Dans les semaines qui suivirent, Gaël et Noée se rapprochèrent. D'abord étonnée par les tentatives de Gaël, la jeune fille s'était laissée convaincre, bien trop heureuse de retrouver cette complicité qu'elle avait avec le seul qui l'intéressait réellement. Gaël lui avait manqué à la minute où elle avait laissé paraître de la jalousie sur son visage. Mais quelque chose l'inquiétait. Cette manière d'agir avec elle quelques jours seulement après le mur qu'elle s'était pris sans qu'il ne le sache la mettait réellement mal à l'aise sans que jamais elle ne trouve le courage de le lui dire. Pourtant sa colère s'était peu à peu apaisée, voyant que Gaël ne fréquentait finalement personne. Même si elle se sentait toujours terriblement seule sans lui appartenir, elle se consolait maigrement avec l'idée qu'aucune autre ne lui appartenait non plus. Les jours passèrent, puis les semaines, et enfin vint le dernier vendredi avant les vacances de Noël. C'est cette semaine là que soudainement, Noée avait choisi de s'éloigner un peu de son voisin. Il avait trop d'emprise sur elle, elle le sentait. Seulement, si ce n'était pas la première fois en dix ans qu'elle s'éloignait, c'était la première fois qu'il réagissait ainsi. Habituellement il la laissait seule jusqu'à ce qu'elle revienne vers lui, mais pas cette fois. Cette fois, et malgré la froideur de Noée, Gaël essayait et essayait, cherchant n'importe quel prétexte pour lui adresser la parole. Ce soir là, elle sortait de cours, et marchait tranquillement avec Lucy et Eleen jusqu'à leur arrêt de bus. Il faisait froid et miraculeusement il neigeait. Il faisait déjà nuit, comme chaque soir à dix-huit heures depuis quelques semaines. C'était presque... féerique comme ambiance. Il n'y avait quasiment pas un bruit, la neige étouffait tout. Les voitures roulaient au pas, et cette masse d'élèves qu'elle rêvait pourtant de quitter depuis huit heures le matin même lui semblait passionnante. Comment huit cents élèves pouvaient-ils sortir en même temps d'un lycée un vendredi soir sans faire aucun bruit ? Et pourtant. Et ce parfum... C'est un parfum que, Noée en était persuadée, tout le monde adorait. Ce parfum d'hiver, ce parfum de Noël. L'odeur du froid, ou l'odeur du feu. Un parfum de décembre, réconfortant, et presque enfantin.
Le silence et la nuit tombés, tout aussi romantiques qu'ils étaient, lui rappelèrent tout de même qu'elle n'était qu'une gamine de dix-sept ans qui avait plutôt intérêt à rentrer chez elle puisqu'elle habitait à vingt minutes de marche. Saluant Lucy, prenant Eleen dans ses bras, elle mit ses écouteurs et le volume de Still Loving you à fond avant de traverser le parc désert et décidément très peu éclairé, se félicitant de ne pas être l'héroïne d'un roman, sans quoi elle serait déjà en train de se faire agresser ou égorger avant d'être sauvée par le bad boy parfumé au parfum Sauvage... Dior et ses gros bras musclés.
« Noée ! Attends-moi ! »
Raté.. C'était peut-être pathétique d'avoir la même vie que tout le monde avec en plus un amour délirant pour un imbécile bipolaire. Un jour, il faudrait qu'elle demande à Gaël quel parfum il préfère, pour être sûre.
« Qu'est-ce que tu veux ?
- Te parler.
- Ah. Bon, alors c'est fait. Tu peux me laisser tranquille maintenant.
Heureusement que l'amour rendait aimable. Qu'est-ce que ça aurait été si elle ne l'avait pas aimé ?
- Wow... mais non pas tout à fait. Je voulais savoir ce que tu faisais demain soir ?
- Netflix and chill existe pour tout le monde.
- Sérieux ? Tu vas regarder quoi ?
- Captive. Une jolie fille psychopathe qui a tué deux personnes. J'a-do-re.
- Bon, comme ça c'est clair. Dis-le si tu as quelque chose à me dire, ça ressemble un peu à des menaces !
Gaël se mit à rire, en regardant Noée en coin. La situation semblait beaucoup l'amuser, mais il semblait également un peu gêné. Il la regardait comme s'il attendait quelque chose. Indécise, Noée se tourna vers lui, et arrivant à ce constat elle songea à lui retourner sa question.
- Et toi ? Tu fais quoi demain soir ?
Le jeune homme, qui semblait trépigner d'impatience, lui sourit largement, comme pour lui confirmer qu'elle avait dit exactement ce qu'il fallait.
- Je vais à une soirée chez Marion.
- Oh excellent. Alors...
- Et j'aimerais que tu viennes avec moi.
- Bon week-end... ? Ok je ne m'y attendais pas à celle-là.
- Je te demande juste de m'accompagner à une soirée. Je ne t'ai pas dit « je t'aime » non plus.
- Si seulement.
- Pardon ?
- Je... c'est pourtant...
- Ah c'est ce que tu as dit ? Pardon. Enfin bref c'est pourtant ?
- Oups... elle avait pensé à voix haute ? Elle avait pensé à voix haute. C'est pourtant rien du tout. Je viendrai, alors. Mais pourquoi... pourquoi spécifiquement moi ?
- J'ai envie que tu sois là, c'est tout... Mais si tu ne veux pas je comprendrai très bien ! Je vois que tu m'évites depuis quelques jours, mais... je ne sais pas je me dirai qu'on pourrait en discuter demain soir. Si... si tu viens justement.
- Je serai là avec plaisir. On se voit demain soir. Mais euh... oui non rien, à demain...
- Génial ! Je viens te chercher à dix-huit heures trente ? Parce qu'il venait la chercher en plus ?
- Ben... pourquoi pas. Viens.
- Je viendrai.
- À demain !
- À demain. »
Gaël secoua la main dans ses cheveux noirs, que la neige avait parsemé de flocons blancs. Puis, avec un dernier signe de la main et un sourire gêné sur le visage, il rabattit la capuche de son sweat, enfonça ses mains dans ses poches et accéléra le pas pour rentrer chez lui, sans l'attendre. Noée resta un instant au milieu de l'hiver qui continuait de tomber autour d'elle, stupéfaite. Une soirée avec Gaël ? La première depuis des années. Et la dernière fois qu'ils s'étaient retrouvés tous les deux à la même soirée, Noée lui avait dit qu'elle l'aimait avant que Gaël ne vomisse sur ses chaussures, digérant mal l'alcool qu'il avait bu pour se donner un air. Disons que ça n'était pas le plus beau souvenir qu'elle avait. Elle se remit à marcher, oubliant de relancer la musique, écoutant ses pas dans la neige, qui formait à présent une fine couche au sol. Elle essayait de s'écouter réfléchir, dans se silence ouaté, mais le bruit de ses pensées était couvert par les battements de son cœur. Gaël l'avait invitée, Gaël viendrait la chercher, Gaël, Gaël, Gaël...
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Pulsions - en réécriture -
RomanceNoée a 18 ans au début de cette histoire. Gaël a 18 ans au début de cette histoire. Gaël est mort, à la fin de cette histoire. Pourquoi ? Pourquoi, ça on ne le sait pas vraiment.