Chapitre 4

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Au delà de son devoir, son vrai bonheur était d'avoir pu reprendre son roman, après presque deux mois sans l'avoir touché. La première partie était publiée, mais elle la trouvait bien trop enfantine, bien trop niaise. D'ailleurs elle ne cumulait pas beaucoup de vues... Mais elle s'en fichait. Ce qu'elle racontait dans cette première partie, ce n'était plus sa vie. Le personnage de de Gaël avait du mal à reparaître dans son esprit parce qu'honnêtement... Gaël avait disparu de sa vie. Ce long été et cette première session de cours avait eu raison de leur histoire, et dans cette dernière année de licence, Noée ne pensait qu'à obtenir cette dernière, et à se consacrer sur ses projets.

Il y avait une autre personne à qui elle devait la disparition de Gaël. Il n'avait fallu qu'une soirée pour que Arthur entre dans sa vie et la chamboule. Il ne se connaissait ainsi que depuis 5 mois mais il avait cette manière d'être simplement présent... Une présence rassurante, qu'il l'éloignait de Gaël, qui l'éloignait de Samuel, et qui supprimait toute envie de se rapprocher d'eux. Une présence grandissante, et qu'elle espérait garder un moment... Arthur et elle sortaient ensemble depuis environ 3 mois, après des heures de discussions et deux ou trois rendez-vous. En réalité, c'est lui qui, quelque part, l'avait empêché de continuer son roman. Comment continuer à raconter Gaël, raconter l'amour qu'elle avait pour lui, le manque de lui, quand tout ça n'existait plus ? Où allait-elle devoir chercher l'inspiration qu'elle n'avait plus ? Mais elle avait réfléchi.

Elle n'était pas obligée d'écrire ce qu'elle avait prévu d'écrire. Bien sûr qu'elle savait comment son histoire se finissait. Mais il y avait tant de chemins possibles... Cette deuxième partie serait plus tranquille, axée sur sa vie. Peut-être que Gaël n'y figurerait même pas ? Après tout. Elle l'avait certes croisé le matin même, dans le bus qui les emmenait à leur premier cours post Toussaint. Mais elle n'avait pas eu à se forcer pour ne pas lever les yeux vers lui. Elle lui avait doucement sourit, et était partie s'installer sur un siège éloigné, tranquillement, sans peur, et n'avait pas eu à lui parler à nouveau.

Elle en était là de ses réflexions, son devoir n'avançant pas, quand un son lui fit tourner la tête vers sa fenêtre, puis sortir sur son balcon. Le son venait d'un violon, sur le balcon d'à côté, de l'immeuble d'à côté... Ce concerto de Bach qu'elle travaillait en ce moment, jusqu'au matin même, parce qu'elle avait perdu sa partition dans l'amphithéâtre... partition annotée, surlignée, de couleurs qu'elle utilisait sans cesse selon un code précis... et qu'elle devinait sur la feuille posée sur le pupitre, sous le nez de Gaël, qui n'avait pas l'air de trouver nécessaire de la prévenir et de la lui rendre sans s'amuser un peu avant.

"Ça va je t'embête pas trop ? Tu veux que je te mette les doigtés que j'utilise peut-être ?

- Hey Noée ! C'est ta partition ? Je savais pas...

- Au dessus de "allegro" y a écrit Noée Campbell si tu regardes bien...

- Heheee très juste... désolé. Promis j'avais prévu de te la rendre... demain... après l'avoir travaillée un peu... Noée tu sais très bien que je rêve de le jouer ce concerto !!!!

- Imbécile. Demain sans faute."

Elle rentra à l'intérieur et se remit à travailler. Cependant, maintenant qu'elle avait entendu Gaël elle ne pouvait plus faire abstraction, et les fausses notes du musicien lui broyaient le crâne. Elle essaya un temps de se reconcentrer, elle se leva, ferma la fenêtre, la rouvrit, lui demanda de jouer à l'intérieur parce que, quand même... Il rentra, elle referma la fenêtre mais rien n'y faisait. Bach semblait avoir prit possession de son esprit au travers du violon nasillard de son apparemment inoubliable voisin. S'il la prenait par les sentiments... Une pensée lui traversa l'esprit. Avait-elle encore quelque chose pour Gaël ou ce petit pincement au cœur était-il normal ? Mais le numéro d'Arthur sur son téléphone l'empêcha de mener plus avant sa réflexion, et c'était sûrement pour son plus grand bien...

Arthur. Ce garçon, si elle se disait la vérité, était surtout une aventure qui durait plus longtemps que les autres. Un corps dont elle avait retenu le nom, après quelques verres... et quelques nuits. Pourquoi lui plus que les autres ? Peut-être avait-il quelque chose en plus, une singularité que les autres n'avaient pas, un côté "Samuel" qui lui plaisait, un je-ne-sais-quoi de différent qui lui avait donné envie de fréquenter ses draps un peu plus longtemps.

Ou peut-être qu'il n'avait pas de singularité. Peut-être qu'il était comme les autres, en pire. Peut-être qu'il était encore plus transparent qu'eux. Peut-être qu'au fond c'était ça. Que mieux que les autres il avait su lui faire penser à autre chose, ou plutôt que mieux que les autres il avait su être le transport idéal pour un autre qui lui confisquait, aux yeux de Noée, toute son identité. Peut-être qu'il avait su être les mains, les yeux, les lèvres, la peau d'un Gaël fantomatique qui reprenait corps en elle par toutes ces soirées qu'elle lui accordait plus qu'elle ne se les accordait à elle-même.

Peut-être que c'était pour ça aussi qu'elle se demandait parfois si elle était réellement si occupée, ou si elle le fuyait.

Pulsions - en réécriture -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant