Epilogue (partie 1)

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Gaël, abasourdi, resta quelques secondes debout sur le toit, à côté d'elle, la main en suspend, qu'il avait voulu déposer sur sa joue. Puis il s'agenouilla face à elle, et d'un doigt lui souleva le menton, avec une lueur d'inquiétude dans le regard. Qu'avait-elle ?

"Gaël... On connaît cette situation.

- De quoi tu parles ? C'était quoi ça ?

- Début décembre. Chez Marion. C'était pareil. Tu vas refaire la même chose, hein ?

- Quoi ? Mais bien sûr que non ! C'est toi qui m'a arrêté Noée !

- Je n'ai pas envie de repasser une nuit à errer dans les rues, même si c'est pour errer avec toi. Je n'ai pas envie que ça recommence, Gaël. J'ai pas le cœur suffisamment fort pour y survivre plusieurs fois.

- De quoi tu parles ?

- De tes faux espoirs ! Quand tu me souris pendant des jours avant de m'ignorer ! Quand tu me prenais dans tes bras l'été dernier, avant de sortir avec Clémence à la rentrée ! De la soirée chez Marion, et de ton visage qui se rapprochait, et de ta froideur quand tu m'as renvoyé chez moi ! Et de la nuit d'après, sous la neige, quand tu m'as amenée dans le parc ! Pourquoi tu m'as amené dans le parc cette nuit-là ?

- Noée... on en a jamais reparlé de cette nuit-là. Je suis désolé. J'ai flippé au dernier moment, comme un con. Je sais que je n'aurai pas dû. Mais j'ai eu peur, j'ai pas assumé, je sais que c'est de ma faute, que c'est moi qui ai lancé le mouvement, que je n'aurai pas dû. Mais c'était trop tôt pour moi. Je suis désolé, mais je te jure que si je t'ai amené ici cet après-midi, c'est parce que j'étais sérieux. Je suis désolé, je te demande pardon. Je sais que je n'aurais pas dû te faire du mal cette nuit-là. Mais aujourd'hui, ce n'est plus cette nuit-là.

- J'ai eu si mal Gaël...

- Attends mais... est-ce que tu pleures ?"

Gaël s'approcha de Noée et, délicatement, attendant patiemment de voir comment elle réagissait à chacun de ses gestes, il la prit dans ses bras et la serra un moment contre lui, enfouissant son visage dans son cou. Puis il se détacha, lentement, et prit son visage entre ses mains. Il la regarda une, deux, trois minutes peut-être. De ses pouces il essuya les dernières larmes qu'il voyait. Il la contemplait, à mi chemin entre une admiration réservée pour ce visage si beau qui s'offrait à lui, et une peur viscérale en se rendant compte que ces larmes avaient été causées par chacun des instants qu'il regrettait de ces derniers mois. Il déposa lentement un baiser sur son front, puis un baiser sur sa joue, avant de poser son front contre le sien, et de fermer les yeux. Son cœur battait fort, lui aussi. Et il tremblait. Il se sentait profondément nul. S'il avait pu se sentir frustré il se sentait à présent terriblement coupable. Parce que cette frustration, elle l'avait ressentie bien plus de fois que lui, et certainement à une plus grande échelle. Mais soudainement il sentit sur ses lèvres le poids de cette frustration.

Elle ne tenait plus. Alors qu'il avait ainsi le visage si près du sien, le front contre le sien, elle sentit qu'elle avait enfin entre les mains le pouvoir de remplacer toute la tristesse et la solitude, et surtout l'envie qu'elle ressentait depuis des semaines, par le goût de cette réussite. Le goût d'une victoire sur toutes ces années de silence. A le voir ainsi, recroquevillé devant elle, elle comprit. C'était à elle de décider, à cette minute précise, si elle le laissait à nouveau partir, et ce peut-être pour longtemps, ou bien si elle décidait de le retenir. Et après avoir eu peur aussi longtemps de le voir disparaître, sa décision était prise. Alors elle avait levé la tête et, en essayant de ne pas réfléchir plus longtemps à ce qui venait de lui traverser l'esprit, elle pressa ses lèvres contre les siennes, avant de les en retirer.

Gaël ouvrit soudainement les yeux et, sous la surprise, recula son visage. Il avait toujours les mains dans son cou, et n'avait pas une seconde songé à les retirer. Il la regarda, et un sourire immense creusa son visage. Elle lui pardonnait. Il se mit à rire, et elle aussi. Alors malgré tout, malgré ce qui venait de se passer, c'était encore à elle d'oser ! Mais peu importait à présent. Il leva la tête, et l'embrassa à nouveau, d'une manière plus appuyée, mais plus sereine aussi. Simplement sincère. Moins désespérée. Des rires et des applaudissements leur firent lever la tête. Les autres avaient fini, semble-t-il, à trouver les quelques marches qui menaient au toit...

Pulsions - en réécriture -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant