Chapitre Sept - Révélations

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Aujourd'hui, nous étions mardi et, contrairement à la veille, la journée de cours était moins chargée. Je n'avais eu que deux TD, un en fin de matinée, ce qui m'avait permis de faire une grasse matinée et un en début d'après-midi.
Étant dispensée de travailler au Cosy Bear Café par la même occasion, je profitai pour aller à la salle de sport. Vu qu'il n'était pas encore tard, j'espérai ne pas croiser Nathaniel qui venait plus tardivement dans l'après-midi. L'accrochage que nous avions eu la veille m'avait empêché de trouver le sommeil malgré une fatigue écrasante. La culpabilité m'avait hanté.

Lorsque j'avais quitté Saint-Amour puis Nathaniel, je pensais que cela aurait été la bonne solution pour lui ou en tout cas, la moins pire. Je ne voulais pas qu'il attende que ma vie devienne moins compliquée. Or, ses mots suggéraient que notre rupture avait été le premier déclencheur de sa mauvaise évolution. Seule ma tristesse m'avait longtemps rongée. A présent, s'ajoutait la culpabilité.

Puis, à force de ressasser, et comme si le sommeil m'avait aidé à dénouer la situation, je me sentais révoltée. M'accuser, moi, pour son changement de comportement, je trouvais l'excuse injuste et trop facile...

Nous étions heureux mais je n'étais pas la seule à me soucier de lui. C'était un adulte, il était tout aussi capable de prendre ses responsabilités. La peine que j'avais éprouvée pour lui s'était muée en colère et je décidais de sauter sur la prochaine occasion pour lui dire moi aussi ce que j'avais pu traverser durant ces trois dernières années. Fini les tabous et les secrets ! C'était le coup de pied aux fesses dont j'avais besoin.

Lorsque je pénétrai dans la grande salle, les coups puissants contre un sac de frappe me forcèrent à reconnaître que c'était aujourd'hui qu'allait avoir la mise au point que j'attendais -- Pas vraiment avec impatience.

Nathaniel semblait mettre toutes ses forces dans le poing qui s'abattait contre le revêtement en cuir. Les coups pleuvaient à un rythme incontrôlé avant de s'arrêter par un ultime choc plus puissant. Immédiatement après, il se détourna du punching ball et entreprit de déballer ses mains de ses bandes. Kim un peu plus loin lui jeta un regard d'incompréhension puis remarqua ma présence et fronça les sourcils.
Le jeune homme jeta ses bandages dans son sac avec une colère à peine maîtrisée. Son attitude, que j'estimais puérile, finit par m'agacer et me poussa à l'interpeller.

— Attends ! l'arrêtai-je.
— Qu'est-ce que tu veux à la fin ? Je pensais qu'on était clair tous les deux !
— Je suis toujours entièrement d'accord sur le fait que l'on devrait vivre nos vies séparément mais il est temps que tu saches pourquoi je suis partie il y a trois ans.
— Qu'est-ce que ça change ?
— Pas grand chose sûrement, mais au moins, je ne te devrais plus rien !

Ses iris dorés étaient brûlants de colère mais le regard qu'ils envoyaient, démontrait qu'il s'était décidé à m'écouter. Il me laissa raconter la raison de notre déménagement là, au milieu du hall d'entrée de la salle. Je lui racontai alors l'AVC de mon père, sa crise cardiaque un peu avant Noël et qui avait précipité notre rupture, le comportement de ma mère, mon boulot, les études dans une fac qui députait dans l'histoire de l'art. Il ne m'interrompit pas et son attitude agressive régressa.

— Pourquoi tu me dis ça maintenant ?
— Je t'aimais Nathaniel mais j'aimais encore plus mon père, me justifiai-je. A vrai dire, je n'ai pas pensé à toi, à nous, j'ai fait ce qu'il fallait. J'ai essayé ! Je te jure que j'ai essayé mais c'était trop dur. Pour m'en sortir, je devais sacrifier notre relation.

J'avais la gorge serrée et toute la colère que j'avais ressassée et travaillée comme une carapace, s'était envolée. Je me retrouvai vulnérable, émue de verbaliser tout haut et pour la première fois, les choix que ma conscience m'avait forcée à faire.

— Pourquoi tu es revenue ici ? questionna Nathaniel sur un ton adouci.
— Mes parents ne voulaient pas me priver d'un Master de qualité. Antéros propose l'un des meilleurs du pays. Je ne pensais même pas y croiser des personnes du lycée et encore moins toi.
— Qui le savait ?
— Alexy et Rosalya. Ils m'ont juré de ne rien dire et finalement, même avec eux, j'ai coupé les ponts.

Nathaniel m'observait avec un regard insondable, comme s'il me jaugeait, comme s'il attendait autre chose mais finalement, il reprit la parole.

— Rosalya n'a pas tenu sa parole, m'avoua-t-il. En deuxième année, quand Ambre a commencé à se rapprocher d'elle, Rosalya lui a raconté ce qui s'était passé. Je sais tout depuis longtemps et tu as raison... ça ne change pas grand chose.

Une fois encore, il voulut ajouter quelque chose et ses lèvres étaient tentées par des mots qui ne les franchirent pas. Il eut un regard de pitié et s'en alla. Je me retrouvais seule dans le hall, sans un mot, ni une pensée autre que celle-là : Rosalya n'avait pas su tenir sa langue. Une nouvelle vague de colère envahit mon estomac. L'une des deux seules personnes en qui j'avais eu confiance m'avait trahie.

Kim vint dans ma direction mais je n'étais pas en état de lui faire face, j'avais le ventre noué et une forte démotivation pour tout. Mes pas me sortirent de la salle sans même adresser un mot à la coach, et me conduisirent au Campus. Dans la cour, je croisai Priya qui m'interpella guillerette.

— Eh beh ! T'en fais une tête.

J'avais la mâchoire crispée, les larmes au bord des yeux.

— Ola, viens, je te paie un café.

L'étudiante en droit m'emmena à la BU où, dans le grand hall vide, il y avait des machines à café. Priya m'en paya un généreusement et attendit que je sois prête à parler de ce que j'avais sur le coeur. La jeune femme avait toujours été dotée d'une attitude bienveillante et d'une oreille attentive qui me conduisaient toujours à libérer le poids que mes épaules supportaient. Cette fois encore, cette méthode fonctionna. Je lui racontai alors et pour le deuxiéme fois en moins d'une heure les trois dernières années de ma vie en commençant par l'épisode récent avec Nathaniel et en remontant chronologiquement jusqu'au premier élément déclencheur : mon père.
Priya resta silencieuse face à toutes ces révélations. Elle avait les réponses aux questions qu'elle se posait elle aussi sur mon départ et ma rupture complète avec mes amis du lycée.

— Et maintenant, comment va-t-il ? demanda-t-elle en faisant référence à mon père.
— Mieux. Il a repris une activité à mi-temps et ma mère a trouvé un travail moins exigeant, qui lui convient mieux. Ils restent là-bas, mon père fait encore des demi-journées de rééducation et ils n'envisagent pas de revenir ici pour le moment.

Priya prit le temps d'assimiler les informations et de se synthétiser ses pensées.

— À ta place, je n'aurais peut-être pas repoussé Nathaniel, commença-t-elle. Tu cherchais peut-être à le protéger mais il aurait pu t'aider. D'un autre côté, tu as fait ce qu'il fallait pour ta famille et une relation, surtout à distance, ça prend du temps et de l'énergie à gérer et peut-être que, malgré tous les efforts que vous auriez faits, ça n'aurait pas marcher.

Je hochai la tête, les larmes franchissent mes paupières. Les mots de l'étudiante me firent du bien. C'était ce que j'avais besoin d'entendre mais je ne n'avais jamais entendu parce que je n'en avais jamais parlé auparavant. Le prénom de « Nathaniel » était devenu tabou, même avec mes parents.

— Je pense que ça ne sert à rien de s'apitoyer sur le passé, on ne peut rien y changer, reprit-elle. Concentre-toi sur ton avenir. Et si Nath' t'en veux pour ça, il ne peut pas te reprocher les mauvais choix qu'il a faits...

Je continuai d'asquieca. C'était plus facile d'échanger avec Priya qu'avec Rosalya qui restait butée dès qu'on abordait le sujet de mon ex-petit-ami.

— Tu es sûre que ça va aller ?
— Oui, je te remercie de m'avoir écoutée et de ne pas me juger maintenant que tu connais la vérité.
— On est amie Milla et même si on a coupé les ponts à une période, je retrouve la lycéenne que j'appréciais. Tu veux toujours tout faire à la perfection et tu ne veux pas que l'on t'aide. C'est ce que j'aime chez toi et ce que je déteste aussi.

Cette vérité absolue me fit sourire et Priya me prit dans ses bras. Son étreinte me redonna toute l'énergie dont la dispute avec Nathaniel m'avait privée.
L'instant suivant, mon téléphone vibra sur un message de Rosalya. Elle me proposait d'aller venir boire un verre chez elle, jeudi soir. Il en était hors de question, de même que de lui répondre sous le coup de la colère. Sa tendance Conseillère Matrimoniale et son côté Miss Potin étaient des facettes de sa personnalité que j'appréciais le moins, surtout que cette fois, cela me concernait personnellement. Je lui avais expressément demandé que personne ne soit au courant.

Elle n'avait pas d'excuse et d'un geste d'indifférence, j'abandonnai mon téléphone au fond de mon sac.

[Terminé][Amour Sucré][Nathaniel]TraumaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant