Ce cœur qui bat dans ma poitrine est tien, mon ange. Il l'a toujours été et tu auras beau le briser encore et encore, il sera toujours à toi. Je t'aime tellement que je n'arrive plus à m'aimer moi-même. Un jour, j'espère que tu comprendras que je ne suis pas partie pour te faire souffrir. J'ai fui parce que je suis terrifiée, j'ai fui parce que j'avais besoin de me choisir avant toi, j'ai fui parce que je ne voulais plus jamais être abandonnée.
Tu peux m'en vouloir, oui, détestes-moi du plus profond de ton âme mais ne doute jamais du fait que si je n'étais pas aussi peureuse, c'est toi que j'aurais choisi. Dans une autre vie, si nous n'étions pas tels que nous sommes peut-être, c'est nous que j'aurais choisi et nous serions tombé amoureux sans avoir à se détruire comme nous l'avons si bien fait dans celle-ci.
Ne me sauves pas, n'aie même pas la folie d'essayer. Pour une fois, je vais me sauver moi-même, mon ange. Alors, dans cette autre vie que nous partagerons, nous serons assez entier pour avoir le droit de nous aimer, Lucifer.
Je te le promets.
La lettre glissa de mes mains tremblantes pour atteindre le sol avant que je n'en finisse la lecture. Dans un bruissement étouffé, elle percuta le sol en même temps que ce cœur neuf qui se brisait à nouveau. Je ne sentais plus rien autour de moi et j'avais l'impression que le monde pouvait bien couler, je n'aurais rien senti. Mes émotions étaient comme anesthésiées par le manque.
C'était donc ça la douleur de l'abandon.
Le choix ne venait pas de moi, ce n'était pas moi qui avait pris la décision de partir et je me sentais impuissant, incapable de prononcer le moindre mot devant ce bout de papier qui scellait nos destins sans mon accord. Je comprenais enfin ce qui l'effrayait autant.
Je n'entendrais plus jamais sa voix. Je ne verrais plus jamais ses yeux perçants me dévisager curieusement. Je ne sentirais plus jamais son corps réagir au moindre toucher du mien. Cette-fois, je comprenais qu'il n'y avait pas de retour en arrière possible. L'histoire venait de s'achever avant même de nous laisser le temps d'écrire les plus beaux chapitres.
Moi, ce n'était pas Charon qui avait volé ma famille. Ma seule famille c'était elle et si elle n'était plus là, alors je n'avais plus personne. Il ne me restait que les souvenirs pour haïr ceux que nous avions été. Je me revoyais au début, quand je ne la connaissais pas encore et je me faisais horreur. Si je l'avais aimé un peu plus, elle ne se serait jamais brisée sous mes mains meurtrières.
Mes jambes cédèrent et mon corps s'écroula sur le sol de cette chambre que nous avions partagé, le dos prostré contre le lit défait par nos ébats trompeurs. Bien sûr que je la détestais et évidemment que je l'aimais. C'était cruel de m'infliger ça après m'avoir offert une nuit dans la chaleur de ses bras, une seule nuit en elle à oublier que nous n'étions que les pions d'un jeu qui nous dépassait.
- On méritait mieux, soufflai-je aux fantômes de nos corps enlacés.
Je n'avais pas besoin de me lever pour savoir ce qu'elle avait fait. Je n'avais pas la force de constater les dégâts alors que je savais déjà comment elle avait procédé. J'avais besoin de rester un peu ici, prostré contre ce lit, et de respirer son parfum avant qu'il ne s'efface pour toujours de mon esprit et de ma maison.
Amaris m'avait soufflé l'idée un jour où c'était trop dur d'être le diable. Un verrou à l'intérieur pour que l'extérieur n'entre jamais et que la torture se répéte jusqu'à l'infini. Si personne ne pouvait la sortir de là et qu'elle était prise dans la fumée de sa damnation, alors il était impossible de la sortir. Impossible de la récupérer.
J'aurais voulu l'embrasser une dernière fois et j'aurais voulu savoir que c'était la dernière fois que je pouvais lui dire que je l'aimais. J'avais gâché le peu de temps que nous avions en m'exilant sur Terre. Je n'avais jamais voulu d'une reine mais maintenant que je l'avais connu, je ne voyais pas comment il était possible de vivre sans elle. Toute ma foutue vie ne tournait plus qu'autour d'elle et maintenant, elle n'était plus là.
Je n'avais même pas le droit de la sauver.
Pourtant, il fallait que je tente le tout pour le tout. Je me relevai dans la précipitation, l'espoir me faisant respirer à nouveau et dévalai les marches en direction de la terrasse. Je trébuchai et me cognai dans le coin du canapé mais plus rien n'avait d'importance en dehors de cette chimère d'idée qui me redonnait envie d'y croire.
Je dégageai les rideaux de mon passage dans un geste rageur et m'affaissai sur le sol du balcon sans hésiter une seule seconde. Pour elle, j'étais prêt à tout renier, à tout oublier juste pour que ma Gabrielle revienne. J'avais besoin que quelqu'un me la ramène.
Je ne voulais pas vivre sans elle.
Notre autre vie serait trop longue à attendre et je voulais l'aimer dans chaque putain d'existence que je vivais. Chaque sourire que j'avais, je voulais lui montrer et chaque peine qui alourdissait mon coeur, je voulais les guérir dans ses baisers. L'éternité n'avait pas de sens si elle n'était pas sur le trône pour la partager avec moi. Je ne pouvais pas vivre sans elle.
Je ne priais plus depuis longtemps. Ce jour-là, je suis tombé sur mes genoux, mains jointes et pupilles humides, et j'ai imploré le Ciel de me la rendre. J'ai supplié mon Père de réparer les erreurs que nous avions faites, les blessures que nous avions causé, les larmes que nous avions fait couler.
Il n'a jamais rien entendu de mes supplications.
C'était ma torture pour n'avoir pas su comprendre plus tôt que deux âmes sœurs ne sont pas faites pour s'aimer. L'amour ne fait pas partie du destin, c'est simplement un écart de parcours, un instant qu'on suspend dans le temps pour danser ensemble avant que les ténèbres ne nous avalent. Il n'a jamais répondu à mes prières parce que son but en me l'envoyant n'avait jamais été de faire à nouveau battre mon cœur. Il avait simplement voulu me faire grandir.
Les âmes-soeurs sont simplement le nom qu'on donne à ceux qui sont supposés se détruire.
Après ça, j'ai fait comme elle. Rien que pour la faire vivre au travers de moi. Rien qu'un peu. Je suis devenu le plus cruel des monstres en espérant qu'un jour elle comprendrait à quel point sa lumière avait été belle. Je voulais devenir le méchant pour faire honneur à la reine sublime qu'elle avait été.
Après elle, je n'ai accepté de répondre qu'au nom de Satan.
Adieu Samaël qui l'avait haï.
Adieu Lucifer qui l'avait aimé.
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LE PÉCHÉ INFERNAL | Romance
RomanceIls étaient anges de lumière avant de devenir réceptacles de l'abysse. Pourtant, quand deux âmes sont déjà trop brisées pour vivre, il est impossible de réparer toutes les blessures, d'éclipser les ténèbres et de faire taire le chaos du cœur. Gabrie...