Chapitre Cinq - Le Concert

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La semaine du concert était arrivée et avec elle, Rosalya qui insistait pour me faire faire le tour de la boutique de Leigh et me forcer délicatement la main à étayer ma garde-robe. Il était donc impossible de me défiler et je me rendis dans la boutique à 14 heures le mercredi précédent le concert, entre un cours et mon travail au café. Je n'avais même pas eu le temps de manger quelque chose.

C'était la première fois en trois ans que je retrouvais son petit-ami, toujours aussi ténébreux et élégant que dans mon souvenir. Et son magasin était à son image, distingué, inspirant confiance et douceur. Il y avait un espace pour les femmes et un espace à présent, pour les hommes, le tout était deux fois plus grand que l'ancien magasin.

— Milla, je suis très heureux de te revoir, me salua-t-il avec son allure distinguée et avenante.
— Moi aussi, répondis-je en l'enlaçant. Tu as un très beau magasin, je te félicite.
— Je te remercie.

Rosalya à ses côtés, s'impatientait de m'emmener en cabine et de jouer à la poupée avec moi, à m'habiller de tenues qu'elle avait sélectionnées. Face à l'enthousiasme de sa compagne, Leigh ne batailla pas.

Après quarante minutes d'essayage intensif, j'optai pour un premier article : une robe noire, sobre mais élégante qui pouvait aussi bien aller avec un blazer et des escarpins qu'avec un perfecto et des bottines. Je pris également un pull en laine confortable et aux jolies finitions et une paire de bottines à talons.

— Est-ce que Leigh nous accompagne pour le concert samedi ? questionnai-je alors que je me rhabillai.
— J'aurais aimé, mais il travaille trop. On ne sort plus beaucoup en réalité. Le soir, il est fatigué et le week-end, il préfère se reposer et rester à la maison et dès qu'il a un peu de temps, il le passe ici à faire les comptes, l'inventaire ou à sélectionner ses prochaines collections.
— Vous avez des problèmes ? compris-je en faisant dépasser ma tête par le rideau de la cabine.
— Je ne sais pas...

Rosalya ne semblait pas réellement triste mais je pouvais voir à son expression que la question la tracassait. Je finis de récupérer mon sac et sortis pour lui faire face.

— Ce n'est pas la première fois que ça se produit, tu connais la solution à ce petit problème passager.
— Tu as raison, avoua Rosalya.
— Leigh t'aime comme un fou, ça c'est une certitude.
— Moi aussi je l'aime. Il est mon premier et unique grand amour, ajouta-t-elle.

Elle m'adressa un sourire touchant et prit les vêtements qu'elle embarqua vers la caisse. De mon côté, je jalousai mon amie d'avoir réussi à faire passé son couple avant tout le reste. Son premier et unique grand amour...

Au comptoir, Leigh encaissa mes achats et je profitai d'une petite remise que mon porte-monnaie apprécia grandement. Soudainement, le visage de Lysandre m'apparut et je questionnai son aîné le concernant.

— Lysandre voyage beaucoup, il écrit des livres de poésies sur les destinations qu'il visite à travers le monde.
— Wouah, il a de la chance...
— Il est au Népal en ce moment, il sera content de savoir que tu vas bien.

Je hochai la tête et partis rapidement en voyant l'heure défiler. Je devais me rendre au Cosy Bear Café au plus vite, avant de me prendre une remarque de la part de Clémence.

**

Le jour du concert était arrivé, et j'étais éreintée, loin d'avoir envie de sortir mais l'idée de revoir Castiel, même un instant me fit chaud au coeur. Lui aussi serait-il content de me revoir ? Alors que je comatai un peu sur mon lit, Yeleen entra en furie dans notre chambre et s'enferma durant une heure dans la salle de bain avant d'en sortir entourée de sa serviette. Elle préparait déjà depuis deux jours sa tenue pour assister au concert : une jupe en cuir noir sur une pair de collants, et une veste bleu électrique qui mettait en valeur son teint. La jeune femme avait opté pour une coiffure qui relevait sa lourde chevelure et des boucles d'oreille en or assez imposantes.
Je savais qu'elle se rendait plus tôt à la salle avec son fanclub pour aider à la préparation et à l'organisation du concert. Espérait-elle croiser castiel ? J'eus un sourire amusé qui n'échappa pas à ma colocataire.

— Quoi ? questionna-t-elle d'un ton presque agressif.
— Non, rien. Je trouve que ta tenue est jolie.
— Oh... merci.

Toute décontenancée par ma remarque, elle quitta la chambre sans me saluer.
Je flanai un peu avant de me préparer, je n'avais pas autant de cinéma à faire que Yeleen et je ne cherchai à impressionner personne ce soir. Est-ce que Nathaniel serait présent lui aussi, comme toute la fac et une bonne partie de la ville ?

En plus d'Alexy et de Morgan, j'avais invité Chani à nous rejoindre et Hyun s'était laissé convaincre par le couple qui vivait presque avec lui. Rosalya était déjà au parc, lieu où nous nous étions donnés rendez-vous avant de nous rendre au Snake Room. Après les salutations et présentations d'usage, le groupe se dirigea vers l'autre côté de la rue où une foule compacte d'étudiants et de mélomanes métalleux s'était amassée. Voir autant de monde, l'excitation qui s'en dégageait... J'oubliai ma fatigue et me laissai porter par l'enthousiaste. J'avais l'impression presque de revivre et toute cette énergie me comblait. Nous fûmes accostés par Ambre qui était aussi présente avec un duos de copines de son école de stylisme et Rosalya admira à toutes les deux, leurs chaussures.

— Castiel sait que tu es revenue ? me glissa Ambre à l'oreille.
— Je suppose qu'il l'apprendra ce soir, plaisantai-je.

La jeune femme ricana et mon regard fut attiré par une autre masse de cheveux blonds un peu à l'écart de la foule estudiantine qui patientait. Nathaniel avait le dos tourné, mais c'était bien lui avec sa grosse veste verte et son pantalon blanc. De plus, je pouvais reconnaître son profil parfait, mise à part cette cicatrice qui entamait le coin de sa lèvre.

— Ton frère est là... remarquai-je dans un murmure.

Ambre se tourna à son tour pour chercher et trouver des yeux son jumeau mais son regard s'assombrit.

— Mais il n'est pas seul... constata-t-elle.

Mon attention s'attarda sur l'homme qui l'accompagnait. Il était plus petit, beaucoup moins attirant avec une grosse tête, des cheveux courts et une trogne que même sa mère ne devait pas apprécier admirer. Ils étaient avec deux autres personnes, en rond, la tête baissée, ils discutaient. Comme si la conversation était terminée, deux poignées de main furent échangées entre le pote de Nathaniel et un des autres types. Son copain fila ce que je devinai être une liasse de billets roulés que mon ex glissa rapidement dans sa poche.
J'assistai à la scène incrédule, les sourcils froncés, sans être bien sûre de savoir à quoi je venais d'assister ou plutôt, pas bien sûre de vouloir savoir à quoi j'assistais.
Puis le regard de Nathaniel, aux aguets, balaya la foule et s'arrêta, interdit sur moi. Il se renfrogna et je vis son regard s'assombrir. D'une tappe contre l'épaule de son binôme, ils quittèrent les alentours du club.

— I-ils trafiquent ? articulai-je incrédule.

Le visage de Ambre s'attrista, suggérant que mon hypothèse était bonne mais qu'elle préférait ignorer les activités de son frère. Or moi, j'avais assisté à quelque chose d'ahurissant.

— C'est sérieux ? Nathaniel deale ?
— Milla, oublie-le tu veux ! monta Ambre d'un ton. C'est mon frère et je ne suis pas d'accord avec ce qu'il fait, mais on a tellement eu du mal à renouer que je ferme les yeux sur ce qu'il fait et ça fonctionne bien comme ça !
— Milla ! Les portes ouvrent ! Vite !

Je n'ai que le temps de jeter un regard indéchiffrable à Ambre que Rosalya me tira par la main. La foule s'était amassée à l'entrée des portes et il est inévitable de perdre quelques orteils et de prendre quelques coups dans les côtes pour pouvoir entrer.
A l'intérieur, le bar est plongé dans la semi-obscurité et une demi-heure avant le début du concert, tous les instruments rock étaient sagement installés sur la scène, les enceintes prêtes à déverser le son et le micro attendait celui qui de ses lèvres, allait l'effleurer.

— Vite, trouvons un table ! s'empressa Alexy qui semblait avoir la tête de notre groupe.

Hyun, aidé de Morgan, alla récupérer les boissons pour tout le monde tandis que Rosalya restait à l'affût en espérant croiser Castiel parmi la foule avant le concert.

— Je lui avais pourtant dis qu'il y avait une surprise ce soir, râla-t-elle. Il est devenu si snob !
— Il l'a toujours été, remarqua Alexy. Monsieur a pris la grosse tête.

La salle se remplit au point qu'il était difficile de circuler et j'avais déjà envie de faire pipi avant le concert. La chose était impossible, je ne pouvais faire aucun mouvement à part tourner sur moi-même et pencher ma tête vers la paille de mon verre.
Soudainement, la scène jusqu'alors éclairée tomba dans le noir et les excalamations dans la salle redoublèrent. Tous sentaient que le concert était sur le point de commencer. Les spectateurs patientèrent de longues minutes, pour faire monter l'excitation et finalement, un rif électrique résonna dans la salle, faisant hurler les convives.

— Vous êtes chauds ce soir ?!

C'était la voix de Castiel, même dans le noir et même après trois ans, j'aurais pu la reconnaître avec des boules Quies dans les oreilles. Je pouvais l'imaginer avec son éternel rictus moqueur et ses mains moites posées sur sa basse. Les premières notes retentirent avant que la lumière ne jaillisse des projecteurs, nous éblouissant. Après m'être accommodée, je pus enfin voir Castiel. Il avait toujours cette couleur rouge improbable sur sa tête mais ses cheveux étaient plus longs. Il arborait un style rock et recherché avec un t-shirt noir à tête de mort et un jean troué aux genoux, des chaines et des Doc Martins. Le changement notable était les tatouages qui recouvraient ses bras découverts. Autre chose me marqua, son assurance. Il était loin le Castiel lycéen, chanteur de son premier mini-concert à Amoris. Il avait le sourire, il maîtrisait sa voix, son instrument, il communiquait silencieusement avec les autres musiciens du groupe et la foule en adoration devant lui.
La musique explosait, et il ambiançait la salle et rapidement, je fus emportée par la ferveur ambiante, la voix de Castiel, sa musique et l'harmonie de tout cela.

Le regard du chanteur se posa sur moi mais il resta impassible et continua de s'offrir entièrement à son public sans laisser paraître son trouble, si cela était le cas. Au moins, il savait que j'étais là, que j'étais heureuse d'être là. Est-ce que cela me donnerait un passe droit à la célébrité de la soirée ?

Après près d'une heure intense, le concert prit fin sur une ovation furieuse du public en trans devant Crowstorm. Même une fois la prestation achevée, j'en avais encore plein la tête, plein les yeux et plein le coeur.

— Alors, tu as aimé ? questionna Alexy à mon oreille.
— C'était génial ! Je suis impressionnée !
— Je meurs de chaud ! s'exclama Rosalya. On sort ?
— Allez y, je vous rejoins, les invitai-je. Je dois me rendre aux toilettes ! Je ne tiens plus !

Hyun, Chani, Rosalya et le couple Alexy et Morgan suivirent la foule vers l'extérieur. La température avait littéralement creuvé les plafonds et je retirai ma veste vu que je pouvais à présent bouger mes bras !
Il y avait une queue incroyablement longue devant les toilettes et je compris que c'était le même chemin qui menait au backstage et qu'un attroupement de groupies attendait d'apercevoir Castiel et les autres membres du groupe.
Un peu devant moi dans le couloir, il y avait Yeleen qui discutait avec l'une de ses amies. Nos regards se croisèrent mais elle m'ignora, comme à son habitude. J'espèrais qu'elle ressentait une once voire plutôt une vague de jalousie depuis que je lui avais avoué connaître personnellement Castiel.
La porte de la loge s'ouvrit sur les membres du groupe et en dernier lieu en sortit le chanteur vedette et toutes les personnes présentes, des femmes principalement, en furent toutee au bord du malaise.
Castiel se dirigea vers moi et m'accosta, alors que je ne m'attendais pas à un accueil particulier, surtout vu la tête qu'il faisait.

— Tu me suis s'teu plaît...

Ce n'était pas vraiment une invitation polie et, embarrassée des regards noirs qui me poursuivaient, je rejoignis Castiel dans la loge qu'il avait refermée derrière lui.

— Je savais pas que tu étais de retour en ville, commença le chanteur.
— Oui, ça fait seulement trois ou quatre semaines, je...
— Et tu n'as pas eu l'idée de m'envoyer un message ou bien tu as perdu mon numéro depuis toutes ces années ?

Je tombai des nues, naïvement. Moi qui m'attendait à un accueil un peu plus chaleureux, je m'étais largement trompée. En même temps, sa colère était légitime. Lui aussi avait tenté de renouer le contact plusieurs fois en m'envoyant des messages pendant les deux premières années de licence mais je n'y avais pas répondu comme pour les autres.

— Je suis désolée Castiel, je savais pas que...
— J'en reviens pas que tu agisses comme si de rien était. Tu nous considères comme de la merde, on ne compte pas pour toi ?!
— Non, mais tu sais c'était...
— Cherche pas à te justifier, t'as pas d'excuse.

Je serrai les dents pour m'empêcher de pleurer. Depuis mon retour, je n'avais pas reçu de reproches aussi violents. Ils étaient justifiées et je pensais les entendre de la part de tous, sauf de Castiel. Il n'était pas du genre à s'énerver pour rien, tout glissait sur lui comme de l'eau sur une plume. Hors là, j'étais prise au dépourvu.
Je ne pus le regarder dans les yeux et préfèrai quitter les loges, en laissant ouverte la porte derrière moi pour que les fans qui s'y faufilèrent avant qu'il n'ait pu refermer. Je n'avais plus envie de passer au toilettes, ni même de parler avec des gens. Je voulais juste sortir de là, oublier cette soirée et tout ce qui avait pu conduire à la dispute avec Castiel.
Dans la salle, il n'y avait plus que les groupies et ceux qui attendaient désespérément pour un cabinet libre.
A l'extérieur, je retrouvai la foule qui s'était dispersée. Beaucoup de gens avaient un verre à la main qu'ils dégustaient plus au frais. Assis sur les trottoirs, certains fumaient entre amis. C'était une ambiance très décontractée mais je ne vis personne de mon groupe.
Je sortis mon téléphone et vis que Rosalya m'avait envoyé un message.

« Désolée, Morgan a attrapé mal à la tête. On est rentré direct. On s'appelle demain, promis ♥ Bisous »

Je soupirai alors que je me retrouvais seule et après le recadrage de Castiel, j'avais envie de pleurer. Toutes les personnes autour de moi semblaient beaucoup trop heureuses.

— Milla, ça va ?

C'était Chani qui était restée pour m'attendre, malgré le départ des autres. La voir me réchauffa le coeur et mon mal-être diminua substantiellement.

— Tu as reçu le message de Rosalya pour Mogan ?
— Oui, je te remercie de m'avoir attendu.
— Tu es sûre que ça va ? s'enquit-elle à nouveau.
— Je suis simplement fatiguée, éludai-je. J'ai hâte de retrouver mon lit.
— Je suis d'accord avec toi !

Sur la route du campus, j'avançai d'une démarche automatique et même Chani, toujours vive semblait dans le même état de trans que moi. Nous étions deux étudiantes fatiguées.
Mon humeur, largement entamée par la soirée s'assombrit encore davantage lorsque je vis Nathaniel dans un coin du parc. Il était accompagné par le même camarade et d'autres individus que je devinais être des clients. Son regard doré croisa le mien et alors que mon mal-être s'était légèrement adouci par la présence de mon amie, il s'effondra totalement.

[Terminé][Amour Sucré][Nathaniel]TraumaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant