur à intervenir pour le sauver. C'était un jeu que j'avais développé au fil des ans : le but était de commettre les pires atrocités et de voir si le si généreux Créateur osait honorer de sa grâce les malheureux.

Je voulais comprendre ce qu'ils avaient de plus que moi pour mériter sa visite, savoir pourquoi eux, ils avaient le droit de le renier et de s'en sortir sans la moindre punition.

LE PÉCHÉ INFERNAL | RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant