Chapitre 20

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Samedi 25 janvier, salle de spectacle de E...

Le bâtiment moderne et futuriste se dressait devant Noée qui le regardait amusée. Elle fréquentait l'endroit depuis plusieurs années, et c'était presque devenu un second habitat pour elle.

Toutes les scènes du monde sont une seconde maison pour les artistes.

Mais ce jour-là n'était pas un jour comme les autres. Il viendrait. Et elle allait en quelques sortes lui parler. Elle entra dans le bâtiment et c'est avec un sourire non feint qu'elle poussa la porte « interdite au public » sur sa gauche. Cette porte menait à de grands escaliers débouchant directement sur les vestiaires et un peu plus loin sur les coulisses. Saluant tout le monde d'un geste elle accrocha son sac à côté de celui des autres, et commença à se déshabiller. Enfilant un short noir et une robe blanche, se coiffant rapidement, elle rejoignit pieds nus la porte qui menait aux coulisses. Les traversant vite, elle se retrouva sur scène. IL n'y avait personne, excepté les deux jeunes garçons qui s'occuperaient de la régie. Le but de cette soirée était de laisser la place aux élèves.

« Thomas, Abou, vous pouvez passer la Boxeuse s'il vous plaît ? Je voudrais répéter sur la musique...

- Pas de soucis, par contre on fait les dernières retouches lumières et son donc ça risque de bouger un peu.

- Aucun problème faites ce dont vous avez besoin. »

Elle se plaça au centre de la scène et s'échauffa sur les premiers accords d'Arthur H. Elle avait choisi cette chanson quelques mois auparavant, elle s'était imposée, logique, froide, implacable. Cette chanson, cette histoire, c'était elle. Elle était cette Boxeuse amoureuse et ce soir elle jouait son dernier combat. Elle réveillait doucement ses articulations, son corps devenait plus que le sien soudainement, il devenait ses mots, il devenait autre chose qu'elle-même. Il parlait pour elle, comme s'ils n'étaient plus la même personne et qu'ils devaient fusionner. La musique se coupa soudainement, suivi d'un « merde, qu'est-ce que j'ai fait ? ». Elle ouvrit les yeux, et regarda Thomas, un projecteur braqué sur elle, qui ne réagissait pas.

« Thomas, j'ai la lumière dans les yeux.

- Oh pardon, je ne faisais plus attention.

- Abou, il se passe quoi ?

- J'ai coupé la musique, mais je sais pas comment.

- En faisant pause peut-être ?

- Mais non je m'en serais rendu compte.

- T'es sûr ? Rappelle-toi hier.

- Ta gueule Thomas. Ah non pas ta gueule en fait. Fin si mais bon t'as peut-être raison. »

Noée éclata de rire et retourna avec les autres dans les vestiaires, en espérant qu'ils s'en sortiraient avant le début du spectacle. Rien ne devait se passer d'autre que ce qui était prévu, ce soir tout devait être parfait.

***

Les prestations s'enchaînaient depuis plus d'une heure vingt, elle était la dernière à passer. Enfin, son nom raisonna dans la salle, avec les premiers accords. Elle avança sur scène, un pied après l'autre, et elle commença à danser. Elle savait ce qu'elle faisait, elle avait répété cela pendant des heures. Tout à coup, dans un mouvement qu'elle laissa quelques secondes délicatement en suspens, son regard se posa dans la salle.

Il était venu, comme il l'avait promis. Il la regardait avec de grands yeux, ébahi. Elle ne dansait pas, elle était la danse. Elle portait ses mouvements avec une grâce qui lui était sienne. Elle parlait avec son corps, et il avait l'impression que c'est à lui qu'elle parlait. Il ne l'avait jamais vu sur scène en 10 ans. Jamais. Et pourtant il en avait eu des occasions... Mais il n'avait jamais osé. C'était stupide bien sûr, et il le savait. Et ce soir il était venu, mais il le regrettait. Oui, il devait être honnête. Il regrettait d'être venu la voir.

Pulsions - en réécriture -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant