Finalement le monde tentait de retrouver une vie normale. Elle espérait pouvoir oublier cette époque qu'avait été le confinement, mais qui oubliait ? Qui n'en parlait pas, qui ne s'en souvenait pas, qui n'avait pas peur ou envie qu'il reprenne ? Le Covid avait ruiné la vie de tellement de gens. La sienne en particulier. C'était presque irréel, elle ne reconnaissait plus le monde qui était pourtant le sien. C'était si... Si incroyable ! Ces deux mois qu'elle avait passé chez sa mère resteraient à jamais gravés dans sa mémoire. Collée aux réseaux sociaux pour survivre, continuer à agrémenter ce lien social qu'elle avait si peur de perdre. Continuer en essayant d'oublier que sa vie ne passait pas par son téléphone, qu'elle avait tout perdu et n'étais pas certaine de tout retrouver. Mais surtout, ce confinement, ça avait été la quête de contact, avec n'importe qui. La redécouverte du monde de proximité. La redécouverte de ses voisins. Et comment pouvait-on parler de voisins sans mentionner Gaël.
Elle travaillait sur elle depuis des mois.
Depuis leur rupture, elle avait enchaîné les aventures, tentant d'incruster dans sa peau le souvenir de tellement d'autres lui pour, peut-être, le noyer dans cette multitude d'amas de chair qui ne semblaient pas vraiment avoir d'âme. Elle avait eu de nombreuses nuits qu'elle n'avait jamais eu avec Gaël. Elle s'en était rendue compte après la 4e. Jamais elle n'avait couché avec Gaël. Pas qu'ils n'en avaient jamais eu envie, mais ils n'avaient jamais essayé. C'est elle qui en avait peur. Lui peut-être aussi, mais elle n'en savait rien. Mais elle, elle était terrifiée. Terrifiée parce que cette nuit où elle s'offrirait à lui serait la dernière barrière qu'il lui restait à faire tomber, avant de ne jamais plus pouvoir lui tourner le dos. Ou plutôt... Elle aurait été la dernière barrière. Alors elle avait donné son corps à quelqu'un d'autre, un jeune homme croisé au hasard d'une soirée chez des amis qu'elle ne connaissait pas. Elle avait rencontré ce garçon, une heure et demi plus tard elle plongeait avec lui dans une nuit qu'elle avait oublié deux semaines plus tard, ainsi que le visage de son amant, et pour être honnête, son nom aussi. Puis il y avait eu une autre soirée, et un autre nom. Une autre soirée, et un autre corps. Pendant trois mois, elle avait tenté, corps après corps, de retirer de sa peau le seul qui ne l'avait jamais touchée.
Mais en vain. Elle n'avait jamais pu. Nuit après nuit, soir après soir, chaque instant où elle quittait la réalité, ne parlant plus, même à travers son corps, silencieuse, presque morte, il n'y avait qu'une vérité, qu'une constante. Le nom de Gaël, invariablement, revenait sur ses lèvres. Les yeux de Gaël, invariablement, lui revenaient en mémoire. Voilà pourquoi elle ne se souvenait que rarement de la personne avec qui elle passait la nuit. Chacune de ces nuits était une nuit de plus avec ce fantôme qu'elle ne parvenait pas à quitter. Et le plus grave avait été atteint le soir de l'anniversaire d'un ami en commun, lorsqu'il s'était présenté, plus beau qu'un souvenir, et que, pour plaisanter, ce même ami lui avait fait un bref résumé du palmarès de Noée. Il l'avait regardé, et lui avait simplement fait remarquer, dans un haussement d'épaules, que décidément, elle se perdait. Que ça ne lui ressemblait pas. Mais qu'après tout, elle faisait bien ce qu'elle voulait, même s'il n'en comprenait pas l'intérêt. Et ça avait été le plus grave, parce qu'elle a compris, ce soir-là, l'intérêt de ces nuits à répétition. Elle ne tentait pas de l'oublier, bien au contraire. Elle qui pensait désirer se le sortir de la peau l'y enfonçait un peu plus profondément à chaque fois, l'ancrait en elle par la chaîne des autres.
Puis il y avait eu Samuel. Il ne s'était rien passé avec Samuel. Ils étaient simplement amis, du moins c'est ce qu'elle se répétait. Elle le voyait, semaine après semaine, à ce même orchestre où elle s'était rapprochée de Gaël 2 ans auparavant, orchestre que le jeune homme avait fini par quitter. Samuel était beau. Samuel était drôle. Samuel était intelligent. Samuel était doué. Samuel était... presque parfait. Il avait ce côté si... si peu Gaël. Et Noée, qui nageait dans une mer de brouillard depuis des semaines, avait soudainement aperçu un phare. Elle s'était jetée corps et âme dans ce si fragile lien qu'elle tentait de tisser, jour après jour, message après message. Mais lui, bien sûr, ne l'avait pas suivi...
VOUS LISEZ
Pulsions - en réécriture -
RomanceNoée a 18 ans au début de cette histoire. Gaël a 18 ans au début de cette histoire. Gaël est mort, à la fin de cette histoire. Pourquoi ? Pourquoi, ça on ne le sait pas vraiment.