Chapitre 3

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Elle regardait autour d'elle. Encore une fois, la file de la cantine s'étalait suffisamment pour qu'on devine devoir y passer plus d'une demi-heure. C'était le temps qu'il lui restait avant le grand bain.

Depuis sa chute, depuis cette humiliation sur scène parce qu'elle n'avait pas su tenir sur ses pointes, ça devenait tellement évident ; elle était devenue trop grosse pour la danse classique. Trop grosse pour la danse en général. Trop grosse pour tout. Elle ne se reconnaissait plus depuis ce jour-là. Chuter, ce n'était pas elle. S'humilier sur scène, ce n'était pas elle. Ne pas se faire confiance, ce n'était pas elle et enfin, ce corps-là n'était pas le sien. Et manger toute cette nourriture trop calorique ne l'aiderait pas à se retrouver. Alors chaque midi, elle suivait ses amis dans le réfectoire, puis elle se débrouillait. La file avançait devant elle, elle se rapprochait du self. Et les odeurs qui s'en échappaient lui mettaient le cœur au bord des lèvres.

Elle s'approcha du self avec appréhension. Mais aujourd'hui, il y avait devant elle des salades de fruit, des légumes, des salades... Aujourd'hui ça irait. Elle allait manger. Elle essayait de se le promettre... Mais après tout qu'y avait-il dans ces salades ? Elle n'en savait rien, il y avait sûrement des sucres ajoutés, des calories inutiles... Elle se servit très légèrement et suivit les autres jusqu'à une table à côté de la sortie. Au moins si elle voulait partir, la porte n'était pas loin...

Cela faisait plus de dix minutes qu'ils s'étaient assis, et elle grignotait sa salade avec autant de lenteur qu'un lapin. Car la nourriture n'était pas un problème qu'au goût. Observer ce qui était dans son assiette la repoussait. L'odeur était entêtante, les repas différents se mélangeaient les uns aux autres dans un parfum nauséabond. Mais il y avait le bruit aussi. Les gens qui parlaient fort autour d'elle. Les couverts qui teintaient contre les assiettes, les vers, un couteau qui tombait quelque part dans l'immense réfectoire.Mais le regard d'Elian sur elle l'interdisait de se défiler. Lui aussi voyait bien que quelque chose clochait chez elle. C'est lui qui l'obligeait, à chaque fois qu'ils sortaient du lycée, à ne pas rentrer chez elle tant qu'elle n'avait pas mangé le fruit qu'elle gardait toujours dans son sac. Parfois, il la raccompagnait même jusque devant sa porte. Alors pour lui faire plaisir, elle prit une bouchée. Mais son ventre se tordait, elle n'avait pas envie. Une première vague de nausée lui prit soudainement la gorge, mais elle passa. Elle prit une deuxième bouchée, puis trois, puis quatre. Elle mangea une partie de son assiette, et sourit à Elian. Elle mangeait. Un peu. Soulagé, celui-ci reporta son attention sur son assiette. Peut-être que tout allait s'arranger pour son amie après tout.

Non, cette fois-ci ça irait. Elle se répétait ces mots en commençant à manger avec plus d'appétit. Elle leva alors les yeux vers les autres, et commença à prendre part à la discussion, encouragée par un sourire soulagé d'Eleen. Mais, alors qu'elle se sentait de mieux en mieux, il prit part lui aussi à la discussion. Et entendre soudainement sa voix la transporta dans ce monde qui l'abritait quand elle n'était qu'une petite fille. Et quand son regard croisa le sien, elle se sentit tout à coup énorme, et le pâle reflet de cette petite fille qui n'existait plus. Alors elle se leva et pris la direction des toilettes, sous le regard déçu d'Elian et interrogatif d'Eleen.

Pulsions - en réécriture -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant