"La morosité. On n'en parle pas assez, de la morosité chez les étudiants. C'est ce que je me suis dit en fixant la fenêtre de mon appartement, en regardant la pluie tomber drue par la fenêtre. C'est dangereux la morosité. Les adultes... les adultes. C'est des gens qui savent tellement de choses, les adultes. Qui ont tout vécu. "Je l'ai déjà mon diplôme, c'est pour vous tout ça." "Tu verras, quand tu auras mon âge. Tu comprendras." "Ça te paraît énorme maintenant mais attends de voir... tu dépasseras tout cela." Comment expliquer que certaines choses ne se dépassent pas ? Qu'ils n'ont pas tout vécu ? Ou pas à la même époque ? On n'en parle pas assez, de la dévalorisation de la morosité des jeunes. Comme si les problèmes connaissaient un ordre de gravité... Comment l'ennui ou la douleur peuvent-ils se placer sur une échelle ? Tout est subjectif, tout est relatif. Une dispute avec un ami n'est rien comparée à une rupture amoureuse, qui n'est rien comparée à une période de crise économique, presque rien comparée à une pandémie mondiale, bien moindre qu'une guerre. Et pourtant, on peut bien avoir l'impression de sombrer après une dispute avec un ami.
Et à en croire certaines personnes, une rupture amoureuse pour une jeune fille de 20 ans n'est rien, seulement une passade de jeunesse, dont on se relèverait tôt ou tard, qui passe, qui ne devient qu'un mauvais souvenir, voire un bon parfois.
Pourtant moi je ne m'en relève pas. Je ne suis pas tellement plus fragile qu'un autre, pourtant. Et puis j'essaie, vraiment ! J'essaie, vraiment ? Est-ce que ce n'est pas facile, finalement, de se complaire dans l'amour impossible ?
Gaël était si parfait. Si merveilleux, si... si tout. Plus que parfait, il était idéal ; mon idéal. Qui peut seulement penser renoncer à l'idéal ? L'aimer comme cela, seule, en son absence, c'est ce que je fais depuis si longtemps, et aime tellement faire. L'aimer, c'est ce que j'aime.
Est-ce qu'elle avait envie d'un monde ou Gaël n'existait pas ? Elle se le demandait assez souvent. Trop souvent peut-être. mais c'était vrai comme question... est-ce qu'elle voulait un monde où il n'existait pas ? Un monde sans tristesse, ou du moins sans celle-là ? Un monde...
C'était quoi, pour elle, un monde sans Gaël ? Elle avait quitté Arthur. Elle l'avait enfin fait. Ils s'étaient disputés une première fois à la fin des vacances, la dispute se terminant en un "break" qui, pour elle, n'avait aucun sens. Elle l'avait finalement quitté, à grand renfort de "c'est mieux pour nous deux" et de "je ne t'offre pas ce dont tu as besoin". Puis elle avait essayé de se rapprocher de Gaël. Après plusieurs semaines de rires par messages interposés, elle avait osé prononcer les mots "tu me plais"... et s'était heurtée à un Gaël brisé par une inconnue indélicate, et la tête pris dans ces ambitions. Là encore, la crise était passée à grand renfort de "c'est pas toi c'est moi" qu'il savait ridicule, "ce n'est pas ma priorité" et "je ne voulais vraiment pas te faire de mal". Elle y pensait souvent, et sans cesse. Et aujourd'hui encore elle faisait l'expérience d'une vie dont elle n'avait plus l'habitude. Écouter de la musique, seule, se regarder sourire dans le miroir, espérer avoir enfin retrouvé un sourire sincère avant de se rendre compte qu'elle pleurait.
Seule. Elle se sentait seule. Eleen n'était plus dans sa vie depuis bien plus longtemps que Gaël. Lucie et elle étaient parties en Erasmus dans la même ville et sans doute ne reviendraient-elles pas. Leurs relations s'étaient délitées avec le temps, Eleen étant toujours moins présente parce que prise ailleurs, Noée demandant toujours plus. Shaun quant à lui faisait ses études à Lyon, donc loin de Noée à qui il manquait terriblement.
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Pulsions - en réécriture -
RomanceNoée a 18 ans au début de cette histoire. Gaël a 18 ans au début de cette histoire. Gaël est mort, à la fin de cette histoire. Pourquoi ? Pourquoi, ça on ne le sait pas vraiment.