Flash-Back Huit - Nathaniel - La Visite - Octobre 2018

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Il était 18 heures, Nathaniel attendait devant la maison de Milla, un peu plus loin dans sa voiture. Il connaissait l'adresse de sa maison parce qu'il lui avait envoyé des cadeaux pour le Noël précédent, alors qu'ils étaient encore ensemble. Il détaillait la maisonnette, un plain-pied avec un jardin d'agrément en friche sur le devant et une voiture dans l'allée.

Durant les cinq heures de trajet pour venir ici, l'étudiant s'était mentalement auto-flagellé de sa stupidité et sa naïveté. Il aurait dû venir et passer outre les arguments de Milla, il aurait dû les voir ici. Il aurait appris pour son père, Milla n'aurait plus eu besoin de le cacher et il aurait pu s'inscrire à cette fac-ci pour sa deuxième année de licence. Est-ce qu'un transfert serait toujours possible ?
Il espérait secrètement qu'en le voyant ici, Milla s'effondrerait en pleurs contre lui et qu'en un instant, tout redeviendrait comme avant. Puis après, toujours au volant, Nathaniel ricanait, se moquait de son romantisme à toute épreuve. Tout ne serait pas aussi facile. Comment réagirait-elle lorsqu'elle le verrait ? Comment allait-il gérer sa colère, si elle lui en voulait ? Qu'est-ce qu'il lui dirait ?
Durant le trajet, son cerveau réfléchissait à haut vitesse.

« Milla, je suis désolé de débarquer comme ça, je sais tout pour ton père. Pourquoi tu ne m'as rien dit ? »
« Je ne suis pas là pour qu'on soit à nouveau ensemble. Je suis avant tout ton ami et si tu as besoin de moi, je serais là. »
« Tu as trop de pression sur les épaules, tu dois prendre soin de toi, laisse moi t'aider. »

Puis après, lassé de ses pensées obsédantes, il mit la musique à fond pour pour couvrir la voix d'espoir dans sa tête.

Maintenant, cela faisait vingt minutes qu'il était garé et il n'avait toujours pas trouvé le courage de sortir de sa voiture. Une silhouette avança au loin, c'était Milla. Elle portait un sac sur son épaule, les mains dans les poches, le regard bas, elle approchait d'une démarche automatique. C'était le moment ou jamais d'aller à sa rencontre. Nathaniel était figé par la trouille mais il ne pouvait s'empêcher de sourire comme un idiot.
Main sur la poignée de la portière, il s'apprêtait à sortir de la voiture mais un autre véhicule apparut à cet instant. C'était une ambulance qui se gara en double file, ses warning qui clignotaient. Un homme en sortit du côté conducteur, il en fit le tour et ouvrit la double porte arrière, sortit la rampe de sécurité et aida Philippe Armand à descendre en fauteuil roulant. Il le conduisit devant la porte d'entrée de la maison, rejoint par Milla qui avait avancé à leur rencontre. Elle offrit son bras à son père qui se leva du fauteuil pour faire quelques pas difficiles et rentrer à l'intérieur.

L'ambulancier reprit le fauteuil, remballa la rampe et repartit. Le tout ne dura pas plus de deux minutes mais suffit à couper l'élan de Nathaniel. Maintenant que Philippe venait d'arriver, il n'allait pas débarquer comme ça... Il allait encore attendre un peu... Il n'était pas pressé.
Même s'il était parti à la hâte et qu'il fallait attendre toute la nuit, il avait pris quelques affaires et au pire, il avait vu un Formule 1 près de l'autoroute. Il décida qu'attendre trente minutes seraient suffisant pour que Milla se pose et s'occupe un peu de son père. Dans tous les cas, les informations qu'Ambre lui avait livrées étaient correctes. Philippe Armand avait l'air mal en point. Pourquoi Milla ne lui avait rien dit et comment se faisait-il qu'il n'ait jamais compris que son père avait fait un AVC ?

Une nouvelle voiture s'engagea dans la ruelle une dizaine de minutes plus tard, elle se gara devant la maison des Armand et un jeune homme en sortit. Il était brun, athlétique et élégant, à l'image de sa BMW neuve à la carrosserie brillante. Il sonna et juste après, Philippe vint lui ouvrir, clopin-clopant. Ils se serrèrent la main et le nouveau venu entra. Nathaniel ne se demanda pas qui cela pouvait être, il se fit la réflexion qu'il allait devoir repousser encore un peu plus son entrée en scène. Après une dizaine de minutes, l'inconnu ressortit, accompagné de Milla. Dans l'intervalle, elle s'était changée, avait attaché ses cheveux, opté pour une joie robe et des chaussures que Nathaniel savait appartenir à sa mère.
Que faisaient-ils ? De simples amis qui sortaient en rejoindre d'autres ? Un cousin ou un camarade de la fac ? Nathaniel les regardait main dans la main et il savait que ses hypothèses étaient fausses, mais il voulait être sûr de se tromper.

Le type ouvrit la portière côté passager mais il retint Milla de s'y installer d'un baiser passionné. Ils étaient collés contre la voiture et l'étudiant pouvait imaginer la danse de leurs langues. C'était presque indécent mais, surtout, c'était douloureux, comme un tison chauffé à blanc qu'on remuait dans la plaie de son coeur, comme la langue de Milla qui tournait dans la bouche de l'autre. Nathaniel ne décrocha pas son regard du couple, ne cligna même pas des yeux. Finalement, ils se détachèrent l'un de l'autre et Milla prit sa place à l'intérieur de la voiture. Son nouveau petit-ami s'installa à son tour et démarra. Nathaniel renifla et ses yeux brulaient. Il avait tout envisagé, sauf ça. A peine quelques mois pour s'en remettre. Sachant qu'elle l'avait déjà présenté à ses parents...
Combien de temps avait-elle mis avant de remontrer en selle ? Quelques semaines, quelques jours ? Est-ce qu'ils se connaissaient avant que lui et Milla ne rompent ? Est-ce qu'elle l'avait trompé avec lui ?
Ça ne pouvait être que ça. Tout s'était gâté depuis les vacances de Noël, avant qu'elle ne veuille rompre... Ça ne pouvait être que ça !

Alors que des larmes acides coulaient sur ses joues, Nathaniel se mit à taper son volant de ses mains. Il se débattait contre la tristesse et la colère qu'il éprouvait. Il se battait pour qu'elles ne l'envahissent pas. Il frappait de ses bras, donnait des coups de pieds à ses pédales et hurlait de rage contre le visage qui se reflétait dans le rétroviseur. Tous ces espoirs venaient d'être réduits par un baiser langoureux auquel il avait assisté. Il aurait voulu mourir plutôt que de voir ça, que de savoir qu'elle l'avait oublié, qu'elle avait bafoué leur amour.
Là, pitoyable, pleurant à chaudes larmes, vidé de son énergie, il n'avait qu'une envie, rouler à 200Km/h sur l'autoroute et laisser le premier terre-plein faire son oeuvre contre la carrosserie de sa polo blanche. Il voulait sentir la violence contre lui, il aurait aimé que son père soit là à lui asséner des coups, qu'il ressente la douleur physique plutôt que le déchirement psychologique.
Pour autant, il n'avait pas redémarré et il était resté là, ruminant les images et les pensées. Il était resté garé devant la maison de Milla qui ne revenait pas. Il était tard et les tourtereaux n'étaient pas rentrés, ils devaient passer la nuit ailleurs, ensemble. L'étudiant ressassait toutes les visions de leurs corps enlacés jusqu'à ce qu'ils en soient dégoutés et insensibles...
Le petit jour se levait et la fatigue faisait enfin son oeuvre de calmer ses émotions ultraviolentes. Nathaniel était à présent calme et il se dit qu'il était temps de rentrer et qu'il était inutile de rester plus longtemps à végéter. Et tant pis pour la nuit blanche qu'il venait de passer, qu'il advienne que pourra...
Il enclencha la vitesse au moment où, dans sa poche, son téléphone vibra. C'était Chris, il décrocha.

— Est-ce que tu as réfléchi à notre problème ? Il faut agir vite.

Nathaniel resta silencieux. Oui, Chris lui avait parlé du problème des Horses mais il n'y avait pas encore réfléchi, happé par les révélations de sa soeur la veille. Alors que son esprit était resté figé sur le baiser de Milla avec cet inconnu, il semblait se remettre en route. Il eut un sourire amer. Est-ce que les Argonautes allaient vraiment lui donner un but dans la vie ?

— Nath' ? Tu m'entends ? J'ai besoin de toi mec...
— T'es chez toi ? se résolut à répondre l'étudiant.
— Ouais.
— J'arrive.
— Quoi ? Mais...

Nathaniel raccrocha subitement et regarda la route devant lui, froidement. Son rétroviseur renvoya une mine grave et implacable. Il avait cinq heures pour réfléchir au problème des Horses et ça le maintiendrait en vie.

[Terminé][Amour Sucré][Nathaniel]TraumaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant