17 | GABRIELLE

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C'était plus que de la souffrance, plus qu'une douleur passagère que le temps finirait bien par estomper. C'était comme un manque, un morceau arraché de mon âme qui ne voulait plus vivre si quelqu'un comprenait. J'étais égoïste à ne penser qu'au mal que je ressentais mais je n'arrivais à rien d'autre. C'était douloureux de comprendre que je n'étais pas encore capable d'avancer sans son souvenir.

Mon collier était plus qu'un talisman. Il y avait un pendentif pour que jamais je n'oublie et une chaîne pour que toujours je me souvienne. C'était une condition à ma survie, une réminiscence de mon passé pour guider mon futur.

Les larmes ne s'asséchaient pas et ma tête me faisait souffrir le martyr. Il n'y avait que mes sanglots qui berçaient le silence de la maison et ma douleur qui pulsait contre mon crâne. J'étais seule, abandonnée dans mes tourments pourtant, au fond, je savais que la prochaine personne qui passerait la porte serait là pour me faire expier mes crimes.

On pense toujours pouvoir s'en sortir. Les mailles sont trop lâches, les pointes pas assez acérées et pourtant la vérité finit toujours par nous rattraper. C'est un monstre qui ne savait pas s'arrêter, un monstre qui ne connaissait pas la défaite : la vérité finit toujours pas être révélée.

Et le glas de la vengeance finit toujours pas sonner.

J'avais tellement chaud que j'étouffais dans mon propre corps. Je me traînai sur le parquet du loft de Lucifer, mes coudes écorchés frottant le sol à chaque avancée. Ma vue était brouillée par les larmes qui inondaient mes joues et j'avançai à tâtons. Je ne savais pas ce que je faisais et mon corps décidait à la place de mon esprit.

J'avais tellement mal que j'avais pensé ne jamais réussir à atteindre le balcon. Le vent cingla mes cheveux mais la température n'en était pas moins élevée que dans la matinée. La nuit s'étalait au-dessus de ma tête mais devant mes yeux, il n'y avait que la mémoire de tout ce qu'on venait de m'enlever.

Mon collier était la garantie que les souvenirs restaient enfermés dans un coin de mon âme et depuis qu'il n'était plus là, l'avalanche de bribes du passé ne cessait de m'engloutir. C'était un raz-de-marée qui n'en finissait pas et qui portait en lui la promesse d'une vengeance méritée.

J'étais pathétique ainsi cloîtrée au sol, inspirant l'air à grande goulée pour tenter de réguler mon cœur qui s'emballait dans ma poitrine. Je n'avais pas envie d'être cette femme qui se laissait abattre à la moindre contrariété mais je me sentais tellement vide que je n'arrivais pas reprendre contenance. J'étais cette loque en pleurs que personne ne devait voir. Je refusais que Lucifer rentre et me voit dans cet état. Je lui avais concédé la victoire en laissant Yéléna voler ce que j'avais de plus cher mais je comptais bien lui faire payer son crime au centuple.

Je me calai la tête contre la balustrade en verre et laissai les dernières larmes se répandre sur mes joues, couler dans mon cou et tâcher ma robe. J'avais envie d'oublier mais je n'en avais aucun droit. J'étais condamnée à avoir mal parce que c'était une manière pour moi de me souvenir que le passé ne devait pas déterminer celle que je pouvais être.

Pourtant, j'entendais encore sa voix et je voyais encore ses yeux rieurs, je sentais toujours son parfum et j'entendais sans cesse sa voix aux accents chantants. La relique de notre histoire était là, intacte, parfaite.

— Pardonne-moi. Pardonne-moi, je t'en supplie.

Ma voix était tellement faible que je doutais de pouvoir être entendue. Ma gorge sèche me brûlait mais je voulais continuer à m'excuser encore et encore, jusqu'à ce que quelqu'un finisse par me pardonner. J'avais besoin que n'importe qui m'écoute et me prenne dans ses bras en me promettant que tout finirait par aller mieux.

Ma main palpait mon décolleté à la recherche de ce qui venait de m'être dérobé. Je devais à tout prix le récupérer parce que ce collier m'était nécessaire pour survivre. J'allais affronter les épreuves de Lucifer et récupérer mon dû, coûte que coûte.

— Je suis désolée, mon ange. Si tu savais à quel point je m'en veux.

J'allais me relever et affronter la vérité, la défier du mieux que je le pouvais et supporter la défaite si tel était mon destin. Mais jamais je n'accepterais de le laisser, lui, gagner. Il ne jouait pas à la loyal et me volait la seule chose qu'il n'aurait jamais dû me prendre.

Il avait réveillé les souvenirs sans en connaître le danger parce qu'après la douleur venait toujours la colère. Une colère sourde, froide qui n'avait plus rien à voir avec notre petite guéguerre enfantine. Je n'allais plus me battre pour le terrasser, lui, mais pour faire à nouveau taire cette voix dans ma tête qui ne faisait que me ramener dans un lieu que j'aurais aimé avoir la force d'oublier.

Ce n'était plus un combat entre Lucifer et moi.

— Pardonne-moi.

C'était devenu une lutte acharnée entre moi et mon âme. 

LE PÉCHÉ INFERNAL | RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant