Ses bras autour de moi avaient réussi à chasser la plupart des cauchemars qui se faisaient d'ordinaire un plaisir de me maintenir éveillée. Nos cœurs s'étaient accordés le temps de cette nuit loin de notre réalité morbide et nous avaient offert un sursis dans les bras l'un de l'autre.
Puis, Lucifer s'était levé dans la nuit et avait fui loin de mon traître de corps qui s'était senti si vide quand ses doigts avaient quitté mes cheveux et que sa chaleur avait déserté mon ventre. Même si je m'y étais attendu, l'abandon faisait mal et frappait plus durement que n'importe quel poing.
J'avais fini ma nuit dans le goût amer du mensonge de Dieu, de la rage qui me déchirait le cœur en repensant au culot qu'il avait à nous mentir en nous regardant droit dans les yeux. Je le détestais tellement que je n'arrivais plus à contenir ma colère et je savais que mes yeux, cette fois-ci, avaient virés au vert sans que je puisse rien faire.
J'avais toujours cru que Lucifer signerait ma perte mais je devais me rendre à l'évidence : c'était finalement mon créateur qui était mon destructeur. La haine était liquide dans mes veines et la souffrance de me voir rejeter par Lucifer avait été anéantie par ce vent de fureur qui embruma alors mon cerveau.
J'avais faibli devant lui, prête à tout pour la moindre miette d'attention qu'il consentait à me donner mais sa fuite me faisait voir les choses différemment. Ensemble, nous n'étions voué qu'au chaos alors que seule, je pouvais encore tenter de le sauver de la tempête qui se préparait. Je voulais le préserver de ces blessures à fleur de peau qui le faisaient souffrir bien plus qu'il n'acceptait de le montrer.
Je voulais le sauver quitte à mettre le monde à feu et à sang pour qu'il ne devine jamais quel genre de monstre j'étais vraiment, pour le préserver de ma colère impétueuse. Lucifer avait encore en lui la lumière de l'ange qu'il avait été et dans ce monde de ténèbres, une telle possession n'avait pas de prix.
Il était l'ange et j'étais le diable.
Il était le dévot du bien et j'étais le suppôt du mal.
J'avais entendu Yéléna entrer dans le loft bien avant de descendre dans le salon et de l'aviser, elle et son éternelle combinaison en cuir noir.
Lucifer était parti depuis longtemps et je savais bien qu'elle était là pour moi. C'était écrit dans la manière dont ses pupilles dévisageaient les miennes et dans l'inclinaison de son rictus moqueur qui refusait de me témoigner le respect qui m'était désormais dû. Il y avait quelque chose de véritablement beau dans sa manière de défier l'autorité et de se sentir assez importante pour être exemptée du châtiment pourtant justifié.
À ses yeux, je n'étais pas sa reine mais au travers des miens, elle n'était qu'une rivale négligeable de plus. Toutefois, elle ne l'avait pas encore compris et j'aimais être la seule à le savoir.
— Enfin seule, siffla-t-elle en me voyant approcher.
Je me retins de sourire et la contemplai plutôt avec ce que j'espérais être un regard apeuré. Je voulais qu'elle se sente en sécurité, qu'elle attaque la première pour rendre ma riposte légitime. Je voulais faire du mal à quelqu'un pour ne plus ressentir cette haine dévorante qui me prenait aux tripes et m'interdisait de respirer convenablement.
J'avais besoin qu'elle ait aussi mal que moi, qu'elle souffre autant que mon âme, parce naïvement, je pensais que ça allégerait mon cœur et me sauverait de ses démons qui tournoyaient en moi.
— Tu m'attendais ?
Ses yeux se plissèrent et elle m'observa comme si j'étais un animal de foire mais je la laissai faire, consciente de l'avantage que j'avais sur elle. Elle m'offrit un sourire en coin puis n'attendit pas plus pour entreprendre son projet du jour. Elle sauta sur moi avec toute la violence dont elle était capable. Je fis mine de répliquer mais la laissai immobiliser mes bras et contraindre mon corps à se plier à ses tentatives de paralysie. Je tentai de me dégager mais sa prise était trop ferme pour que je puisse m'enfuir.
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LE PÉCHÉ INFERNAL | Romance
RomanceIls étaient anges de lumière avant de devenir réceptacles de l'abysse. Pourtant, quand deux âmes sont déjà trop brisées pour vivre, il est impossible de réparer toutes les blessures, d'éclipser les ténèbres et de faire taire le chaos du cœur. Gabrie...