Je décidai de porter ma plus belle robe, celle au corsage blanc qui me faisait me sentir plus ange que je ne l'étais parfois. Le mélange avec mes ailes blanches me rendait terriblement pure. C'était étrange de me voir ainsi, après toutes ces années à tenter de les cacher. Je caressai une plume d'une main distraite sans arriver à décrocher mon regard de celle que j'étais finalement devenue.
Au bout du compte, j'avais réussi.
J'espérais sincèrement croiser Aménadiel aujourd'hui. J'avais besoin de lui, de sa présence apaisante. J'avais besoin qu'il me promette encore que tout irait bien. C'était irrationnel d'avoir peur. J'allais paisiblement continuer ma vie à Eden, devenir un ange accompli et pouvoir enfin me rendre sur Terre. Et avec un peu de chance, j'irai avec un archange qui hantait trop mes pensées pour que ce soit supportable.
Je passai mon collier autour de mon cou. Entre mes doigts, le métal du médaillon était glacé. Je l'enfermai dans ma main avant de fermer les yeux, rien que le temps d'un instant. Même en ce jour, il devait être là pour toujours me rappeler celle que j'avais promis de devenir.
Toujours être vertueuse
Toujours.
Jusqu'à la fin des temps.
Syrielle débarqua en trombe dans ma chambre. Aussi solaire qu'à son habitude, elle ne me laissa pas le temps de faire le moindre commentaire que mes mains étaient dans les siennes et qu'elle m'attirait déjà au dehors. Je la suivis sans broncher, lui souriant à chaque fois qu'elle tournait son adorable visage vers moi.
Pourtant, je la connaissais trop bien pour ne pas deviner sa peur derrière ses yeux d'une clarté à couper le souffle. Je serrai sa main d'autant plus fort entre mes doigts.
— Tout ira bien, chuchotai-je sans être sûre qu'elle puisse m'entendre.
Si elle perçut mes mots, elle n'en montra rien et me guida vers la foule amassée dans les rues d'Eden, impatiente d'atteindre la Colline où le verdict aurait lieu. Il y avait plus d'hommes que de femmes, signe que la curiosité morbide était également un trait de caractère des plus vertueux. Aujourd'hui, on signait l'arrêt de mort de quelqu'un qui avait pourtant mérité sa place au Paradis. Tout le monde connaissait la réputation de Samaël, alors personne n'avait de doute sur ce qu'il adviendrait de la malheureuse tirée au sort.
Plus nous avancions, plus la foule devenait compacte. C'était un amas de corps et de peur qui se pressait au pied de la maison de Dieu, tentant d'apercevoir le spectacle avant qu'il ne commence.
— On vole ? me proposa Syri.
Je levai les yeux vers son sourire trop large pour être crédible. Contre son pantalon en lin blanc, son bras était secoué de tremblements.
— Pas aujourd'hui, mon ange.
Elle comprit que je ressentais la même chose. Nos yeux se croisèrent et je lui transmis tout ce que je ne lui avais jamais dit. Au cas où je partais, je lui dis à quel point je l'aimais et je lui montrai combien elle m'avait sauvé des démons qui franchissaient parfois la lumière.
Le silence se fit soudain dans l'assistance. Là-bas, loin dans le ciel, venait d'apparaître le Créateur, entouré comme toujours d'une lumière blanche et accompagné de ses douze enfants. Toutes les têtes se baissèrent. Cette fois, il ne nous demanda pas de le saluer comme un être céleste des plus banals mais accepta avec honneur l'accueil qu'Eden lui réservait. C'était un grand jour pour Dieu.
Il ne souriait pas, ne souriait jamais mais dans ses yeux brûlaient la lumière de la vie. Sa toge blanche voletait dans les airs tandis que ses ailes suivaient le même rythme que les battements de mon cœur. Ses cheveux blancs étaient relevés en halo autour de son visage et faisait ressortir sa peau noire avec élégance.
Le dénouement était proche.
Il leva sa main divine vers le ciel et un bout de papier en descendit. L'atmosphère se chargea du parfum de la terreur et la foule cessa subitement de respirer ; il ne s'en formalisa pas.
Peut-être que je broyais la main de Syri. Peut-être que je respirais plus. Peut-être que je regardais Dieu comme si j'étais lâche. Mais tout m'était égal. Il n'y avait plus que ce bout de papier entre ses mains, un nom pour sceller une destinée.
Nous étions des millions de femmes et le risque d'être celle choisie était très mince, voire même infime. Bien malgré ça, nous avions toutes peur et nous savions toute que la malheureuse ne reviendrait jamais de cette union avec le diable.
Je n'arrivais même pas à regarder Aménadiel tant son Père aspirait mon regard et soudain, je ressentis une bouffée de colère face à son sourire serein. Pour la seconde fois de mon existence, j'en voulus sincèrement à Dieu de se montrer si injuste.
Il déplia le papier de ses doigts forgés par l'essence de l'univers et son regard insondable ne laissa rien passer. Puis, quand il parla, sa voix toucha le cœur de tout le public :
— J'ai le nom.
La foule retenait son souffle et toutes les femmes, en cachette, s'efforçaient de faire taire leurs craintes tandis que les plus hardies faisaient de leur mieux pour masquer leur colère. L'ambiance était électrique.
Mon collier vibra sur ma poitrine alors que je vis l'Ange originel prendre une inspiration pour délivrer son verdict. Avant même qu'il ne parle, j'avais deviné que quelque chose n'allait pas. J'aurais dû m'enfuir aussi vite que mes ailes de traîtresse me le permettaient.
Avant qu'il ne soit trop tard.
— La prochaine maîtresse des Enfers sera Gabrielle, ange en formation, proclama Dieu.
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LE PÉCHÉ INFERNAL | Romance
RomanceIls étaient anges de lumière avant de devenir réceptacles de l'abysse. Pourtant, quand deux âmes sont déjà trop brisées pour vivre, il est impossible de réparer toutes les blessures, d'éclipser les ténèbres et de faire taire le chaos du cœur. Gabrie...