Chapitre Vingt et Un - Quand tout bascule

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Nathaniel avait choisi des vêtements qu'il avait rangés dans un sac de voyage. Il avait vidé son frigo, tiré du cash pour un moment, fait le plein d'essence de sa voiture et mis de l'ordre dans ses affaires. Tout était parfaitement organisé pour sa disparition des radars durant plusieurs semaines. Quand le réseau tombera, par sa faute, il valait mieux se faire tout petit. Ambre était partie en voyage pendant au moins un mois, payé par son agence pour des shootings d'été dans les caraïbes et Nathaniel lui avait laissé une note supplémentaire à son retour si sa cavale devait durer s'éterniser.

Il ne lui restait qu'un coup de fil à passer. .

— Salut Castiel. Je voulais te remercie pour la dernière fois...

En repensant à sa dernière entrevue avec Chris, à laquelle le chanteur de Crowstorm avait participée, l'ex-Argonaute baissa son regard sur ses doigts encore meurtris.

— Tu m'appelles juste pour ça ? La prochaine fois, envoie moi des chocolats au studio...

Nathaniel eut un sourire amusé face à l'humour cynique de son ancien camarade de lycée.

— Nan, je voulais aussi te prévenir que je vais disparaître pendant un moment. J'ai donné rendez-vous à un flic que je connais. Je le vois demain pour tout balancer et après, je me ferais discret.
— Ok, c'est cool.
— Est-ce que... tu pourras prendre soin de Milla pendant que je ne serais pas là. Je sais que je peux avoir confiance en toi.

Castiel mit une seconde avant de répondre, sûrement réfléchissait-il à cette responsabilité supplémentaire.

— Ouais, tu peux compter sur moi.
— Merci.

Nathanel raccrocha. Il savait que Castiel tenait à Milla, sans pour autant avoir des vues sur elle. Il avait d'envie d'appeler directement la jeune femme mais pour son bien à elle et éviter de raviver une douleur à peine atténuée, il devait garder ses distances. Une fois que tout sera réglé, d'ici deux à trois mois, il pourra alors revenir sereinement et reprendre leur histoire là où ils avaient dû l'abandonner... En espérant qu'elle lui pardonne.

Finalement, c'était le déclic dont il avait eu besoin pour agir. Sinon, il n'aurait peut-être jamais eu le courage de dénoncer les Argonautes. En agissant ainsi, Jason, de la main de Chris, avait indirectement fait tomber toute l'organisation.

A présent, il ne lui manquait plus que son carnet où il avait récolté toutes les informations qu'il avait glanées durant les deux premières années au sein des Argonautes. Suite à son agression avec d'anciens membres des Horses, il n'avait plus rien noté dedans. Après tout, lui aussi était devenu un criminel. Il devait aller le chercher juste avant de rencontrer le lieutenant Grégoire Thomas...

L'ex-Argonaute sortit pour aller faire quelques courses avant son départ. Il avait prévu de rouler de campings en campings avec une tente et un sac de couchage, à l'ancienne, laisser moins de traces possibles, payer en liquide, se contenter du minimum. Il avait aussi besoin de marcher, il tournait en rond dans son appartement en attendant avec impatience sa rencontre avec le flic. Il pensait bien que Thomas pouvait l'aider. Il lui avait déjà tendu une perche, qu'il n'avait pas saisi à l'époque, mais il ne ferait plus deux fois la même erreur. Ça n'avait été qu'une question de semaines, et Milla. Grâce à elle, il avait une chance de s'en sortit ou le risque de la perdre mais l'amour qu'elle lui apporté était une force sur laquelle s'appuyer pour échapper aux Argonautes.

Tout au long de sa sortie, Nathaniel regarda constamment au dessus de son épaules. Lorsqu'il quitta son immeuble, lorsqu'il entra dans la supérette. Il y avait un monde fou qui le fit patienter pour simplement quelques bricoles mais enfin, il sortit de là vingt minutes après y être entré. Lorsqu'il s'approcha de son immeuble, il sentit une certaine tension dans la rue mais il ne reconnut aucun visage familier parmi les badaux. Il pénétra dans le bâtiment et se dirigea vers le couloir qui menait à son appartement. À l'approche de la porte, il remarqua que celle-ci était entrouverte. Nathaniel se retourna et scruta le couloir vide puis, certain d'être seul, il s'approcha de la porte qu'il poussa lentement de son pied. Son regard concentré tomba sur un corps dans son lit, allongé sur le dos, les bras en croix, inerte, un couteau planté dans la poitrine et jusqu'à la garde. Chris était mort là, au beau milieu de son appartement, ses yeux fixaient à présent le vide infini de la mort. Du sang avait coulé de la plaie, inondant les draps et coulant au sol.

Le coeur battant, l'ex-Argonaute posa ses courses au sol et referma précipitamment la porte derrière lui. Il s'approcha de Chris, effleura son cou et sentit le contact froid de sa peau. Il écrasa sa main devant sa bouche pour éviter de hurler ou de vomir. En détaillant son visage, il pouvait voir encore les hématomes de leur bagarre la semaine précédente et il sut qu'il allait être inculpé, en plus du fait évident que Chris était mort dans son appartement.
L'étudiant mit encore plusieurs minutes avant de pouvoir décrocher son regard du cadavre. Il devait agir, il devait fuir... Il était déjà prêt à fuir mais il devait le faire maintenant. Il dut se faire violence pour se concentrer. Il se tourna vers son sac de voyage et pensa à une phrase qu'avait dite Chris il y a plusieurs semaines... Comme quoi Jason voulait renouveller le staff des Argonautes. Nathaniel eut comme un déclic violent et son regard se tourna à nouveau vers son collègue. Jason avait, depuis le début, prévu de tuer Chris, peut-être parce qu'il était trop ambitieux, et il avait prévu de mettre ça sur le dos de Nathaniel, le futur traître. Tout ça, c'était calculé depuis longtemps, lorsqu'il s'en était pris à Milla, il avait anticipé la réaction de Nathaniel. Les pensées de l'ex-étudiant grossissaient comme un nuage orageux autour de cette hypothèse absurde mais tellement possible. Nathaniel porta son poing à sa bouche, ses dents serraient sa chair prête à la mordre devant l'abominable piège tendu depuis des semaines et duquel il pensait vainement pouvoir s'échapper... Mais comment Jason aurait-il appris que Nathaniel allait agir ? Est-ce qu'il avait senti quelque chose ?

Fébrile, presque malade, Nathaniel empoigna son sac, prit les clefs de sa voiture et quitta l'appartement. Il sortit dans la rue et vit sa polo garée tout prêt. Il devait mettre le plus de kilomètres possibles entre lui et Saint-Amour et le cadavre de Chris qui gisait dans son appartement. Sa seule valeur sûre était le carnet comme monnaie d'échange qui justifiait que Jason voulait le faire tomber...

Ça paraissait tellement énorme mais il voyait que ça. Nathaniel tendit la main pour déverrouiller sa voiture quand une voix autoritaire l'interpella.

— Nathaniel Demarey, arrêtez-vous s'il vous plait.

L'ex-Argonaute, le regard fou de panique se tourna lentement vers l'homme qui venait d'apparaître. Il était en uniforme de police et venait de sortir d'une voiture bleue banalisée. Une jeune femme, sa collègue, venait de sortir à son tour du véhicule. Le regard de l'ex-étudiant courut de gauche à droite, il hésita à fuir mais il se calma. Comment les flic pouvaient déjà être au courant de la mort de Chris alors que lui même l'avait découvert y'a dix minutes ?

— Qu'est-ce qui se passe ?
— Nous avons reçu un appel anonyme nous informant de bruits d'une bagarre à votre domicile.
— Le problème est réglé, mentit Nathaniel qui se sentait blêmir.
— Est-ce que c'est possible de vérifier par nous même ?

De l'autre côté de la rue, une seconde voiture de police venait de se garer de laquelle deux autres agents sortaient, leur radio grésillant à l'intérieur de l'habitacle. Des gouttes de sueur venaient d'apparaitre sur les temps de Nathaniel. La panique devait se lire sur son visage.

— Est-ce que tout va bien ? renchérit le flic qui lui faisait face.

Nathaniel ne répondit pas, il fixait les autres agents qui venaient de pénétrer dans l'immeuble. Est-ce qu'il avait fermé la porte à clef en partant ? Est-ce que le corps de Chris était étendu là, aux yeux de tous, comme un signe évident de culpabilité ? L'ex-Argonaute serra les dents, Jason avait tout prévu, un piège savamment élaboré. Puis l'homme face à lui eut un geste de recul et automatiquement, porta sa main droite à l'étui qui se trouvait à sa ceinture.

— Monsieur, est-ce que c'est du sang sur votre chaussure ?

Nathaniel baissa les yeux sur ses baskets blanches et gloussa nerveusement. C'était vraiment la merde.

— Mettez les mains sur le capot de la voiture, ordonna le flic en élevant la voix.

En s'excéutant, Nathaniel ne pensa qu'à une chose : et si Milla le croyait coupable de meurtre ?

**

— C'est bon, je peux éteindre les lumières de la salle ? me lança Hyun près des interrupteurs.
— Oui c'est bon.

Le Cosy Bear Café fut plongé dans le noir et je récupérai mes affaires, posées sur une table près de la porte. Mon collègue verrouilla le magasin, activa le code et à l'aide de la clé, je baissai le rideau métallique qui coulissait, bordant ainsi le café pour la nuit.

Nous étions au mois d'avril, les températures étaient plus agréables, les soirées rallongeaient et le ciel était coloré des derniers rayons orangés du soleil.

— Écoute, je ne vais pas rentrer avec toi, hésitai-je à annoncer à Hyun alors qu'il se mettait en route.
— Quoi ? Mais j'ai pour mission de te raccompagner tous les soirs jusqu'au campus.

Cela avait été une idée d'Alexy qui angoissait à l'idée que je me retrouve seule à traverser la ruelle dans laquelle j'avais été agressée une quinzaine de jours plus toô.

— Si j'avais du avoir à nouveau de la visite, ils seraient déjà revenu me voir.
— Laisse moi t'accompagner, insista Hyun d'une petite voix suppliante.
— Alexy n'aimerait pas l'endroit où je me rends...
— Tu vas aller le voir ?

Mon collègue me renvoya un regard impuissant. Oui, j'vais besoin de voir NAthaniel, même si on ne se parlait, même si je ne pouvais pas le toucher ou l'embrasser. J'avais juste besoin de le voir, lui montrer que je ne l'oubliais pas, que je l'aimais encore même si nous devions être séparés pour un temps.

— Bon, je te couvre mais dans une heure, je viens dans ta chambre pour vérifier que tu es bien rentrée. Sinon j'ameute toute la résidence, menaça Hyun.

J'eus un sourire amusé et en signe de remerciant, je l'affublai d'un baiser sur la joue.

— À toute à l'heure alors, lui lançai-je avec un signe de la main.

Je marchai jusqu'à l'immeuble de Nathaniel où plusieurs voitures étaient garées, les gyrophares allumés. Le périmètre avait été bouclé par des policiers en uniforme et des badaux s'étaient regroupés derrière une barrière qui limitait l'accès. L'immeuble de Nathaniel grouillait d'individus l'air grave, rédigeant des rapports et parlant dans les radios.

— Apparemment, ils auraient retrouvé un type mort dans un des appartements ! révéla un homme en peignoire
— Sérieux ? C'est fou, je n'aurais jamais cru ça ici... répondit une autre voisine de la rue.

Ce que je venais d'entendre tordit mon coeur d'angoisse et les souvenirs de mon agression vinrent perturber mon raisonnement. Nathaniel avait été tué par les Argonautes, la coincidence était trop grosse... Il ne pouvait être que l'ultime victime de cette histoire. Au même moment, un brancard sortit par la porte principale, poussé par deux hommes en combinaison blanche. Dessus, une housse en plastique noire renfermée une forme aux proportions humaines, mort.

— E-excusez moi, je connais quelqu'un qui vit dans cet immeuble... Vous pouvez me dire ce qui s'est passé ? question-je le premier agent venu, la voix tremblante de mes derniers espoirs.
— On a reçu un appel anonyme pour une bagarre au quatrième étage.

L'étage de Nathaniel, mes yeux déjà s'inondaient de larmes et j'imaginais mon amant sous la bâche, sans vie.

— On a trouvé un corps mais on a déjà arrêté le type qui a fait ça...

Il tourna la tête vers une voiture un peu à l'écart. J'étais prête à voir le visage ingrat de Chris mais mon coeur bondit à la fois de joie et de terreur en apercevant le regard doré désespéré de Nathaniel.

— Non, c'est pas possible, soufflai-je tout bas.
— La victime a été trouvée dans son appartement, il avait du sang sur ses chaussures. On l'a attrapé au moment où il allait s'enfuir.
— Est-ce que je peux aller lui parler ? S'il vous plait.
— Non mademoiselle, faudra voir quand il sera au commissariat.

Au même moment, la voiture dans laquelle était enfermé Nathaniel démarra, tout sirène hurlante.

[Terminé][Amour Sucré][Nathaniel]TraumaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant