Chapitre 11

2 0 0
                                    

Comment pouvait-il...? Alors il ne le voyait vraiment pas ? Comment... Pourtant elle avait essayé de le lui dire. Plusieurs fois. Peut-être qu'il ne voulait tout simplement pas le voir ? Pourtant, il l'avait aimée, à une époque. Dix ans auparavant. Pour ce que ça avait crée entre eux, ça ne pouvait pas être qu'une amourette entre deux enfants. Non, elle en était persuadée. Ils avaient, cette année-là, crée quelque chose entre eux. Quelque chose d'indéfectible. Elle ne pouvait pas être seule entre eux à le voir, à le ressentir. Pourquoi ne voyait-il rien ? Pourquoi ne voulait-il rien voir ?

« T'es au courant ?

- De quoi ? »

Elle soupira, fatiguée comme si elle n'avait pas dormi. Eleen, assise à côté d'elle, suivait d'un œil distrait le cours d'histoire de M. Tagne, et en profitait pour lui raconter ce qu'elle avait raté dans l'heure d'anglais renforcé que Eleen suivait sans elle, pendant son cours de mathématiques. Noée, perdue dans ses pensées, n'avait bien sûr pas entendu un seul mot de ce que lui racontait sa meilleure amie.

« C'est à propos de Gaël.

- Gaël ?

- Ouais... et Clémence. »

Bien sûr. Qu'est-ce que ça pouvait être, cette nouvelle ? Ils n'avaient que dix-sept ans, peut-être dix-huit quelques mois plus tard pour certains d'entre eux. Mais à cet âge-là, quelle pouvait être cette grande nouvelle pour une relation qui semblait bien aller ? Clémence s'était complètement amourachée de Gaël, et, de ce qu'elle avait lu Gaël... se sentait bien dans sa relation aussi.

« Noée ? Tu m'écoutes ?

- Pardon tu disais ?

- Je disais que Gaël ne sort plus avec Clémence. Il l'a quitté ce matin.

- Hein ?

- Mademoiselle Campbell ? Vous avez quelques remarques à apporter sur l'histoire des mémoires de la Guerre d'Algérie ?

- Je... non non, excusez-moi...

- C'est ce que je pensais. Alors pouvez-vous reporter votre attention sur mon cours, vous ainsi que Mademoiselle Clay ? »

Un ricanement sur sa droite lui fit tourner la tête. Gaël riait avec l'un de ses amis, et s'arrêta brusquement quand il croisa son regard. Il lui adressa un petit sourire crispé avant de lui aussi se concentrer sur les histoires des différents groupes armés intervenus en Afrique du Nord entre 1954 et 1962 qui semblaient tant captivé M. Tagne. Son regard à elle continua de se perdre sur son visage, interrogatif car elle ne comprenait vraiment pas ce qui avait pu lui passer par la tête. Un coup de coude de Eleen suivit d'un « ferme la bouche, tu baves » moqueur achevèrent de la faire redescendre sur Terre. Lui rendant son coup elle reprit la rédaction de ses notes sur les Harkis, d'une oreille distraite, écrivant de temps à autre Gaël à la place de n'importe quel autre mot.


« Noée ! »

Elle se retourna. Il était quinze heures et elle marchait vite, pressée de rentrer chez elle. C'était enfin mardi, son cours en duo avec Gaël avait lieu dans deux heures, et elle n'avait pas vraiment eu l'occasion ou le courage de travailler le Concerto pour violon n°8 opus 3 de Vivaldi, qui serait pourtant le sujet principal de cette future demi-heure. Mais cette voix-là, comme toujours, la ferait toujours s'arrêter, quelle que soit l'urgence.

Gaël marchait vers elle à grands pas, et la rejoignit en quelques secondes.

« Tu ne m'attends pas ? Je pensais qu'on irait au cours ensemble... tout va bien ?

- Le cours est dans deux heures, le conservatoire à quinze minutes de marche. Je pense qu'on a encore le temps, je me trompe peut-être ?

- Non, bien sûr. En fait je voulais te demander quelque chose.

Pulsions - en réécriture -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant