LE PÉCHÉ INFERNAL | Romance

49 | GABRIELLE

J'entendais son cœur battre contre moi.

Je tremblais sous son souffle chaud qui caressait la peau de mon cou et je frémissais pour son parfum musqué qui envahissait mes sens sans me laisser respirer. C'était presque trop parfait pour être réel.

Ma respiration cherchait à suivre le rythme de la sienne et mon corps secoué de spasmes à trouver refuge dans la chaleur de ses bras qui enserraient ma taille. Si ce n'était qu'un rêve trop fugace pour être saisi, je voulais en profiter jusqu'au bout, jusqu'à user les moindre parcelles de son corps pour satisfaire le mien. Rien que le temps de ce songe trop beau pour être vrai, il était mien autant que j'étais sienne.

Mais si mon âme était à lui depuis le tout début, mon esprit, lui, refusait de se laisser dominer par un fantasme auquel il ne croyait plus. J'aurais aimé lui faire confiance, j'aurais aimé croire à ses beaux discours et à son regard brumeux, mais je n'arrivais pas à faire taire la peur en moi. Il n'était plus question de colère ou de rancune, non. Tout n'était plus qu'une histoire de peur, de terreur profonde et de refus de mon essence à être abandonnée encore une fois.

Piégé dans son sommeil, il resserra sa prise sur mon corps de ses mains et je déglutis péniblement pour calmer mon ventre qui s'échauffait à nouveau de sa présence. Ses doigts enserraient mes hanches et, si je me concentrais, je pouvais sentir la caresse de ses courtes boucles dans les recoins de ma nuque. Le simple goût de ses lèvres était la plus douce torture, sa voix rauque chuchotant mon nom le plus agréable des supplices, nos deux corps ne faisant plus qu'un la plus belle damnation possible. Pourtant, je n'étais plus la jeune fille naïve d'Eden ou la femme sévère que le Devilish avait accueilli en son sein.

Je savais que le calme que je ressentais ne pourrait pas durer. La tempête était proche et la confrontation d'hier n'avait été qu'une accalmie avant le cataclysme. Je n'étais pas assez forte pour supporter un abandon de plus, c'était au-dessus de mes forces. J'avais trop perdu pour me risquer à tout miser encore une fois.

Alors, il était nécessaire que je prenne les choses en main.

Je l'aimais tellement que j'avais du mal à respirer à la simple évocation de le quitter mais je l'aimais tellement que je savais que nous n'étions pas faits pour une passion sans destruction. Il y avait trop de non-dits entre nous, trop de colère accumulée et de rage partagée pour qu'on puisse espérer s'en sortir sans dommage. Il avait été fou de croire que deux anges déchus avaient le droit à une deuxième chance.

Aimer, ça faisait un mal de chien.

Je sortis du lit en faisant attention à ne pas le réveiller, glissai en dehors des draps hors de prix et m'aventurai dans le noir complet, à la rehcerche d'un échappatoire à ce rêve qui avait trop duré. Je ne devais pas le soustraire à son sommeil, au risque que ses yeux trop sombres aient raison de mes décisions. Il était temps que je fasse mes propres choix, que je prenne soin de moi avant de croire pouvoir le guérir parce que je méritais de m'aimer moi au moins autant que je l'aimais lui.

Je dénichai de quoi couvrir mes cheveux pour que personne dehors ne soit capable de me reconnaître et sortis de la chambre sur la pointe des pieds. Je descendis les quelques marches qui menaient à la grande pièce et partis sans hésiter en direction de la large bibliothèque, seule rescapée de mes accès de colère répétés.

Mes doigts parcoururent lentement les tranches de ces livres dont, pour la moitié, je n'arrivais pas à déchiffrer le nom tant ils étaient anciens. Laclos ou Sartre laissaient place à un grimoire archaïque qui semblait parler de mythes, Victor Hugo saluait le libertin marquis de Sade, un exemplaire de la Bible juxtaposait un autre sur les pratiques sataniques et chaque nouveau livre découvert me laissait entrevoir le peu que j'en savais sur ce monde. Je gouvernais aux morts mais je ne savais rien des vivants et ce constat me fit doucement sourire.