08 | LUCIFER

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Hastaroth arriva au moment où je venais de fermer le dernier bouton de ma chemise. Sans lui adresser ne serait-ce qu'un regard, je pris le temps de choisir mes plus beaux boutons de manchette et d'enfiler ma veste d'un noir aussi profond que mes yeux.

Je sentis également la présence d'Habadon, collé aux basques de son frère et je dus accepter que, faute d'être intelligents, ils avaient au moins l'avantage d'être serviables. J'aurais pu accueillir cette ange seul mais je me disais qu'un comité restreint de démons triés sur le volet semblerait plus adapté à la situation.

Je me donnais dix jours pour qu'elle abandonne son ambition de réussir la mission confiée par mon père et qu'elle implore ma clémence. Toutefois, je devais reconnaître que j'étais curieux, presque intrigué de voir à quoi cette fameuse Gabrielle ressemblait, parce que je refusais de croire à ce que j'avais vu d'elle.

— Yéléna est devant les portes, déclara Hastaroth en constatant que j'avais fini de me préparer.

— Bien.

Ils m'accompagnèrent dans le salon, restant respectueusement un mètre derrière moi et le silence d'Habadon était plus appréciable encore que je ne l'aurais cru. Il semblait avoir compris la leçon, ce qui présageait une vie plus longue pour lui. Il se précipita pour ouvrir la porte de mon loft devant moi et les deux frères me laissèrent avec mes pensées durant tout le trajet qui menait au bas des escaliers.

L'intruse allait vite découvrir ce que signifiait un accueil chaleureux en Enfer. Tout le monde connaissait son rôle et savait quelle figure arborer devant la nouvelle venue pour l'effrayer le plus vite possible. Je n'étais, à dire vrai, pas du genre à aimer que les choses s'éternisent.

J'étais un homme d'action qui tenait toutes les putains de promesses qu'il avait un jour conclues.

En moins de temps qu'il n'en fallait pour savourer ma victoire à venir, nous avions atteint le cœur des Enfers, ce carrefour formé de l'escalier de mon immeuble, de l'entrée du Devilish et de cette porte de dix mètres de haut, entrée d'une église qui gardait bien scellé l'accès au Paradis.

C'était une ouverture à sens unique : du Paradis vers l'Enfer, sans aucun retour possible. Les premières années, j'avais tout tenté pour rouvrir les battants de l'édifice et rentrer chez moi. Puis j'avais compris qu'Eden n'avait jamais été chez-moi parce que la famille que je croyais y avoir n'était qu'une bande d'hypocrites, tous plus faux les uns que les autres.

Le problème, c'est que moi je ne savais pas mentir.

Yéléna était prostrée devant au-devant de l'église, prête à recevoir notre divine invitée et son sourire fut cruel quand elle me vit approcher du parvis. Dans ses yeux, il y avait l'excitation d'une nouvelle bataille à livrer. Notre procession ressemblait à une armée de soldats terrifiants, chacun muni de son arme préférée, allant du sabre ottoman à la baïonnette de tranchée.

Il n'allait rien avoir d'équitable dans ce combat. Au fond, elle ne serait pas trop dépaysée parce que c'était un peu ça la devise de mon cher père.

— Charon va sonner la cloche. Elle arrive.

La voix d'Hasmodée avait transpercé le silence inquiétant que seuls les cris des salles les plus proches avaient réussi à troubler. Chacun de nous conserva son mutisme le temps d'entendre le clocher de l'horrible église sonner trois fois.

Une fois pour les morts.

Une fois pour les vivants.

Une fois pour ceux qui sont morts mais vivent encore.

La porte grinça pour la première fois depuis que j'étais arrivé en Enfer et les battants cédèrent. Malgré la nuit sombre qui était perpétuelle ici, l'entrebâillement de la massive porte laissa filtrer un rai de lumière trop vif pour nos yeux sombres et peu coutumiers.

LE PÉCHÉ INFERNAL | RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant