Chapitre 5

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Il faisait terriblement chaud, et Noée ne se concentrait pas. Elle regardait autour d'elle, par les fenêtres de la bibliothèque, et malgré le son des ordinateurs et des stylos qui l'entourait elle ne parvenait pas à entrer dans l'atmosphère studieuse du lieu. L'été s'éternisait sur la Capitale des Alpes. Cette mi-septembre se chargeait d'une trentaine de degrés, et elle étouffait. Son haut lui collait à la peau, elle respirait mal. Elle avait envie de se lever d'un coup, aller se jeter dans la fontaine qu'elle devinait au loin. À cela s'ajoutait la fatigue. Elle fermait les paupières quelques secondes et cela suffisait à l'endormir et la réveiller en sursaut. Elle ne rêvait que d'un ventilateur et d'un oreiller, mais elle n'avait sous la main ni l'un ni l'autre. Simplement son énorme dictionnaire d'italien, et les deux versions qu'il lui restait à faire. Elle n'avançait pas et au fond elle n'essayait pas vraiment. Et pourtant elle ne partait pas. Bien sûr, il était tentant de penser qu'une conscience studieuse la maintenait sur sa chaise... mais la vérité c'était qu'Arthur, assis en face d'elle, s'était perdu dans un traité de mathématiques et n'en sortait plus le nez, et qu'ainsi concentré depuis une heure et demi maintenant, elle le trouvait terriblement séduisant. Ce qui la tenait un temps soit peu éveillée était la contemplation dans laquelle elle s'était plongée. Il était assis dos à la fenêtre, ainsi la lumière du soleil qui commençait, car c'était la fin de l'été, à descendre, lui arrivait dans le dos, et jetait un doux reflet sur ses courts cheveux bruns. Elle ne pouvait regarder ces boucles sans avoir envie d'aller y promener ses doigts... Ses cheveux tombaient sur son front en une petite mèche ondulée, front qu'il n'avait pas très haut, ce qui amenait rapidement le regard sur ses yeux, qu'il avait quelque peu tombants. Ses mêmes yeux, qu'elle ne voyait pas en réalité, caché par ses longs cils, dirigés sur ces équations qu'elle ne comprenait pas. Lorsqu'il était concentré, les ailes de son nez se resserraient sur sa respiration, et ce dernier paraissait ainsi très fin. Sur ce nez était posée une fine paire de lunettes noires, rondes, qui lui donnait un petit côté intello qui était absolument adorable. Et sous son nez, et c'est là en vérité que se perdait les pensées de Noée, s'étirait un fine bouche, un petit peu tordue par la réflexion. Il ne la voyait plus, complètement absorber par l'explication de ces suites de chiffres qu'elle ne déchiffrait pas. Le regarder ainsi réfléchir la faisait certes se sentir un peu coupable de ne pas travailler, mais d'un autre côté... c'était un moment hors du temps. Absorbée dans sa contemplation elle ne regardait plus défiler le temps, et c'est quand il leva les yeux pour jeter un œil sur sa montre qu'elle suivit son regard... et constata que ça faisait presque vingt minutes qu'elle le regardait sans rien faire d'autre. Il la regarda finalement, et lui sourit.

« Qu'est ce que tu as ?

- Rien. Rien de particulier. J'y arrive pas, je sèche... Et puis ça m'emmerde tout ça. La prof m'énerve. Les cours m'énerve. Tout m'énerve en fait !

- Même moi ?

- Mais non pas toi.

- Tu me fixes depuis tout à l'heure quand même...»

Alors il avait remarqué ? Elle se sentit un peu honteuse mais enfin. Soudainement, Noée se leva, plia son ordinateur, ses fiches et sa trousse, entassa tout cela dans son sac, sous un haussement de sourcil d'Arthur, qui ne comprit pas. Que faisait-elle ? Pourquoi partir si vite ? Il s'assit sur le fond de sa chaise, s'étira, et lui demanda ce qui lui prenait. Elle ne répondit pas, ferma son sac, repoussa sa chaise sous la table, et s'approcha d'Arthur comme si elle attendait qu'il fasse de même. Arthur ferma son livre, posa ses lunettes, la regarda. "Qu'est-ce que tu as ?" Elle ne répondit pas, pris son sac et se dirigea vers la sortie.

Arthur, resté seul, abasourdi, replia ses lunettes qu'il rangea dans leur boîte. Il passa les mains sur son visage, reprit ses cours et se leva. Et se retournant, il croisa le regard presque insolent de Gaël, souriant, qui regardait la porte par laquelle Noée semblait s'être enfuie. Le soleil se couchait déjà derrière les montagnes. Il ferma les yeux, essayant de se souvenir de ceux de Noée qui l'avait regardé... comme il ne l'avait jamais vu faire. Il l'aimait, malgré lui, s'en n'était que peu rendu compte. Ça lui était tombé dessus, un matin, quand il s'était réveillé avant elle, et qu'il l'avait regardé s'éveiller doucement, revenir d'un royaume qui lui appartenait.

Pulsions - en réécriture -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant