11 | GABRIELLE

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Une chaleur sourde avait eu raison de mes cauchemars. D'abord, elle n'avait été qu'une prise sur laquelle se raccrocher mais le feu brûlant s'était répandu jusque dans mes poumons et les avait soulagés du poids de la réalité glaciale. C'était comme si la flamme s'était mise à brûler en moi pour éloigner le souvenir frigide de ma captivité à Eden.

J'entrouvris les yeux pour m'habituer à la lumière diffuse de l'extérieur que les baies vitrées laissaient filtrer malgré les rideaux pourpres de la chambre. Je tournai dans les draps, profitant de la chaleur de mon lit le temps de reprendre mes esprits. Je finis par me lever, à contrecœur, et je resserrai la ceinture du peignoir de Lucifer qui s'était défaite durant la nuit. Il était bien plus facile de s'habituer à la lumière presque intangible des Enfers qu'à l'éclatant soleil d'Eden qui brillait toujours trop pour des yeux encore endormis.

Tiraillée par la faim, je pris la direction du salon et de la cuisine-bar, espérant que les voyages sur Terre n'étaient pas uniquement destinés à l'achat d'alcool. Je rêvais de tartines, de miel au goût de fleurs, de citronnade au parfum de soleil mais je restais réaliste et me préparais à manger tout ce qui allait me tomber sous la main.

Ma première trouvaille fut la silhouette de Lucifer qui dormait sur l'immense canapé du loft.

Il était allongé en travers du fauteuil, encore habillé de son costume de la veille. Je voulus savoir s'il dormait encore car je n'étais pas certaine d'être prête pour une confrontation de si bon matin. J'approchai sur la pointe des pieds comme un chasseur à l'affut de sa proie et il ne bougea pas d'un poil alors que je me retrouvai à quelques centimètres seulement de son corps allongé.

Ses traits s'étaient adoucis durant son sommeil et la rage qui avait animé son regard avant qu'il ne s'enfuit avait complètement disparu. Il n'y avait plus aucune émotion sur son visage si ce n'était celle de la plénitude. On aurait dit un autre homme et là, endormi, tout son charme se déployait car il n'y avait plus cette bouche affreuse aux mots tranchants pour gâcher la perfection de ses traits.

Il était presque aussi beau qu'il était détestable.

— Qu'est-ce que tu regardes ? baragouina-t-il d'une voix endormie.

Le rouge me monta tout de suite aux joues mais il faisait trop sombre pour qu'il puisse le remarquer. Je m'éloignai immédiatement, comme brûlée par sa remarque, et fis de mon mieux pour contrôler ma voix et ma respiration. Il était hors de question de le laisser me prendre en traître.

— Je juge mon adversaire et constate qu'il est stupide à baisser ainsi sa garde.

S'il garda les yeux fermés, il m'adressa cependant un sourire amusé qui illumina ses traits et me donna envie de lui arracher ses doigts un à un pour lui faire passer l'envie de rire.

— Ça aurait pu être convainquant si tu n'étais pas en train de baver devant ma beauté il y a quelques secondes à peine.

Je détestais cet homme qui n'en était pas tout à fait un.

— Je rectifie mes propres pensées : stupide et imbu de sa personne.

Cette fois, il ouvrit les yeux sans prévenir et planta ses iris noirs dans les miennes avec un sourire à faire pâlir même une sainte. Quelques mèches sombres étaient éparpillées sur son front et ne cessaient de rappeler à mon cerveau que Lucifer avait des yeux hypnotiques desquels il était impossible de se dérober.

— Merci pour le compliment, mon ange.

Il se releva légèrement pour s'asseoir sur son canapé et passa la main sur son torse pour lisser la veste de son costume, malmenée par sa nuit. Nos yeux se jaugèrent dans un silence pesant et aucun de nous deux ne consentit à rendre les armes et s'avouer vaincu.

LE PÉCHÉ INFERNAL | RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant