45 | GABRIELLE

859 69 22
                                    

— Je t'interdis de dire ça, Gaby.

En levant les yeux vers celle que je considérais comme ma sœur, je m'étais attendue à trouver sa colère et ce même mépris qui persistait sur les lèvres de Rémielle. Je n'étais pas prête à voir dans la manière dont ses iris brillaient qu'elle s'inquiétait pour moi parce que je savais que mes actes ne méritaient aucune forme de pitié de sa part.

Dans son sourire, c'était comme une promesse de rédemption que je n'étais pas digne de saisir. Dans sa présence et dans la pureté de ce surnom auquel elle s'attachait coûte que coûte, moi, je ne voyais que l'amertume d'une vie qui ne pouvait plus me supporter.

J'aurais aimé lui sourire et lui dire que tout allait bien mais plus rien n'allait depuis que je m'étais retrouvée seule en Enfer, livrée en pâture à mes propres démons. Maintenant, il était bien trop tard pour tenter d'arranger les choses. Il était tellement tard.

Il ne me restait plus que la vengeance. Une vengeance féroce qui me consumerait toute entière avant de m'offrir la seule forme de récompense que je méritais.

Je me détournai de Syrielle, qui tentait d'accrocher mon regard sans succès pour me concentrer sur la plus jeune des filles du Ciel, qui n'avait pas bougé d'un poil depuis le début de ma conversation. La manche en tulle blanc de sa longue robe était déchirée au niveau de la lame infernale que je lui avais planté dans le bras, mais la blessure s'était déjà refermée, emprisonnant l'arme dans son muscle.

Le plus étrange dans sa posture, c'est qu'elle semblait avoir perdu de sa fougue et qu'elle ne se débattait pas pour se défaire de cette plaie qui faisait d'elle ma prisonnière. Dans ma tête, il avait toujours été évident qu'elle ferait tout pour fuir, comme la lâche qu'elle avait toujours été à mes yeux.

Je regrettais parfois de ne pas avoir l'allure d'une véritable démone car j'aurais donné cher pour la voir trembler sous mon regard. Sans précaution aucune, je l'approchai et tirai d'un coup sec sur son membre transpercé. Il n'y eut aucune résistance entre les fibres de son muscles et ma force et son corps entier se décolla alors immédiatement du pilier au béton.

Elle n'avait toujours pas prononcé le moindre mot.

Son visage était aussi froid et calculateur que mes yeux qui ne pouvaient plus se détacher d'elle. J'aimais les gens courageux : c'était leur chute qui était la plus plaisante à regarder. J'espérais que le frisson de plaisir que j'éprouverais en la réduisant au silence serait assez fort pour faire taire la culpabilité qui ne cessait d'interférer dans mon esprit depuis que les cris étouffés de Syrielle me parvenaient.

Je devais le faire, c'était vital. Il fallait la faire souffrir pour alléger la douleur de cette écharde qui s'était enfoncée dans mon cœur. Sans ce but futil, je n'avais plus de raison de me battre avec autant de véhémence. Je voulais laisser une trace derrière moi, quitte à ce que mon ombre soit celle de leurs corps ensanglantés.

Faute de savoir être aimé, on apprend à être haï.

- Que vas-tu faire ?

Un léger rire teinté d'amertume m'échappa à la suite de sa question car, même après tous mes efforts pour l'intimider, elle s'obstinait à vouloir conserver ce masque d'indifférence qui faisait d'elle un archange insupportable. J'entendis les pas de Syrielle se rapprocher de moi et la jeune ange posa ses douces mains sur mes épaules avant même que j'ai le temps de me défaire de son emprise aux saveurs de fleurs sauvages.

Je tressaillis à son contact mais ne dis rien de plus. Je voulais être là et je voulais être ailleurs. Je voulais fuir son souvenir dans le courage d'une autre mais je voulais désespérément me perdre dans ses bras rien qu'une dernière fois. Je voulais la tuer et je voulais que Syri me regarde à nouveau comme si rien n'avait jamais changé.

LE PÉCHÉ INFERNAL | RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant