[Terminé][Amour Sucré][Nathaniel]Trauma

Chapitre Deux - Le Cosy Bear Café

Le lendemain de mon arrivée à Antéros, mon réveil fut perturbé par du bruit dans la salle de bain. J'étais désorientée par cette chambre que je ne reconnaissais pas, dans ce lit trop petit. Ma main tâta le mur, là où aurait dû se trouver ma table de nuit.

— Aie ! étoufffai-je en ouvrant les yeux.

La table de chevet était sur ma gauche et Yeleen sortit de la salle de bain, déjà prête. Il n'était que 8 heures 30, un samedi. Sans y faire attention, je baillai en m'engouffrant sous la couette. N'ayant aucune envie de faire face à ma colocataire dès mon premier réveil, j'attendis qu'elle parte pour me lever et me préparer.
J'aimais avoir la chambre rien que pour moi mais Yeleen revint déjà du réfectoire, avec un gobelet de café à la main.

— J'ai vu que tu avais des livres de Panofy et le Modèle Noir, remarqua Yeleen. Tu es en Histoire de l'Art ?

J'avais à peine entendu le son de sa voix depuis notre rencontre que ça me faisait bizarre. Je n'avais pas remarqué cette intonation hautaine qu'elle prenait en s'adressant à moi, mais c'était évident que son ton aille avec son attitude supérieure, un brin méprisante.

— Toi aussi ? m'étonnai-je.
— Oui, on va sûrement se croiser dans ce cas.

Son regard était impérieux, comme si Madame se voyait déjà major de promo. J'avais envie de lui répondre d'un air de défi "Que la meilleure gagne« mais je n'étais pas aussi provocante qu'elle.
La jeune femme s'installa sur son lit, vissa ses écouteurs dans les oreilles et m'ignora à nouveau. Je pris la salle de bain pour prendre une douche et me préparer. Je voulais aller au Cosy Bear Cafe pour voir éventuellement la patronne et me présenter à elle. Il vallait mieux enfoncer le clou plutôt que de laisser la place à quelqu'un d'autre. J'espérais simplement que le serveur ait transmis ma candidature.
A priori, j'étais la seule sur le coup, ce qui me donnait un avantage par rapport aux autres.

Je soignais ma tenue et ma présentation, avec mon emploi du temps à la main, je pourrai alors lui donner mes disponibilités. Tout était prévu.
Il était environ 10 heures quand je quittai le campus pour le café et, au même moment, je reçus un message de Rosalya. Elle proposait un après-midi shopping avec Alexy, comme au bon vieux temps. Je m'abstins d'y répondre tout de suite, préférant être sûre d'avoir le job. Au cas contraire, je n'avais pas trop les moyens de dépenser mon argent en extra. Alors, j'adressai une petite prière en me présentant devant le café. A l'extérieur, le jeune serveur qui m'avait accueillie si gentiment la veille me reconnut et vint à ma rencontre.

— Je suis content que tu sois là, j'ai parlé de toi à ma patronne, elle semblait intéressée.
— Vraiment ? C'est super !
— Allez viens, rentrons Au fait, moi c'est Hyun.
— Milla.
— Oui, je sais, rajouta-t-il d'un sourire.

Bien sûr qu'il le savait ! Idiote ! Il avait sûrement regardé mon CV. Derrière le bar, une femme d'une quarantaine d'années, les cheveux blonds, et les vêtements léopard un peu trop moulants, était en train de disposer des viennoiseries dans la vitrine d'un comptoir. Elle releva la tête et son regard se posa sur le duo qui se présentait devant elle.

— Clémence, commença Hyun, voici Milla, l'étudiante qui a postulé hier pour le poste.
— Bonjour, la saluai-je chaleureusement.

Je compris rapidement que je me heurtais à un mur. La patronne en question resta stoïque, et se contenta de me dévisager puis de me détailler des pieds à la tête, d'un regard inquisiteur.

— Oui, j'ai lu ton CV, tu as une petite expérience dans la restauration j'ai vu.
— Eh bien, j'ai travaillé en tant que serveuse dans des réceptions, anniversaires, mariages, banquets...Donc oui j'ai un peu d'expérience et puis ça ne me dérange pas de travailler les week-ends.
— On n'est pas dans un mariage ici et non plus dans un service de traiteur. Les choses sont différentes. Tu as déjà pris des commandes ? Tu sais te servir de la machine à café ? questionna-t-elle rudement.
— Non, mais j'apprends vite et je saurais m'adapter.
— Hmhm... Pourquoi ne pas te tester maintenant ?

Je m'attendais à tout sauf à un essai aussi rapide et je pouvais voir sur le visage de Clémence qu'elle se réjouissait de me voir prise au dépourvu.

— Ne t'inquiète pas, je suis là si tu as besoin, me rassura Hyun.

Au même moment, un groupe de clients passa la porte, sommant le jeune homme de les rejoindre et de s'occuper de leur commande.

— Viens, me pria Clémence, je vais te montrer les vestiaires pour déposer tes affaires, enfiler l'uniforme et après, je te montre ce que nous avons à proposer.

On fit le tour des cuisines, où, à une allure forcée, Clémence me fit le listing de ce qu'ils vendaient : les spécialités du café, les propositions du jour, le sucré avec les viennoiseries, le salé avec toute la partie snack. Elle enchaîna, toujours à bâton rompu, avec le fonctionnement de la machine à café, de la caisse enregistreuse, l'organisation de rangement du réfrigérateur. J'en avais plein la tête et la patronne s'amusait de voir mon visage s'assombrir au fur et à mesure de la présentation. Je mélangeais déjà les sirops avec les milkshake et je ne savais plus faire la différence entre la couque suisse et la tresse chocolat.
Quand, enfin, fière et resplendissante, la gérante eut terminé, elle me mit entre les mains un carnet et un crayon avec ce sourire victorieux et plein de défi. Elle reprit la direction de la cuisine quand Hyun revint avec une commande. Je devais ressembler à un zombie au cerveau fraîchement délavé.

— Tu peux me mettre un jus d'orange frais et un thé aux agrumes s'il te plait ? demanda-t-il gentiment.

Mon cerveau se remit en marche et mes pas me conduisirent au réfrigérateur pour trouver le jus et le verre qui correspondait. Au moins ça, c'était facile. De son côté, Hyun se hâta de faire un cappuccino et un milkshake à la banane. Ses gestes étaient rapides, efficaces et, chose qui me surprenait, il le faisait toujours avec un sourire aimable. Aurais-je un jour autant d'aisance ? Il remarqua mon regard, sûrement impressionné par sa technique et émit un rire discret.

— Tu prendras la main, ne t'inquiète pas. De toute façon, je serais là pour t'aider, tu feras petit à petit.
— D'accord, je te remercie.
— Et de toute façon, le peu que tu fais m'aidera déjà beaucoup. Avec la rentrée, j'avais peur de ne plus pouvoir assurer les cours et le café.
— Tu étudies à Anteros ? demandai-je en déposant mes commandes sur le plateau.

Hyun le prit pour l'amener à la table et revint.

— Oui, en master de gestion et toi ?
— Histoire de l'Art.

Nous nous séparions et retrouvions au comptoir au rythme des commandes, des tables à laver et des encaissements. Heureusement le week-end, il y avait moins de monde qu'en semaine. Pour une première journée, je trouvai vite mes marques avec l'aide de Hyun qui me guidait pas à pas. Vers 14 heures, il sortit de la cuisine, suivi de Clémence.

— Bon, je présume que tu as fait tes preuves, concéda-t-elle difficilement. Et Hyun trouve que tu es compétente et volontaire...
— Vous voulez dire que vous m'engagez ? m'enthousiasmai-je à demi.
— Il est encore un peu tôt mais je te donne au moins ta chance. Demain, soit là vers 18 heures, Hyun te montrera comment fermer le café, d'accord ?

Je hochai la tête en retenant de sourire trop ostensible devant le regard méprisant que Clémence me lançait avant de partir.

— Merci beaucoup Hyun, je pense que ton appréciation à beaucoup jouer en ma faveur.
— Non, tu t'en es bien sortie ! Rassure-toi. En plus, tu es motivée et souriante ! Beaucoup plus que les autres collègues que j'ai pu avoir.
— Merci en tout cas et je serais là demain à 18 heures.

En quittant le café, j'appelai Rosalya pour lui annoncer la bonne nouvelle et pour confirmer notre virée shopping au même moment.


Je retrouvai mes amis devant le centre commercial où ils m'accueillirent avec enthousiasme. La jeune femme n'avait pas dû attendre pour annoncer à Alexy la nouvelle de mon embauche.

— Alors la voilà ! La plus cool des serveuses ! s'exclama-t-il.
— Je sens qu'on va passer du temps au Cosy Bear Café ! renchérit l'étudiante en psycho.
— Doucement ! La patronne a l'air hyper chiante !
— Le plus important c'est d'avoir un peu d'argent à dépenser !

On passa la majorité de notre après-midi à faire les magasins où ils m'indiquèrent les nouvelles boutiques à voir en priorité. Et entre deux essayages, je pris enfin mon courage à deux mains pour poser la question me brûlait les lèvres depuis la veille au soir.

— Et sinon, vous avez des nouvelles de Nathaniel ? Il est toujours à Saint-Amour ? demandai-je bêtement alors que je connaissais déjà la réponse.
— Ah oui, il habite toujours ici, répondit Rosalya en échangeant un regard en coin avec Alexy.

Ils avaient tous les deux la même expression gênée du sujet qu'ils ne voulaient pas aborder.

— Ah oui et qu'est-ce qu'il fait, il a fini sa licence de Lettres ?
— Je pense que oui, mais je ne sais pas s'il s'est réinscrit en master... ajouta Alexy sur le même ton détaché.

Il pointa un pull, a priori moche dans le simple but de noyer le poisson mais je n'étais pas satisfaite des réponses vagues que ces deux-là me fournissaient.

— Vous ne savez pas ce qu'il fait ? Il ne sort plus avec vous, même de temps en temps ? repris-je tétue.
— Écoute Milla, répondit franchement Rosalya. Après votre rupture, il s'est éloigné du groupe. On a essayé de garder le contact mais il a coupé les ponts. Il mène sa vie maintenant et on ne s'en mêle pas.

Le ton de Rosalya laissait entrevoir son agacement à l'évocation du sujet de Nathaniel. Elle clôt la conversation brutalement mais sans violence dans son ton et ses propos. Puis comme si de rien était, elle s'extasia devant un maillot de bain.

— OK...

Je ne compris pas son comportement mais j'acceptai de laisser couler pour l'instant. Leur réaction et leur avarice à me donner des informations m'interpellaient davantage... Je comprenais que Nathaniel ait voulu prendre ses distances à la fin de notre relation mais ce rejet de mon ex-petit-ami m'interrogeait autant qu'il m'inquiétait. Qu'est-ce qui avait bien pu se passer dans sa vie pour qu'il devienne le jeune homme que j'avais croisé hier soir ?