Je m'étais enfuie avant que le mensonge ne devienne trop lourd à porter. Syri, dans sa crédule gentillesse, avait dû penser que je me hâtais de rentrer chez moi, pleine de nouvelles résolutions et j'aurais donné beaucoup pour réussir à me persuader que c'était vrai.
Alors que le seul chez-moi qui me restait c'était elle et son sourire rassurant. Je me détournais d'elle et de cette Terre mortelle pour retourner croupir dans un lieu de perdition dont les ténèbres ne faisaient plus ni chaud ni froid. J'étais la reine d'un monde insignifiant, impératrice d'un chaos que je ne pouvais même pas maîtriser sans brûler les quelques plumes blanches qui s'accrochaient coûte que coûte à mon âme.
J'avais rebroussé chemin avec empressement pour rejoindre l'autre côté de la route déserte. Marcher en ayant un but plus ou moins précis m'aider à oublier ce que je faisais, ce que j'avais déjà fait et ce que j'allais maintenant m'apprêter à faire. Si la vengeance était accomplie, cela voulait dire qu'il était enfin l'heure de graver définitivement mon nom dans la pierre.
Amaris avait dû finir les préparatifs.
J'atteignis vite l'autre trottoir et ma première pensée fut que la démone qui m'accompagnait était bien discrète. Autour des fourrés près desquels nous avions atteris, il n'y avait aucun signe de vie et rien ne venait perturber le silence plombant de cette ville des anges aux allures de bidonville.
Un désagréable pressentiment me prit à la gorge tandis que mes yeux s'acharnèrent à analyser chaque recoin où elle aurait pu se cacher. Je sortis une cigarette de la doublure de ma robe et l'allumai comme par réflexe pour me donner la force nécessaire de comprendre qu'elle n'était plus là.
La fumée troubla un instant mes sens alors que la réalité s'imposa de nouveau à mon esprit : la jeune démone ne m'attendait plus au point de rendez-vous. La question était de savoir si elle était partie de son plein gré ou à cause de quelqu'un d'autre. La vraie question était de savoir si je devrais la tuer quand je finirais par la revoir. Pourtant déjà certaine de ne pas la trouver, je me lançai rapidement dans l'inspection de la zone, observant le sol pour tenter d'apercevoir des empreintes ou le moindre indice ou tendant l'oreille avec l'espoir de l'entendre hurler des excuses pour son retard.
Il fallait se rendre à l'évidence qu'elle ne s'était pas égarée dans les ruines environnantes et que si je m'attardais trop sur place, Syri pouvait à tout moment revenir et faire flancher les quelques certitudes qui me restaient encore.
- J'espère pour toi que tu es déjà morte. Je ne me sens plus capable d'être clémente, soufflai-je entre deux taffes.
Quand ma cigarette se consuma entre mes doigts, ma décision était prise. Il fallait mieux pour nous deux que je parte sans un regard en arrière. Si son corps était étendu dans un ravin empli de boue, je ne pouvais que lui souhaiter que le démon qui l'avait tué serait un jour châtié pour son crime. Les humains n'auraient rien pû lui faire mais je me savais assez peu appréciée pour croire à l'hypothèse d'un de ses frères en filature qui avait cru bon de se débarrasser d'elle pour m'atteindre. C'était pathétique mais ça avait au moins eu pour effet de me ralentir.
Je déployai mes ailes et m'envolai d'un brusque battement sans plus me soucier de ce que je laissais derrière moi. C'était plus facile de vivre dans le déni que d'affronter en face la vérité trop crue. Cependant, je pouvais difficilement ignorer cette brûlure dans ma poitrine qui m'empêchait de voler l'esprit libre.
Si j'avais été plus attentive, j'aurais remarqué le petit bout de papier jeté dans l'herbe humide sur lequel Rémielle avait avoué son crime du soir. Si j'en avais eu quelque chose à faire, j'aurais explosé de colère et j'aurais choisi de rendre justice à cette démone en poursuivant l'archange jusqu'au bout du monde.
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LE PÉCHÉ INFERNAL | Romance
RomantikIls étaient anges de lumière avant de devenir réceptacles de l'abysse. Pourtant, quand deux âmes sont déjà trop brisées pour vivre, il est impossible de réparer toutes les blessures, d'éclipser les ténèbres et de faire taire le chaos du cœur. Gabrie...