07 | GABRIELLE

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Je croyais que ma vie ne pouvait pas devenir pire que ce qu'elle avait un jour été. Je me trompais lourdement. En entendant mon nom sortir de sa bouche, il ne fallut qu'une seule seconde pour que je comprenne tout ce que je venais de perdre.

En l'espace d'un instant, on m'arrachait tout ce à quoi je m'étais accroché pour survivre. On allait prendre ma vie et l'offrir à un ange déchu qui allait me détester avant même de me connaitre et on allait m'enlever les seuls amis que j'avais.

Ils ne me laissèrent pas le temps de digérer la nouvelle. La main de Syrielle était gelée dans la mienne et elle restait aussi immobile que moi alors qu'autour, le brouhaha d'Eden se réveillait. Les autres étaient réduits à des bruits indistincts que je percevais à peine, paralysée par l'horreur. J'allais partir à tout jamais de ce lieu que je considérais comme ma maison et n'aurais jamais le droit d'y revenir.

Je ne pensais pas mériter un tourment aussi définitif. J'aurais tout accepté pour revenir quelques minutes en arrière, avant qu'on ne me désigne comme l'agneau destiné à l'abattoir, avant qu'Aménadiel me fasse des promesses qu'au fond j'avais espéré pouvoir croire.

C'était surprenant la manière dont mon esprit réagissait à la nouvelle. Je n'arrivais pas à anticiper les évènements futurs et restais bloquée dans le souvenir de tout ce que j'allais perdre. On se rend véritablement compte de ce qu'on possède au moins où le plus saint des anges décide de vous en dépouiller.

J'en voulais terriblement au monde entier. J'en voulais terriblement à tous ceux qui allaient rester, qui allaient continuer leur vie pendant que j'allais dépérir en Enfer. C'était égoïste à dire mais j'aurais aimé que les femmes autour de moi ne sourient pas.

Comprendre que c'était la fin faisait mal.

Je n'osais pas prononcer un mot et Syri restait tout aussi silencieuse que moi. Telles deux poupées figées dans le temps, nous nous laissions porter par les mouvements de la foule, incapables d'accepter le cauchemar de la réalité. Je ne vis même pas Rémielle et Uriel, un des frère d'Aménadiel, arriver avant qu'ils ne m'attrapent chacun par un bras.

Ils me portèrent comme si j'étais une criminelle, survolant la foule sans me laisser le temps de dire au-revoir à ceux que je laissais derrière moi. Entre mes doigts, je sentais encore la douceur de la peau de cette ange que je considérais depuis tellement longtemps comme ma sœur. Ils m'arrachaient à elle sans avoir la décence de me laisser faire mes adieux.

Je ne sentais plus mon corps. Mes ailes ne voulaient pas se déplier et ils durent me porter pour que j'avance dans les airs, accrochée à leurs corps d'archange que je n'étais pourtant pas censée toucher. Le monde, mon monde, perdait tout son sens.

Je fus conduite vers la Colline sans réussir à opposer la moindre résistance. Je retournais là où ma sentence avait été déclarée mais le bourreau avait déjà déserté les Cieux. Dans ma confusion, je ne pus apercevoir Aménadiel qui tentait de rattraper notre cortège funèbre. Les derniers bruits qui me parvinrent avant de sombrer dans mon incompréhension furent les cris perçants de Syrielle qui pleurait déjà le verdict de ma mort.




La lumière me brûla les yeux au réveil. On aurait dit que toute la pureté de ce monde s'était réunie en un seul endroit pour m'offrir un réveil presque aussi divin qu'il était abominable.

Le silence régnait en maître de la pièce dans laquelle je m'étirai avec perplexité. Je ne savais même pas où j'étais et il n'y avait personne, si ce n'était ces quatre murs d'un blanc à faire pâlir ma robe tâchée de boue et de honte.

LE PÉCHÉ INFERNAL | RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant