Flash-Back Deux - Milla - Nouvelle Crise - Décembre 2017

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Premier soir des vacances de Noël, je ne pensais pas être aussi soulagée par l'entente de ce simple mot "vacances"

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Premier soir des vacances de Noël, je ne pensais pas être aussi soulagée par l'entente de ce simple mot "vacances". Ce n'était même plus une envie d'adolescente comme au lycée : deux semaines à voir les copines et à faire des DM de math. C'était plus encore.
A la fac, c'était à la fois la fin d'un semestre harassant mais aussi une période de transition qui se marquait par les partiels. Je m'étais fixée un programme strict à base de bourrage de crâne, de deux soirées de travail comme serveuse pour un traiteur et une semaine entière prévue chez Nathaniel. Heureusement que j'étais bien avancée dans mes révisions, mes fiches et le travail en général mais j'avais absolument besoin de voir mon petit-ami. C'était lui ma bulle d'air, mon soleil, ma survie. Si je ne l'avais pas au téléphone tous les soirs, ma journée du lendemain était gâchée. J'avais autant besoin qu'envie de lui et de tout ce que ça impliquait : ne pas penser à la licence, ne pas avoir ma mère sur le dos, socialiser aussi parce à part Nathaniel mais aussi Rosalya, Alexy et Priya et les autres, je ne m'étais pas faite d'amis à la faculté de Beaulieu-la-Vallée.

Dans le bus qui me ramenait à la ville voisine où nous vivions, je gardais un sourire heureux à l'idée de rejoindre Saint-Amour la semaine suivante. Je descendis à l'arrêt "Stade" et marchai encore un peu pour rejoindre la petite maison que nous louions, un peu rustique mais confortable. Dans le salon, je perçus immédiatement les sanglots de ma mère.

Ce n'était pas la première fois que je la surprenais en pleurs mais généralement, c'était plutôt le soir en se couchant ou au milieu de la nuit, lorsqu'elle faisait une crise d'angoisse. Dans ces cas-là, je venais alors la rejoindre pour la réconforter et prendre la place vacante de mon père. En entrant rapidement dans le salon je la vis, son portable à la main et un mouchoir dans l'autre. Son visage qui pouvait être si éclatant, si lumineux avait vieilli de dix ans en seulement six mois.

— Maman, qu'est-ce qui se passe ?
— C'est ton père... Il a fait une crise cardiaque... avoua-t-elle entre deux reniflements.
— Quoi ?

Je faillis sur le fauteuil à côté alors que mes jambes faiblissaient et que mon cerveau intégrait l'idée.

— Il est transféré en réanimation et il doit être opéré rapidement.

Je lâchai un soupir de soulagement en demi-teinte. Il n'était pas mort. Ma mère m'expliqua alors que les urgentistes avaient mis du temps à le réanimer et l'avaient placé dans un coma artificiel pendant 24 heures, le temps que son corps récupère.

— Il faut absolument aller le voir !

La Longueville possédait un grand Centre Hospitalier avec un service de rééducation pour des patients cérébro-lésés et c'était là que mon père passait ses journées depuis cinq mois où tout avait basculé.

**

La soirée d'anniversaire de Rosalya s'était déroulée fin juillet de cette année de Terminale. Nous étions d'insouciants jeunes bachelors, amoureux pour beaucoup et futurs étudiants à Antéros. Mais un appel de ma mère avait gâché cette vie idyllique dans laquelle je me projetais à merveille. Ce soir-là, mon père avait fait un AVC.
Transféré en urgence à l'hôpital de Saint-Amour, il avait de lourdes séquelles motrices, sensorielles et cognitives et les médecins avaient alors proposé plusieurs centre de réadaptation fonctionnelle dont un qui se situait à La Longueville, où vivait ma tente, à plus de cinq heures de route.

Au beau milieu des vacances d'été, j'avais faire croire à mes amis et à mon amoureux que nous partions quelques jours chez ma tante mais le séjour, qui ne devait durer que deux semaines finit par se rallonger. Ma mère avait alors décidé de déménager près du Centre et d'y vivre le temps que mon père se remette. Ces courtes "vacances" furent ponctuées par la recherche d'une location, d'une fac, d'un boulot pour elle et des visites auprès de mon père qui se remettait doucement.
Seuls Rosalya et Alexy avaient été mis au courant et avaient juré de n'en parler à personne et surtout pas à Nathaniel. Je refusais qu'il s'inquiète ou prenne des décisions excessives pour moi, pour nous. Je voulais aussi prouver que je pouvais gérer ma famille et nos problèmes. Cela permettrait de faire comme si de rien était lorsque j'étais avec lui, ne pas penser à l'état de santé de mon père ou à ma mère, fragile qui avait craqué psychologique une fois retrouvée seule.


**

Les vingt-quatre heures depuis cette nouvelle crise cardiaque étaient passées et mon père s'était réveillé sans séquelle supplémentaire du premier incident de juillet mais le cardiologue ne lui laissait plus le choix de reporter l'opération que mon père avait refusé après son AVC. Il avait plusieurs artères bouchées, son cœur était en mauvais état et son hygiène de vie qui tournait exclusivement autour de son travail, avaient eu raison eu lui.

Dans la chambre, mon père était allongé, grand échalas amaigri dans un lit à peine assez grand. Je ne m'habituerai jamais de le voir dans cet état. Ses cheveux étaient de plus en plus gris sur une barbe négligée et un visage creusé. Son bras gauche invalide depuis son AVC, gisait sur le draps, inerte. Sa jambe gauche, paralysée aussi, avait retrouvé une partie de sa force et sa mobilité mais elle avait encore besoin de travail pour parvenir à son état fonctionnel, loin de ce que c'était auparavant.

— Lucia chérie, est-ce que tu pourrais aller demander un oreiller supplémentaire s'il te plaît ?
— Bien sûr, tout de suite !
— Merci.

Ma mère quitta la chambre, me laissant avec mon père et je savais que ce n'était qu'une stratégie pour qu'on se retrouve seuls lui et moi, pour aborder des sujets que ma mère n'était pas en mesure de supporter.

— Milla, je suis désolé de t'imposer tout ça...
— Arrête, c'est pas ta faute, le coupai-je, déjà très émue.
— C'est important que tu saches que tout est prêt s'il venait à m'arriver quelque chose, si j'y reste durant l'opération.
— Papa, ne dis pas ça...

Ma voix se brisa et je voyais bien que mon père aussi pleurait.

— Le notaire a mon testament, les funérailles sont aussi payées en partie, lâcha-t-il ensuite.
— Mais tu vas t'en sortir, reniflai-je.
— Milla, j'ai tellement peur de mourir, si tu savais !

Il serra ma main dans la sienne, sanglota en me tirant à lui pour m'enlacer avec force et désespoir.

— Je t'aime tu sais, toi et ta mère, vous être les meilleures choses qui me soient arrivées et je suis désolé de ne pas être le père et le mari qui vous méritez...

Son corps était secoué de hoquets, je pleurais contre lui à chaudes larmes, terrorisée à l'idée qu'il ait raison.

— Je t'aime papa, ça va aller...

**

L'opération ne dura que quelques heures mais ce fut les heures les plus longues de ma vie. Toutefois, tout se déroula pour le mieux, le chirurgien était satisfait du résultat et le pronostic de mon père s'améliorait. Je n'avais pas dormi depuis les deux jours à la suite de sa crise cardiaque mais j'entrai souriante dans la chambre. Mon père avait déjà meilleure mine, l'espoir pouvait vraiment faire des miracles.

— Eh salut, ma belle, ça va ?
— C'est à toi qu'il faut demander ça ! C'est pas moi qui ait subi une lourde intervention ! ricanai-je.
— Oh tu sais, je suis juste resté allongé sur la table et en plus je dormais ! J'ai pas été très utile.

J'eus un sourire en réponse au sien. Son discours désespéré avait disparu au profit de son humour habituel, signe qu'il en était en voie de guérison.

— Je suis fier de toi tu sais, tout ce que tu dois gérer toute seule.
— Je ne suis pas seule, il y a Maman.
— Je sais que ta mère n'est pas facile, elle a du mal à gérer le stress, je la connais depuis 27 ans.
— Ça va aller t'inquiète...
— Je suis désolé de vous faire subir tout ça, répéta-t-il encore.

Son regard devint triste à nouveau à tomba sur son bras gauche impotent.

— Tu as travaillé tout seul pendant plus de plus de 20 ans pour nous nourrir, nous loger, nous habiller, argumentai-je. Tu as tenu la maison presque tout seul et regarde où ça t'a mené. Maintenant, c'est à notre tour de te rendre la pareille. Maman travaille à mi-temps, je travaille un peu à côté et j'ai l'argent de ma bourse au cas où, énumérai-je, alors rassure-toi.
— Et tu ne devais pas aller voir Nathaniel la semaine prochaine, tu y vas toujours, hein ?
— Non, j'ai annulé, vous avez besoin de moi Maman et toi. Je reste. Et puis c'est Noël, c'est pour être en famille.

Je retenai l'émotion dans ma voix. Ne pas voir Nathaniel était aussi difficile que de savoir que mon père avait échappé à la mort. Je ne l'avais pas appelé, de peur de craqué mais le son de sa voix me manquait autant que ses lèvres et son étreinte. Mon coeur était comme en hypothermie. Je chassai Nathaniel de mes pensées contre mon gré.

— Oh Milla, je suis vraiment désolé. Mais Nath est un bon garçon, tu as besoin de lui.
— J'ai besoin que tu ailles mieux alors ne pense qu'à toi pour l'instant, OK ?

Il hocha la tête qu'il reposa ensuite sur l'oreiller signe qu'il avait besoin de repos. Je lui promis de passer demain et tous les jours des vacances avant de quitter la chambre.

Dans le bureau du cardiologue, ma mère s'entretenait avec le médecin et elle m'interpella alors que la porte était ouverte.

— Oh Milla, le docteur dit que Papa pourrait sortir dans quelques jours pour Noël, tu te rends compte, c'est génial ! s'exclama Lucia d'un air trop joyeux.
— En réalité, ce n'est qu'une permission de quelques heures pour le midi, et seulement s'il est en mesure de bouger, atténua le médecin.
— Mais je suis sûre que ça va aller maintenant qu'il s'est fait opérer. Et quand est-ce qu'il reprendra le travail ? On pourrait même retourner à Saint-Amour pour les prochaines vacances.
— Mme Armand, on n'y est pas encore...

Le cardiologue de quarante-cinq ans aux lunettes rondes m'adressa un regard navré, accompagné d'un mouvement de tête de gauche à droite. Je lui renvoyai la même expression d'impuissance face au déni de ma mère. Croyait-t-elle vraiment que tout était fini ? Elle se voilait la face.

— Maman, ce n'est que le début, papa doit continuer sa rééducation, tu sais que ça prendra du temps.
— Mais oui, je sais, mais ça va aller, il est fort !
— Il est fatigué, il doit penser à lui, conseilla le médecin.
— Et nous, on doit continuer à se prendre en main.

Le sourire de ma mère persistait mais son regard se perdit dans la contemplation d'un mur avant de s'humidifier. Des larmes roulèrent sur ses joues et je la pris dans mes bras et la serrait avec force.

— Ça va aller, je suis là...

On se mit à sangloter toutes les deux, elle de peur et moi de tristesse. C'est à ce moment-là que je pris la décision de rompre avec Nathaniel. Mes parents avaient besoin de moi et j'étais prête à tout sacrifier pour eux. Je ne le faisais pas pour moi mais pour eux, pour mon père qui avait passé sa vie à subvenir à nos besoins, pour ma mère adorable mais trop fragile pour traverser cette tempête seule. Et d'un autre côté, mon petit-ami n'allait pas attendre que je sois disponible pour avancer. Je ne voulais pas le faire patienter indéfiniment et qu'il se prive d'être heureux. Et puis il pouvait trouver tellement mieux sans devoir s'attarder sur moi et mes soucis de famille. Alors tout ne se ferait pas du jour au lendemain, mais il fallait que ça se termine. Je pleurai aussi et surtout pour ça...

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